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13 févr. 2020

Exploitation minière : L’utilisation des armes à feu dans les chantiers est-elle une solution pour gérer les conflits de parcelle dans les chantiers miniers ?


L’artisan minier, Narko TAYO a été interné le 02 mai 2019 aux urgences de l’hôpital régional de Bertoua dans la région de l’Est pour blessures par arme à feu dans ses parties intimes. Le blessé âgé de 42 ans, a été touché par la balle d’un homme en tenue chargé d’assurer la sécurité d’un chantier minier d’une entreprise chinoise, installée à Colomine, dans l’arrondissement de Ngoura région de l’Est. Selon les témoignages concordants, alors qu’il assurait la sécurité du site exploité par l’entreprise chinoise connue par les communautés sous le nom de « Laon » (l’entreprise ayant refusé de donner sa véritable dénomination) l’homme en tenue sur ordres des responsables de l’entreprise chinois de disperser les artisans miniers qui se ruaient sur le site minier à la recherche de l’or, a tiré des coups de feu. Lesdits coups de feu ont traversé un domicile situé non loin du site et transpercé le Sieur Narko TAYO couché sur lit. La balle a traversé la maison construite en matériaux de fortune et atteint la victime dans ses parties intimes.
Selon les témoignages des proches de la victime, elle a été conduite d’urgence au Centre de santé de Colomine. Malheureusement, le cas étant sérieux et le centre de santé ne disposant pas de l’équipement adéquat pour la prise en charge de son cas, la victime a été transférée d’urgence à l’hôpital régional de Bertoua. Des sources proches de la famille, ont confié que 50 000 FCFA auraient  été remis à l’homme en tenue pour le transfert de la victime. Transféré à l’hôpital régional de Bertoua, l’artisan minier a été abandonné par l’homme en tenue sans soins. C’est après pression du délégué départemental des mines pour le Lom et Djerem que l’entreprise va finalement prendre en charge les soins de la victime après plusieurs jours.


Le cas de M. Narko TAYO, illustre l’une des conséquences des conflits récurrents entre les acteurs de la semi-mécanisation et les artisans miniers par rapport à l’exploitation de l’or dans les régions de l’Est et de l’Adamaoua. Dans le seul arrondissement de Ngoura, au moins quatre cas similaires à celui de M TAYO ont déjà été enregistrés en moins d’un an. Le 03 Mai 2019 un artisan minier a été mis en détention préventive dans les locaux de la gendarmerie de Ngoura sous le prétexte que ce dernier et ses frères exploitaient dans le permis de la société GRISTON-Colomine Sud dont la responsable de nationalité coréenne est connue localement sous le nom de Madame Park. En effet, on se rend compte que dans une zone comme Colomine où près de 90% de la communauté vit de l’exploitation de l’or, que tous les sites contenant de l’or ont été accaparés par les détenteurs de permis de recherche, les détenteurs des autorisations de l’exploitation artisanale (AEA). Ceci, au détriment des communautés n’ayant pour principale source de revenu que l’activité de l’or. Le décret d’application du Code minier de 2016 n’étant pas encore promulgué, ces artisans ne sont pas eux aussi en mesure de demander les autorisations d’exploitation artisanale. Du coup, ces artisans étant à la recherche de leur subsistance quotidienne sont obligés soit de côtoyer les sites miniers exploités par les entreprises, soit d’entrer dans leur chantier minier. 
Bien plus, il se pose la question de savoir pourquoi les entreprises “chinoises“ se sentent-elles obligées de prendre comme gardiens de leurs sites hommes en tenue (des militaires ou gendarmes) armées de fusil chargés de balles réelles, qui pour dissuader les artisans miniers dans leur chantier, tirent sur des personnes sans défense et ne présentant aucun danger pour leur sécurité, à la recherche de leur subsistance quotidienne? Cette dissuasion à l’arme à feu constitue une entorse aux dispositions en lien avec le contenu local dans le code minier de 2016. En effet, le code dans son article 26 al (2) prévoit que l’autorisation d’exploitation artisanale peut être attribuée dans un permis de recherche, même si cette attribution est conditionnée par une approbation préalable, l’on comprend par extension que les populations riveraines elles aussi peuvent exploiter dans lesdits titres.. En le faisant, le législateur a bien voulu reconnaître que l’exploitation artisanale traditionnelle de l’or qui est une activité ancestrale, est la principale source de revenus de ces communautés des zones minières. Par conséquent, le fait que les entreprises minières de la sémi-mecanisation utilisent leur AEA pour s’accaparer des sites miniers et expulser carrément lesdites communautés avec les moyens les moins orthodoxes que les tirs à balles réelles comme ce fut le cas le samedi 02 Mai 2019 à Colomine, ne peut qu’alimenter les conflits.


A ce stade, il devient plus qu’urgent, de se demander quel est le niveau d’implication des hommes en tenue dans l’exploitation minière ?  Est-ce que le cahier de charge de ces hommes en tenue leur donne le droit de tirer à balles réelles ou pas sur les populations au moindre ordre des commanditaires qui sont très souvent les exploitants miniers ? Quelle est la réglementation en ce qui concerne l’utilisation des armes à feu et plus encore, que prévoit ladite réglementation dans des zones habitées par des populations vulnérables  dans des chantiers miniers ? On se souvient qu’en 2018, à Longa Mali dans la région de l’Est, c’est un exploitant minier chinois qui avait tué par balle un artisan minier dans un chantier de l’entreprise minière chinoise Lu et Lang. Le tireur chinois avait été par la suite tué par les autres artisans à coup de pierres. Cette rixe malheureuse, une fois de plus avait été déclenchée après une dispute de parcelle entre les artisans miniers et les exploitants.

Ainsi, au regard des dégâts causés par l’utilisation de ces armes à feu dans les chantiers miniers, pourquoi utiliser de telles armes dans les chantiers miniers juste pour garder des sites, fût-il d’or ? Si la réponse des autorités en charge de la gestion des ressources minières est affirmative, alors il est plus qu’urgent de mieux définir les modalités d’utilisation de ces armes. D’ailleurs, pourquoi recourir aux hommes en tenue armées pour assurer la sécurité des sites miniers ? N’existent-ils pas d’autres moyens pour sécuriser ces sites ? En tout cas, en ce qui concerne les conflits liés aux parcelles ou espaces, l’expérience du Ghana, devrait sans aucun doute inspirer la gestion de ces conflits et limiter les morts et les blessés des accaparements de terre  par des tirs à balles réelles sur des artisans miniers sans défense. En effet, les autorités ghanéennes ont de concert avec les artisans miniers, les acteurs de la semi-mécanisation et les entreprises minières industrielles ont procédé à la délimitation des parcelles, réservant des parcelles à exploiter par les communautés seules pour préserver leurs moyens de subsistance. Ces zones dédiées aux communautés comme à l’image des forêts communautaires comme c’est le cas dans le secteur forestier ou tout au moins des zones agroforestières constituent des espaces sécurisées pour permettre à des populations établies dans ces localités depuis de très nombreuses années de continuer à assurer leur survie.

Christelle KOUETCHA

Les impacts négatifs de la non-publication du décret d’application du nouveau code minier de 2016



Bientôt quatre (4) ans que les acteurs du secteur minier camerounais sont dans l’attente de la promulgation du décret d’application de loi n°2016/017 du 14 décembre 2016 portant code minier au Cameroun. Depuis que cette promulgation traîne, le secteur minier du Cameroun fait face à beaucoup de difficultés. L’un des problèmes majeurs actuellement réside dans le fait qu’il est encore difficile de scinder l'activité d'exploitation minière artisanale en deux comme le prévoit la loi de 2016. En effet, si le nouveau code  minier de 2016 était appliqué, une bonne distinction entre l’exploitation artisanale et l’exploitation artisanale sémi-mecanisée devrait correctement être faite. Par conséquent au lieu d’avoir aujourd’hui des autorisations d’exploitations artisanales  acquis par des élites  et sous-traitées ou vendues aux entreprises minières étrangères particulièrement chinoises, l’on aurait plutôt eu des entreprises correctement constituées, avec des obligations claires, qui acquièrent des titres d’exploitation artisanale semi-mécanisée (ASM). Et, en ayant ces entreprises comme détenteur d’autorisation d’exploitation artisanale semi-mécanisée un meilleur contrôle sur la base des obligations qui le sont assignées dans le nouveau code minier de 2016, devrait être fait par les agents de la brigade  du Ministère des Mines ; de l’Industrie et du Développement technologique (MINMIDT) et ceux du CAPAM.


Propriétaire réelles méconnues
Bien plus, le fait que le nouveau code minier ne soit pas appliqué, il y a la question de la connaissance des propriétés réelles des titres qui se pose. En effet, le nouveau code prévoit que les propriétaires réelles (ceux qui ont au moins 5% d’action dans les permis et titres miniers) soient connues. Malheureusement, n’étant pas encore valide du fait du décret en attende, il reste difficile de  savoir qui se cache derrière la détention des titres. Pourtant, en connaissant les propriétaires réelles comme prévue dans le code minier de 2016,  cela aidera la société civile à mener efficacement le suivi indépendant des activités minières et aux  agents de contrôle de mieux identifier les personnes physiques ou morales détenteurs des titres et permis miniers au Cameroun. Surtout qu’aujourd’hui, un nombre élevé de titres miniers (Autorisation d’exploitation artisanale et permis de recherche)  sont détenus les élites politiques (députés, sénateurs, maires, chefs de village) qui pour la plupart n’ont pas t les capacités financières et techniques pour exploiter. Ces derniers acquièrent les titres pour les revendre aux exploitants miniers asiatiques particulièrement ceux de nationalité chinoise.
Artisans miniers vulnérables
Il faut relever, qu’en laissant perdurer l’application de l’ancien code minier de 2001, qui stipule que seuls les nationaux doivent obtenir les titres, le gouvernement encourage le système de sous-traitance des titres aux entreprises minières étrangères. Pourtant, si le décret du nouveau code était déjà promulgué ces entreprises étrangères elles même pouvaient demander les autorisations d’exploitation artisanale semi-mécanisée. Et, en le faisant elles-mêmes elles donneront la possibilité aux ministères des mines, ministère de l’environnement de mieux examiner les exigences en lien avec l’exploitation minière. 
La non-promulgation du décret d’application du code minier de 2016 rend également de plus en plus vulnérables les populations riveraines des sites d’exploitation minière, particulièrement les artisans miniers. En effet, avec l’application de l’ancien code minier de 2001, il reste difficile pour ces artisans miniers d’acquérir des autorisations d’exploitation artisanale dont le coût  d’au moins 550 000 FCFA dans l’ancien code. Pourtant, dans le nouveau code minier de 2016, il est juste prévu qu’ils déboursent 30 000 FCFA pour obtenir des autorisations d’exploitation artisanale. Ne disposant donc pas d’autorisation, car couteux, les artisans miniers  plus anciens sur les sites, sont déguerpir par les entreprises minières asiatiques particulièrement chinoises qui exploitent en sous-traitance avec les autorisations obtenues par des camerounais plus nantis. Ces actes dits d’ « accaparement » des sites exploités en premier lieu par les artisans miniers, crées énormément de litiges qui le plus souvent finissent par des morts d’hommes[1].
Illégalité des entreprises minières
Le décret d’application du code minier de 2016 n’étant pas disponible, les entreprises minières en activités dans le sous-secteur de la  semi-mécanisée exploitent en toute  illégale car aucune autorisation d’exploitation minière semi-mécanisée n’est encore attribuée puisque le code minier de 2001 ne prend pas en compte ce type d’exploitation. Le contrôle minier se faisant avec l’ancien code minier de 2001, les contrôleurs du ministère en charge de l’exploitation minière ne peuvent donc pas décider de suspendre ces entreprises parce qu’il n’y a pas la force de loi pour suspendre les activités de ces exploitants qui ne détiennent pas d’autorisation. Ainsi, le fait que ces entreprises n’ont pas d’autorisation exploitation artisanale Semi-mécanisée, l’Etat perd beaucoup d’argent sur les redevances superficiaires. En effet, n’ayant pas acquis les autorisations d’exploitation artisanale semi-mécanisée les entreprises ne paient pas ces redevances superficiaires[2], pourtant elle exploite sur des vastes hectares de terre. Bien plus, ces entreprises minières engagées dans la mine semi-mécanisée continuent de payer 550 000 FCFA pour les autorisations d’exploitation artisanale, conformément au disposition du code minier de 2001. Pourtant, le nouveau code minier de 2016 a prévu que ces entreprises de la semi-mécanisation doivent payer 1.500.000 FCFA pour l’octroi des autorisations d’exploitation artisanale semi-mécanisée et 3.000 000 F CFA pour le renouvellement (Article 171 al2.d code minier 2016). Un gros manque à gagner qui ne favorise pas l'essor du secteur minier. 
Auteurs :
Christelle KOUETCHA et Justin Landry CHEKOUA 


[2] La redevance superficiaires de l’autorisation d'exploitation artisanale semi-mécanisée  est fixé dans le Code minier de 2016 à 50 francs CFA /m2/ an ( Article 173 al1.b)