30 nov. 2014

Annick Tchangang Cotet: « Il faut suspendre la TVA sur la vente des billets d’avion »

La Directrice générale Agence Française de Voyages à Yaoundé analyse l’impact de l’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée sur les commissions des agences de voyage.   
Annick Tchangang Cotet
Comment appréciez-vous le fait que la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soit imposée sur les commissions des ventes de billets émis par les agences de voyage, pour les compagnies aériennes ?
L’application d’une TVA sur les frais de service à l’émission (rémunération pour un service de conseil et d’émission rendu localement) est discutable, car nous représentons les compagnies. Il n’y a pas de raison que les agences soient imposées différemment pour l’activité ‘vente de billets d’avion. L’application d’une TVA sur les commissions (rémunération incluse dans le prix total d’un billet voyagé à l’international, alors que par sa nature de « bien consommé à l’international », il ne peut y avoir de TVA sur ce voyage) : si l’ensemble n’est pas soumis à TVA, une partie ne saurait l’être. Le problème le plus grave concerne l’imposition d’une TVA aux agences de voyages, et en même temps l’exonération des compagnies aériennes, ce qui donne une loi à 2 poids, 2 mesures, une loi qui accorde un privilège indu, inexplicable et inacceptable aux compagnies, et renforce de fait leur situation de monopole, exacerbant la précarité des agences de voyages au Cameroun.
Quelles sont les conséquences de cette imposition de la TVA sur les commissions des agences de voyage ?
Les compagnies sont exonérées de TVA dans leur activité ‘transporteur’, selon des accords internationaux (dont le contenu ne m’est pas connu). Par contre, pour vendre des billets (et ceux de compagnies partenaires), les compagnies exercent une activité ‘agence de voyages’ et ont un code IATA spécifique à l’activité ‘agence de voyages IATA’, qui est une activité exercée localement dans un pays donné, et pourrait donc être taxable au même titre que celle des agences de voyages locales. Les bureaux locaux de ces compagnies aériennes fonctionnent comme une agence de voyages installée au Cameroun, avec des commissions ou des frais de service, qui leur permettent d’assurer leurs charges et dégager des bénéfices. Sauf qu’elles vendent, ainsi que les agences, des billets à l’international, donc a priori non soumis à TVA ! Imposer une TVA aux agences et en exonérer les ‘agences de voyages-compagnies’, c’est aggraver la précarité de la profession des agences de voyages au Cameroun, qui a vu ses commissions baisser drastiquement, en partie artificiellement par le biais de l’introduction d’une taxe de surcharge carburant (qui n’est qu’un revenu caché des compagnies), qui a vu ses commissions supprimées pour l’instauration de frais de service, et qui aujourd’hui est encore obligée de sacrifier 1/5e de ses revenus pour rester compétitif et garder au final un prix égal à celui des compagnies aériennes, car personne ne veut payer plus cher et que les agences doivent survivre. Ce malentendu et cette inégalité de fait devant la loi doivent être clarifiés. Que tous les vendeurs de billets soient assujettis à la TVA, ou en soient exonérés. La profession ne serait pas en butte à une concurrence déloyale induite par la loi.
Le Syndicat national des agences de voyages et de tourisme du Cameroun, a saisi le gouvernement sur ce problème de TVA, où en est-on avec les pourparlers ?  
Un groupe de travail se penchera sur la question, pour étudier les arguments des agences de voyages, et rendra ses conclusions. Mais la Loi des Finances ne se modifie pas du jour au lendemain. Un autre groupe de travail étudie les conditions de collaboration entre les entités publiques et les agences de voyages, collaboration suspendue par un communiqué du Ministre des Finances.
L’on a appris que les agences internationales émettent des billets d’avion à l’étranger, pourtant ils sont réservés au Cameroun. Est-ce que cette activité est réglementaire ? Et, est-ce que l’on n’assiste pas la à une évasion fiscale ?
Si vous parlez  d’agences sans agrément ou avec agrément au Cameroun, et qui émettent leurs billets de Ouagadougou, Cotonou, etc, et bien ces agences ‘pirates’ ont de meilleures conditions de rémunération à l’étranger ou bénéficient de flexibilité sur le plan fiscal, opèrent de fait (pour tout ou partie) depuis l’étranger. Cela conduit nécessairement à de l’évasion fiscale, à des transferts d’argent non contrôlés. Pour les billets Camair-Co au national et au régional, incluant une TVA importante, l’émission depuis l’étranger a pour effet la suppression automatique de la TVA à l’émission. Cette TVA aurait dû être reversée à l’Etat par la compagnie, et il y a là un gros manque à gagner… sans compter que c’est toujours une concurrence déloyale aux agences de voyages citoyennes.
Est-il possible de contrôler le paiement de la TVA sur les billets émis sur internet ?
En principe, oui, mais puisque les compagnies sont exonérées, elles n’incluront pas de TVA. Pour les rares agences de voyages vendant via internet, cela devrait être possible. C’est une question de paramétrage. Mais il faut revenir au fonds : savoir si cette TVA a lieu d’être.
Est-ce que dans d’autres pays, notamment africain la Taxe sur la valeur ajoutée est imposée sur les commissions des agences de voyages ? Sinon, comment ça marche là-bas ?
En Côte d’Ivoire, siège de la Fisavet (Fédération d’agences pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre), les compagnies aériennes ne sont pas soumises à la TVA sur les frais de service ou commissions. En qualité de « mandataires » des compagnies aériennes, les agences de voyages ne sont donc pas soumises à la TVA non plus et sont soumises au même régime fiscal. La TVA n’est appliquée que sur les billets domestiques (voyagés au national).
Quelles sont les solutions pour que les agences de voyages nationales puissent vraiment entrer en possession de leur rémunération ? 
Suspendre l’application des mesures de la TVA sur ventes billets d’avion aux agences pour que la rémunération ne soit pas amputée d’1/5e car on ne peut pas être 1/5e plus cher ; d’urgence aller au fonds, pour trancher une fois pour toutes. Ou limiter l’activité des compagnies à transporter, et celle des agences de voyages à vendre les titres de transport. Réglementer le marché (trop d’agences pirates et sans agrément).
Propos recueillis par Christelle Kouétcha 

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