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Collecte de déchets plastiques: entre désir de conformité et obstacles au processus

Plusieurs acteurs de la gestion des déchets au Cameroun ont encore du mal à s’acquitter du permis environnemental de plus de 10 millions de FCFA exigé par le gouvernement pour exercer cette activité.

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La production de la Sonara est devenue insuffisante pour satisfaire la demande nationale, et l’entreprise ne dispose plus d’une trésorerie solide.

30 nov. 2014

Transport aérien: Les agences de voyages asphyxiées par la TVA

Elles sont victimes de la concurrence des compagnies aériennes qui sont exonérées de la taxe et des agences de voyages internationales qui  la contournent  avec des techniques qui sont siennes.

Depuis deux ans déjà, les agences de voyages nationales ont encore du mal à supporter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), infligée par la loi de finance 2013, sur les commissions perçues sur les billets d’avion. L’on a appris que les membres du Syndicat national des agences de voyages et de tourisme du Cameroun (Snavtc), ont eu une audience avec le ministre des Finances (Minfi), le mois de juin dernier. 
Une énième réunion avec le Minfi qui « a été l’occasion une fois de plus de lui exposer les problèmes que nous rencontrons avec la TVA qui nous ai imposée », confie Ngassa Happi, président du Snavtc. A l’issue de cette audience, un comité ad hoc, a été constitué pour se pencher sur ce problème. Ce comité fait également suite à plusieurs autres plaintes déjà déposées par le syndicat, auprès des autorités, apprend-on.
En effet, les agences de voyages locales (Aigle Voyage, July Voyages, Tropic Voyages, Idéal Voyages, Transu Voyages, Moabi Voyages…), estiment que la loi de finance 2013, est « discriminatoire ». Puisque dans son article 127, alinéa 4 du code général des impôts, soumet les agences au paiement de la TVA sur leurs commissions, mais exonère les compagnies aériennes de cette taxe sur les mêmes commissions perçues sur la vente des billets d’avion. «C’est carrément une concurrence déloyale, car nous sommes obligés d’imputer la TVA et vendre les billets plus cher. Ceci, à contrario des compagnies qui vendent moins cher car elles n’ont pas de taxe et nous volent ainsi les clients », tranche, Henri T., directeur commercial d’une agence de voyage.
Ce dernier et plusieurs autres responsables d’agence de voyages rencontrés à Douala, estiment que cette loi de finance a été prise sans tenir compte des rouages du métier du transport aérien.  « Ce sont les compagnies aériennes qui mandatent les agences de voyages pour vendre les billets à leur compte. 
Les compagnies rétribuent les agences pour les services qui sont ainsi rendues. Alors, qu’elle sera la raison de venir acheter un billet dans une agence où la TVA est imputée et augmente le coût du billet. Alors, qu’à côté, la compagnie qui nous mandate ne souffre d’aucune taxe dans ce service. Mieux, les agences de voyages ferment », s’indigne,  William Smith, directeur général de PSV Voyage, joint au téléphone.    

Détournement du marché 

Il faut relever que cette TVA introduite dans la loi de finance 2013, avait déjà fait l’objet de plusieurs oppositions de la part des agences de voyages. Le président du Snavtc, révèle que depuis plusieurs années le gouvernement a tenté d’imposer la TVA sur les commissions servies aux agences de voyages par les compagnies aériennes. 
Mais, le syndicat avait démontré à l’administration fiscale de l’époque les conséquences néfastes qui pouvaient s’en suivre. Et, l’imposition des commissions des agences à la TVA, avait été exonérée. L’ex directeur des impôts en 2001, Polycarpe Abah Abah, avait précisé dans sa lettre datée du 10 avril 2001 que « les commissions perçues par les agences de voyages à l’occasion de la vente des billets d’avion pour les vols internationaux ne sont pas majorées du montant de la TVA », précisait-il.
Mais, 13 ans plus tard cette taxe est désormais imputée aux agences de voyages. Ceci, aussi bien pour les billets des vols internationaux que nationaux. Pour les vols internationaux, les membres du Snatvc, estiment que cela va à l’encontre du fondement juridique de la TVA. En effet, comme l’explique, Jean Kakou, comptable, la TVA s’applique seulement sur les services et sur les biens de consommations intérieures. 
Par conséquent, « la base imposable de la commission à la TVA ne peut s’appliquer pour des voyages à l’extérieur du Cameroun. Douala-Paris-Douala, par exemple ne peut être à l’évidence consommée sur le territoire camerounais », analyse Ngassa Happi. Ce dernier, a d’ailleurs adressée une autre lettre au Minfi, le 14 avril 2014, pour interpeller, Alamine Ousmane Mey, sur ce que les agences nationales appellent « l’injustice commerciale ».
Plusieurs d’entre ces agences, craignant de perdre la clientèle, ont pendant des mois refusées d’appliquer la loi. Mais, ces dernières ont été frappées de redressement fiscal, apprend-on. En plus de l’exonération des compagnies aériennes de TVA, les agences de voyages locales, disent faire face au « rude détournement du marché » par les agences multinationales. En effet, L’on a appris auprès des agences de voyages réunies au syndicat, que les agences multinationales ont pris l’habitude de contourner la TVA exigée sur les billets d’avion, en les émettant dans leur succursale installées dans les pays africains, où il n’est pas exigé la TVA.
 Pourtant la réservation est faite au Cameroun. « Elles ne payent pas la TVA, et gagnent doublement sur le marché camerounais, surtout que les commissions qu’elles perçoivent dans d’autres pays ne souffrent pas de la TVA. Ce sont comme ça de bons contrats qui nous sont raflés au quotidien. Ils bénéficient de taux de change avantageux », s’indigne, Georges Sangang, directeur général d’Aigle Voyage.  

La manœuvre des agences de voyages internationales

Satguru Travel, une de ces agences internationales rencontrées, a soutenu avec véhémence respecté la législation camerounaise. Sales manager, à la direction générale de Satguru à Douala, M. Samsher, s’est dit étonné par une telle accusation. A en croire ce dernier, les objectifs de vente assignés  aux différentes filiales de l’agence ne peuvent pas « nous permettre de faire partir nos commissions vers d’autres filiales, sous prétexte qu’on veut contourner la TVA », tranche-t-il. N’empêche, si l’on en croit le Snavtc, la manœuvre des agences de voyages internationales, est facilitée par l’émission des billets électroniques, qui peuvent se faire dans n’importe quel pays. Bien plus, ces émissions externes tiennent toujours comptent de l’importance des commissions.  
Le Syndicat, soutient d’ailleurs que plusieurs de ces agences internationales, qui se sont spécialisées dans les émissions transfrontalières, évoluent dans la clandestinité. L’on a appris auprès du syndicat des agences de voyages, que plusieurs plaintes ont déjà été déposées à l’encontre de ces agences, mais « il existe une lenteur judiciaire », souligne Ngassa Happi. Le président du Snavtc, révèle que certaines compagnies aériennes, notamment Kenya Airways, ont déjà pris des mesures pour combattre le dumping pratiqué par les agences internationales, sur les commissions.
En effet, dans une lettre datée du 19 février 2014, la compagnie kenyane, demande à  leurs cadres d’interpeller les agences de voyages qui se livrent à cette activité, et ne plus les réaliser pour le compte des vols sur la compagnie. « Tous les tickets réservés à l’intérieur d’un pays et émis à l’extérieur du pays (SITO) et ceux émis et réservés hors du pays d’origine du passagers (Soto) doivent cesser », lit-on sur la lettre de Kenya Airways, dont le reporter a eu une copie. Cette réaction de la compagnie internationale, contraste pourtant avec le silence des autorités sur le problème. Et, pour les responsables des agences de voyages, l’introduction de la TVA est à l’origine de toutes « ces évasions fiscales, car ces agences internationales agréées sont venues ici pour faire entrer des bénéfices. Mais, s’ils se retrouvent avec des maigres commissions, elles ne peuvent que trouver les voies et moyens de se faire des rentrées d’argent », souligne un responsable d’agence de voyages locale. Ce dernier, à l’unisson avec le Snatvc, estime que l’équité sur le marché de billetage ne sera possible que si la TVA est supprimée ou alors baissée. Et, surtout qu’elle soit appliquée à toutes les parties prenantes.  Bien plus,  il recommande une identification et une mise en place des sanctions des agences qui participent aux émissions à l’étranger.   

Christelle Kouétcha      

Agences de voyage: La TVA perçue sur les commissions fait chuter les portefeuilles clients

Le contournement de ces TVA par certaines agences internationales est à l’origine des évasions fiscales.  
Depuis l’imposition de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les commissions des billets d’avions émis par les agences de voyages, les affaires de ces dernières virent de plus en plus au rouge. Plusieurs d’entre elles rencontrées, confient que leur portefeuille clients a considérablement baissé. Les clients, se sont de plus en plus tournés vers les compagnies aériennes. Celles-ci, étant exonérées de TVA sur les commissions des billets d’avion, offrent des prix plus abordables que celles des agences de voyages. « Les clients disent que nous sommes cher. C’est normal, que nous majorions un peu plus  les prix des billets. Sinon, nous allons nous retrouver avec de maigre commissions qui ne couvrent même pas nos charges », explique Georges Tchekemeng, Responsable commercial dans une agence de voyages.  
Ce dernier, explique par exemple que sur un billet d’avion de 500 000 FCFA, la commission qui est par exemple de 20 000 FCFA, est aujourd’hui réduite à environ 16 000 FCFA, soit 4000 FCFA de moins. La TVA étant de 19,25%. Les marges bénéficiaires sont donc réduites. Et, même les contrats avec certaines multinationales qui font parties de la  flotte des compagnies, « ont dû résilier le contrat et nous avons même de la peine à trouver d’autres qui nous ferons confiance aujourd’hui », souligne le directeur général d’une agence de voyages.  
Bien plus, l’on apprend que les agences de voyages non IATA, qui se chargeaient de prospecter les réservations pour celles agréées IATA, ont pratiquement résilié leur contrat. Pourtant, comme l’explique le responsable commercial d’une agence de voyages IATA,  ce les « démarcheurs » non IATA, qui permettent aux agences de voyages d’avoir à leur disposition du cash pour régler les charges fixes. « Une bonne partie de notre rentrée d’argent viennent de ces agences non agréées car elles payent en espèce. Pourtant avec  les partenaires comme les entreprises, le paiement est souvent différé, c’est-à-dire réglé 30 jours après », précise, un cadre de July Voyages.
En plus d’handicaper les activités des agences de voyages locales, l’imposition de la TVA sur les commissions des billets d’avion, entraîne aussi une évasion fiscale. Ceci, dans la mesure où les billets réservés au Cameroun, sont émis dans les pays étrangers. Du coup, « les recettes des ventes des billets réservés au Cameroun, sont reversées dans les banques partenaires de l’Association internationale du transport aérien (IATA) du pays d’émission. Ainsi, si le billet réservé au Cameroun est émis au Gabon, c’est la banque agréée IATA au Gabon qui va bénéficier de toutes ces recettes au détriment du Cameroun », analyse Ngassa Happi, président du syndicat des agences de voyages et de tourisme du Cameroun (Snavtc).
Les banques partenaires de l’IATA, contribuent  à la mise en place du processus d’organisation et de régulation des paiements et des facturations de l’IATA. L’association propose ce service à tous ses partenaires agréés à savoir, les compagnies aériennes, les agences de voyages, les tours opérators et autres revendeurs agréés afin de réguler et d'organiser les transactions financières entre les fournisseurs (compagnies aériennes) et les revendeurs de titres de transport aérien (billets d'avion).
Christelle Kouétcha


Annick Tchangang Cotet: « Il faut suspendre la TVA sur la vente des billets d’avion »

La Directrice générale Agence Française de Voyages à Yaoundé analyse l’impact de l’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée sur les commissions des agences de voyage.   
Annick Tchangang Cotet
Comment appréciez-vous le fait que la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soit imposée sur les commissions des ventes de billets émis par les agences de voyage, pour les compagnies aériennes ?
L’application d’une TVA sur les frais de service à l’émission (rémunération pour un service de conseil et d’émission rendu localement) est discutable, car nous représentons les compagnies. Il n’y a pas de raison que les agences soient imposées différemment pour l’activité ‘vente de billets d’avion. L’application d’une TVA sur les commissions (rémunération incluse dans le prix total d’un billet voyagé à l’international, alors que par sa nature de « bien consommé à l’international », il ne peut y avoir de TVA sur ce voyage) : si l’ensemble n’est pas soumis à TVA, une partie ne saurait l’être. Le problème le plus grave concerne l’imposition d’une TVA aux agences de voyages, et en même temps l’exonération des compagnies aériennes, ce qui donne une loi à 2 poids, 2 mesures, une loi qui accorde un privilège indu, inexplicable et inacceptable aux compagnies, et renforce de fait leur situation de monopole, exacerbant la précarité des agences de voyages au Cameroun.
Quelles sont les conséquences de cette imposition de la TVA sur les commissions des agences de voyage ?
Les compagnies sont exonérées de TVA dans leur activité ‘transporteur’, selon des accords internationaux (dont le contenu ne m’est pas connu). Par contre, pour vendre des billets (et ceux de compagnies partenaires), les compagnies exercent une activité ‘agence de voyages’ et ont un code IATA spécifique à l’activité ‘agence de voyages IATA’, qui est une activité exercée localement dans un pays donné, et pourrait donc être taxable au même titre que celle des agences de voyages locales. Les bureaux locaux de ces compagnies aériennes fonctionnent comme une agence de voyages installée au Cameroun, avec des commissions ou des frais de service, qui leur permettent d’assurer leurs charges et dégager des bénéfices. Sauf qu’elles vendent, ainsi que les agences, des billets à l’international, donc a priori non soumis à TVA ! Imposer une TVA aux agences et en exonérer les ‘agences de voyages-compagnies’, c’est aggraver la précarité de la profession des agences de voyages au Cameroun, qui a vu ses commissions baisser drastiquement, en partie artificiellement par le biais de l’introduction d’une taxe de surcharge carburant (qui n’est qu’un revenu caché des compagnies), qui a vu ses commissions supprimées pour l’instauration de frais de service, et qui aujourd’hui est encore obligée de sacrifier 1/5e de ses revenus pour rester compétitif et garder au final un prix égal à celui des compagnies aériennes, car personne ne veut payer plus cher et que les agences doivent survivre. Ce malentendu et cette inégalité de fait devant la loi doivent être clarifiés. Que tous les vendeurs de billets soient assujettis à la TVA, ou en soient exonérés. La profession ne serait pas en butte à une concurrence déloyale induite par la loi.
Le Syndicat national des agences de voyages et de tourisme du Cameroun, a saisi le gouvernement sur ce problème de TVA, où en est-on avec les pourparlers ?  
Un groupe de travail se penchera sur la question, pour étudier les arguments des agences de voyages, et rendra ses conclusions. Mais la Loi des Finances ne se modifie pas du jour au lendemain. Un autre groupe de travail étudie les conditions de collaboration entre les entités publiques et les agences de voyages, collaboration suspendue par un communiqué du Ministre des Finances.
L’on a appris que les agences internationales émettent des billets d’avion à l’étranger, pourtant ils sont réservés au Cameroun. Est-ce que cette activité est réglementaire ? Et, est-ce que l’on n’assiste pas la à une évasion fiscale ?
Si vous parlez  d’agences sans agrément ou avec agrément au Cameroun, et qui émettent leurs billets de Ouagadougou, Cotonou, etc, et bien ces agences ‘pirates’ ont de meilleures conditions de rémunération à l’étranger ou bénéficient de flexibilité sur le plan fiscal, opèrent de fait (pour tout ou partie) depuis l’étranger. Cela conduit nécessairement à de l’évasion fiscale, à des transferts d’argent non contrôlés. Pour les billets Camair-Co au national et au régional, incluant une TVA importante, l’émission depuis l’étranger a pour effet la suppression automatique de la TVA à l’émission. Cette TVA aurait dû être reversée à l’Etat par la compagnie, et il y a là un gros manque à gagner… sans compter que c’est toujours une concurrence déloyale aux agences de voyages citoyennes.
Est-il possible de contrôler le paiement de la TVA sur les billets émis sur internet ?
En principe, oui, mais puisque les compagnies sont exonérées, elles n’incluront pas de TVA. Pour les rares agences de voyages vendant via internet, cela devrait être possible. C’est une question de paramétrage. Mais il faut revenir au fonds : savoir si cette TVA a lieu d’être.
Est-ce que dans d’autres pays, notamment africain la Taxe sur la valeur ajoutée est imposée sur les commissions des agences de voyages ? Sinon, comment ça marche là-bas ?
En Côte d’Ivoire, siège de la Fisavet (Fédération d’agences pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre), les compagnies aériennes ne sont pas soumises à la TVA sur les frais de service ou commissions. En qualité de « mandataires » des compagnies aériennes, les agences de voyages ne sont donc pas soumises à la TVA non plus et sont soumises au même régime fiscal. La TVA n’est appliquée que sur les billets domestiques (voyagés au national).
Quelles sont les solutions pour que les agences de voyages nationales puissent vraiment entrer en possession de leur rémunération ? 
Suspendre l’application des mesures de la TVA sur ventes billets d’avion aux agences pour que la rémunération ne soit pas amputée d’1/5e car on ne peut pas être 1/5e plus cher ; d’urgence aller au fonds, pour trancher une fois pour toutes. Ou limiter l’activité des compagnies à transporter, et celle des agences de voyages à vendre les titres de transport. Réglementer le marché (trop d’agences pirates et sans agrément).
Propos recueillis par Christelle Kouétcha 

10 nov. 2014

Non-interchangeabilité des FCFA : Les transactions commerciales entravées

Les opérateurs économiques de la zone Franc ont du mal à faire circuler les fonds et le marché de changes informel ne cesse de se développer.  
La non-interchangeabilité des FCFA handicape les transactions commerciales
La non-interchangeabilité du FCFA constitue « une incongruité », comme le soutiennent certains analystes et observateurs. Et, depuis lors ce sont les échanges commerciaux entre les deux régions qui en pâtissent. Directeur général de la société Paness, Dieudonné Tietse, explique que la difficulté de changer le FCFA de l’Afrique de l’ouest et celui de l’Afrique centrale, limite « considérablement » la circulation des fonds. Et pour cet opérateur économique le fait que les deux FCFA ne soient pas interchangeables, les opérateurs économiques ont du mal à créer des partenariats avec leurs homologues. Car, « nous avons encore des obstacles liés aux changes, au droits de transfert et la limitation des montants à circuler. Pourtant, pour qu’une économie s’intègre et marche correctement, il faut que les biens, les personnes et l’argent circulent normalement »,  relève l’homme d’affaires.
D’ailleurs, comme le soutenait l’ancien fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD), Sanou Mbaye, la non-harmonisation entre les FCFA représente un sérieux obstacle dans les « transactions substantielles » entre les deux zones. Il s’exprimait dans les colonnes du journal panafricain, Jeune Afrique. Ainsi, les échanges commerciaux quasi-nuls entre les deux régions, sont davantage découragés. Car, « les deux communautés où elles ont cours sont économiquement différentes et se comportent exactement comme si elles avaient des échanges avec des monnaies différentes », analyse Dieudonné Essomba, économiste.  De plus, cette situation constitue selon les experts en question monétaire et les analystes, un alibi pour  justifier le doute et le discrédit portés à l’existence même de la zone Franc comme zone monétaire optimale. « Une zone monétaire optimale signifie, entre autres choses, un taux de change fixe à l’intérieur de la zone et un taux de change flexible à l’extérieur. Or si les deux FCFA ne sont pas convertibles entre eux, alors il n’y a plus de zone Franc au sens fondamental du terme mais de la routine fonctionnelle historiquement installée », explique Alain Mvondo, économiste.
Par conséquent, les Etats ou d'autres entités par exemple des régions ou des multinationales ne vont pas utiliser le FCFA comme monnaie dans laquelle ils vont, soit adosser leur dette, soit leur demandes d'emprunts. Pourtant cela constitue des caractéristiques d'une monnaie internationale. Ainsi, « Cette monnaie (FCFA) ne peut donc pas devenir une monnaie internationale car il ne peut par exemple pas servir de monnaie de libellé d’émission de titres obligataires ou de bons à court terme émis par des Etats ou des entités tierces », analyse le macro-économiste, Thierry Amougou. Bien plus, à cause de cette non-interchangeabilité l’on assiste au développement d’un vaste marché informel des changes. Ce marché compense ainsi le vide institutionnel laissé par une zone Franc qui ne remplit plus son rôle de zone monétaire optimale. Dans plusieurs banques aujourd’hui, les responsables estiment que le change des FCFA est d’ailleurs « sans intérêt ». Et, pour les quelques unes qui offrent encore ce service, la commission retenue est pareille avec celle perçue avec l’Euro et tourne autour de 2,5%. Par ailleurs, soulignent des économistes, sans collaboration monétaire, les deux instituts d’émission (BEAC et Bceao) renoncent à mettre en commun leur force pour répondre en bloc aux effets néfastes des crises monétaires, financières et économiques.
Christelle Kouétcha




Interchangeabilité des FCFA : La BEAC et la Bceao se regardent en chiens de faïence

Face à la méfiance des deux institutions d’émission, certains économistes réclament des réformes pour une indépendance monétaire.  
La Beac et la Bceao devraient fusionner
Cela fait plusieurs années déjà que les négociations pour mettre fin à la non- interchangeabilité du FCFA  en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale durent. Mais, aucun aboutissement concret des négociations entamées n’est encore perceptible. Il y a quatre ans, les gouverneurs des deux banques centrales avaient, au cours d’une réunion à Yaoundé, affirmé la volonté de la Beac et de la Bceao de parvenir à une harmonisation du FCFA. Mais rien ne bouge. Pour les économistes, ce recul dans le processus d’harmonisation du FCFA, s’explique par la méfiance mutuelle entre les deux institutions d’émission. « Tant à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, qu’à la Banque des Etats de l’Afrique de l’Ouest  chacun considère que la monnaie de l’autre est mauvaise par rapport à la sienne. La confiance est donc une raison extra-économique dont l’absence rend plusieurs transactions monétaires impossibles », explique Thierry Amougou, macro-économiste et fondateur du Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et politiques.
Dans un entretien accordé à RFI, en 2012 Yves Ekué Amaïzo, économiste, expert des questions monétaires, avait également soulevé ce problème de souveraineté nationale qui plombe la volonté des deux régions à trouver un accord « concret » dans le processus d’interchangeabilité des FCFA. Et, c’est sans doute de bonne guerre, car comme l’expliquent plusieurs économistes, la création de deux instituts d’émission différents pour une même zone monétaire et une même monnaie, favorise davantage le problème de non convertibilité qui se pose aujourd’hui entre les deux FCFA. « Il aurait suffi d’avoir un seul institut d’émission dès le départ pour une meilleure harmonisation. Mais, la politique de division monétaire de la métropole pour mieux régner politiquement montre encore ses impacts négatifs de long terme », souligne un économiste.
Et, comme le soutient Dieudonné Essomba, économiste, les deux banques d’émission apparaissent comme des délocalisations administratives du Trésor français et ne peuvent entretenir des relations directes entre elles. Mais pour que cela soit possible, « il faudrait que ces deux entités disposent d’une autonomie de décision, ce qui suppose l’émancipation des monnaies qu’elles gèrent de la tutelle française et par la suite, le démantèlement de la zone Franc », précise l’économiste.
En outre, des experts des questions monétaires, expliquent que l’autre raison qui peut justifier le retard dans l’harmonisation des FCFA, n’est autre que la mauvaise réputation dans la gestion budgétaire dont s’accusent mutuellement l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. Conséquence, chaque institut d’émission considère la monnaie de l’autre comme étant moins crédible que la sienne car chaque groupe de pays considère l’autre comme un mauvais gestionnaire. Et, sur ce point « l’Afrique de l’Ouest s’est toujours jugée meilleure gestionnaire car l’intégration régionale y est plus poussée au même titre que l’orthodoxie monétaire. Tout cela renforce le manque de confiance nécessaire qui entraîne la non convertibilité entre les deux FCFA », souligne Thierry Amougou.  
Mais pour surmonter tous ces obstacles à l’interchangeabilité, certains économistes réclament plutôt des réformes en matière d’indépendance monétaire pour que le FCFA, ne soit plus rattaché à l’Euro. Bien plus, l’une des visions des chefs d’Etat régulièrement évoqués lors des sommets et de l’UA est notamment l’instauration d’une monnaie unique sur le continent, ou débuter avec une monnaie unique dans les deux sous-régions. Mais, cette autre étape, n’est qu’un long chemin parsemé d’embûches. Car, jusqu’ici plusieurs dates ont été fixées pour une monnaie régionale. Là encore, les dates ont changé plusieurs fois. Les autorités ont même parlé d’une monnaie « éco », sauf que jusqu’ici, aucune avancée sensible n’est enregistrée. Economiste, Hubert Kamgang estime d’ailleurs qu’il est temps de lever l’hypothèque du FCFA et œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États-Unis d’Afrique…
Christelle Kouétcha


Monnaie : Quand les CFA se refoulent

Même ayant une même valeur face à l’Euro, les FCFA de l’Afrique centrale et de l’Ouest ne peuvent être réciproquement utilisés.
Difficile pour un ressortissant de l’Afrique Centrale,  d’effectuer une quelconque opération commerciale avec le FCFA (franc des Communautés Financières d'Afrique)  dans   l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Que ce soit au Togo, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, … le FCFA de l’Afrique Centrale n’est pas accepté  par les pays membres de  l’Uemoa, qui pourtant utilisent, aussi, le CFA.  Pour une transaction  financière, par exemple, il faut changer son FCFA de l’Afrique Centrale, avec celui de l’Afrique de l’Ouest. « Lors de mon premier voyage au Togo, j’avais près de 50 000 de FCFA utilisés au Cameroun. Aucun restaurant, aucun hôtel n’a voulu de mes billets. J’ai dû convertir en dollar pour pouvoir réaliser ce que j’avais à faire », se rappelle, déçu, Mathieu Kouam, commerçant. 
En effet,  même si le FCFA de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et celui de l’Uemoa ont la même valeur par rapport à l’euro, il est impossible de payer sa baguette de pain à Douala, au Cameroun, avec la pièce de 100 FCFA émise par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Bceao), et vice-versa. La réticence est perceptible dans les grandes surfaces commerciales, les banques, les hôtels… Pour les responsables de ces structures, pas question de percevoir des FCFA qui ne sont pas émis par leurs banque centrales respectives. Mais, si l’on dispose de l’Euro ou du dollar, l’opération peut être réalisée sans soucis. « Nous avons un intérêt, car avec l’euro ou le dollar on peut facilement changer. Pourtant, si le client nous remet un FCFA de l’Afrique Centrale je ne sais même pas si une banque peut changer », explique une caissière à l’hôtel Djoloff au Sénégal.
Même son de cloche chez les artisans du marché HLM de Dakar au Sénégal. Ici, les commerçants sont prêts à prendre les Euros pour l’achat d’un pagne, en plus du FCFA de la zone Uemoa. Au moins, « il n’a pas de restriction comme avec le FCFA de l’Afrique Centrale. Après tout, l’Euro est une monnaie internationale et se change dans toutes les institutions bancaires. Pareil pour le dollar »,  indique Ousmane, vendeur de pagnes.  Au cours de la rencontre des patronats de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale, à Douala au Cameroun, plusieurs patrons ont confié que même lors des éventuelles opérations d’exportations entre les pays de ces régions,  le paiement ne peut point se faire avec les deux FCFA. « Nous devons toujours payer nos partenaires Ouest Africain en Euro, avant qu’ils ne le convertissent en leur FCFA. Par conséquent, en cas de fluctuation de l’Euro et les autres monnaies étrangères, les recettes d’exportation de nos régions fluctuent également », explique Gilles-Gilbert Gresenguet, président de l’Union nationale du patronat africain en République centrafricaine.
Cette situation de non interchangeabilité, dure depuis plus d’une décennie entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Puisque, c’est en septembre 1993 que l’interchangeabilité et la convertibilité ont été supprimées par les banques centrales des deux régions. Et, comme l’explique Gérard Biboum, économiste, cette suppression de l’interchangeabilité avait été soutenue par certains dirigeants de l’Afrique Centrale, car ceux-ci pensaient que le franc CFA de leur région, mieux lotie en ressources naturelles, vaudrait un jour plus cher que celui d’Afrique de l’Ouest. Mais, rien n’a changé depuis lors et les deux FCFA ont toujours la même valeur.
Christelle Kouétcha


Thierry Amougou: « Il faut créer une monnaie et banque centrale panafricaine pour la zone CFA»

Macro économiste, il analyse l’impact de la non-interchangeabilité des FCFA et propose des solutions pour sortir de ce problème.
Qu’est ce qui explique qu’aujourd’hui que le FCFA de l’Afrique centrale et celui de l’Afrique de l’Ouest ne soient pas utilisés réciproquement dans les pays des deux régions sans poser de problème comme dans le passé?
Thierry Amougou 
En dehors des causes historiques liées à l’existence de deux instituts d’émission pour une seule monnaie, Il n’est pas possible de changer directement le FCFA d’Afrique centrale contre celui de l’Afrique de l’ouest parce que les deux régions, les pays qui les composent et donc les deux instituts d’émissions (BEAC et Bceao), ne se font pas confiance mutuellement. Cette méfiance s’explique entre autre par le fait que les stratégies monétaires choisies par les deux régions depuis les chocs pétroliers et les crises financières et monétaires subséquentes sont assez différentes. En effet, avant le premier choc pétrolier de 1973, l’Afrique centrale, confrontée à un problème de faiblesse du crédit bancaire dans le financement de l’économie, avait opté pour une stratégie microéconomique de gestion expansive de crédit bancaire en faveur du financement des entreprises. Après les effets néfastes du second choc pétrolier en 1979, cette politique monétaire expansive est devenue macroéconomique alors que l’Afrique de l’ouest, en proie à des déficits extérieurs suite au second choc pétrolier, avait choisi une politique monétaire restrictive (contraction du crédit) afin de résorber son déficit extérieur par une reconstitution de ses réserves de change. Ces deux stratégies différentes font que les deux instituts d’émission ne poursuivent pas les mêmes objectifs et ont automatiquement des monnaies de valeur et d’usage différents. C’est ce qui arriverait aujourd’hui si l’Europe avait eu deux banques centrales avec d’un côté une banque centrale qui appliquerait la politique monétaire restrictive que préconise l’Allemagne et de l’autre côté une autre qui opterait pour une politique monétaire expansive voulue par la France pour relancer la croissance par la demande. Cela entrainerait la naissance de deux Euros de nature et de valeur différentes car au service de structures économiques, fiscales et sociales différentes.
Le fait que le FCFA de l’Afrique Centrale soit changé en Euro ou en dollar, avant d’être changé en celui de la Cedeao profite à qui ?
Cela profite déjà à l’Africain ordinaire qui était bloqué parce qu’il ne pouvait acheter, prêter, emprunter, ou éteindre une dette parce qu’il se trouve dans une région avec un FCFA refusé comme moyen de paiement, intermédiaire des échanges et réserve de valeur. L’existence du Dollar ou de l’Euro le sort d’un blocage transactionnel très coûteux si ces devises internationales avaient été absentes. Cependant les coûts que supporte cet Africain ordinaire ne sont pas nuls car il doit chercher des informations sur comment avoir des Euros ou des Dollars, sur où les avoir et à quel taux de change. Cela fait des coûts de transaction et une perte de temps qui diminuent la valeur d’échange de ses FCFA de départ. Deuxièmement les profits vont aux courtiers et cambistes africains qui gèrent le marché informel de change. C’est un marché florissant. Cette situation profite également aux deux monnaies internationales que sont l’Euro et le Dollar. Ces deux monnaies jouent ici le rôle d’intermédiation monétaire entre les deux FCFA, rôle qui prouve que c’est non le FCFA qui circule en Afrique de l’ouest du centre mais bien effectivement l’Euro ou le Dollar. Deux monnaies qui renforcent donc ainsi leur domination au sein du système monétaire international car le manque de convertibilité entre les deux FCFA renforce non seulement leur assise mondiale, mais aussi la puissance géopolitique et économique des Etats et régions qui les émettent. Personnellement je ne parle pas de Zone Franc mais de zone Euro-FCFA pour tenir compte du fait que depuis la naissance de l’Euro en 1999 la zone Franc est une composante tropicale de la zone Euro. La monnaie et services qu’elle rend au sein d’un système financier constituent par ailleurs un bien public. L’absence de parité entre les deux FCFA fait que la neutralité, la continuité et l’égalité des services que le FCFA et la Zone-Franc doivent rendre aux citoyens n’est plus un bien public car le système de paiement offert aux personnes n’est plus cohérent par rapport aux caractéristiques d’un bien public.
Qu’est ce qu’il faudrait faire pour que les deux monnaies soient utilisées dans les différents pays, sans risque de le changer en Euro ou en dollar obligatoirement ?
Il suffit d’une volonté politique forte et conséquente des pays africains de la zone Franc. Ce qu’il faut pour remédier à cette situation n’est pas d’abord technique mais de l’ordre de l’engagement politique que les dirigeants des pays africains de la Zone Franc peuvent prendre en se posant les questions suivantes : qu’est-ce qu’une monnaie dans des pays souverains ? À quoi sert-elle dans le processus de développement de nos pays ? Les FCFA nous satisfait-il par rapport à nos problèmes et objectifs de développement ? S’ils arrivent à la réponse qu’ils sont satisfaits alors il n y a rien à faire et rien ne se fera. S’ils pensent qu’ils ne sont pas satisfaits du FCFA alors ils doivent prendre leur responsabilité et être conséquents par rapport aux deux réformes possibles suivantes : Suivre la voie de l’UE par la création d’un FCFA nouveau par intégration verticale et réformes ad hoc que cela impose afin que le FCFA soit relié à l’Euro suivant un flottement libre qui met de côté le système du compte d’opération. Cette stratégie présente l’avantage d’un ajustement pas trop brutal au sein de la Zone Eurofranc. Opter pour une l’intégration monétaire horizontale. Elle implique la fusion des deux instituts d’émissions actuels (BEAC et Bceao) via la création d’une seule Banque centrale panafricaine et d’une monnaie panafricaine. Le sommet d’Abuja en 1991 s’était engagé dans cette voie avec la création préalable du Fonds monétaire africain (FMA). C’est la voie la plus souverainiste mais elle reste très timide dans sa mise en route.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha