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13 févr. 2015

Cameroun: Quand le code du travail entretient la précarité

La libéralisation offerte par le code du travail actuel, favorise de nombreux abus à l’encontre des travailleurs au Cameroun. Une situation qui  risque perdurer si la réglementation en vigueur n’est pas relue.

« Travail non satisfaisant », c’est avec ce motif que le patron d’Yves Azembe, 35 ans, avait décidé de résilier le contrat de travail qui les liait, cinq ans après de valeureux services rendus à l’entreprise. « Jusqu’à ce jour je suis sans voix. Je m’étais contenté de vider mon bureau que d’aller traîner dans des tribunaux et passer des années à courir », déclare l’employé déçu. Même si aujourd’hui, il a retrouvé un autre travail, Yves Azembe, est convaincu qu’il n’est pas à l’abri du renvoi abusif, à l’image de plusieurs autres travailleurs au Cameroun. 

Licenciement abusif 

En effet, dans les entreprises privées, publiques et parapubliques, les employeurs usent de toutes les astuces pour déroger aux droits des travailleurs. Recrutements arbitraires, licenciements abusifs, rétentions de salaires, sont autant d’abus dont sont victimes les employés au Cameroun. Annabelle Tchameni, est spécialiste en logistique et transport. Ce sont les larmes aux yeux, qu’elle présente à tous ceux qui la côtoient sa lettre de licenciement. Après trois ans de loyaux services dans une industrie de la place, « le patron m’a servi ma lettre de licenciement au motif qu’il n’avait plus besoin de mes services et que le poste que j’occupais va être supprimé », raconte la jeune dame, qui jusqu’aujourd’hui n’en revient pas.


Ce mode de licenciement abusif est plutôt légion, d’après le président du Syndicat national autonome des travailleurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication (Syntric). Corneille Kongou, souligne d’ailleurs que l’un des motifs privés par les employeurs est « la perte de confiance ». A l’en croire, ce type de raison est souvent avancée par les patrons après moult harcèlement faite à l’employé d’intégrer un cercle exotérique, ou alors de soumettre à des droits de cuisage.


Les pétits métiers font aussi les frais 

Dans les secteurs des petits métiers, notamment le gardiennage, le ménage, les patrons utilisent et se débarrassent des ouvriers à leur bon gré. Ousmane Ouadrago, a été gardien pour une entreprise de prestation de services. Il explique que pour avoir demandé une permission, pour aller suivre ses soins, son patron l’a mis à la porte. Dans certaines entreprises, poursuivre des études en travaillant, constitue également des motifs pour les patrons de « chasser » leurs employés. Hermine Taffo, diplômé en communication, elle raconte que son employeur a mis fin à sa collaboration au motif « qu’il a appris que je poursuivais mes études », indique-t-elle.


Dans certaines PME, les travailleurs le plus souvent sur la base des contrats verbaux, sont fréquemment amenés à percevoir des salaires qui ne reflètent aucune catégorie. Le salaire étant imposé par l’employeur. « Que vous ayez le doctorat ou pas, quand un patron dit 100 000 FCFA c’est à prendre où à laisser. En plus, tu te retrouves souvent à faire plus de 12 heures de travail par jour, sans primes d’heures supplémentaires », raconte Bristol Tiako, infographe qui cumule dans son lieu de service les postes de secrétaire et coursier pour un salaire de 60 000 FCFA le mois. 

Ce dernier, et plusieurs autres personnes employées dans des PME, expliquent que leur « maigre » salaire est souvent retenu par le patron en cas de perte ou de destruction d’un équipement. « Vous voulez que l’on fasse quoi, il n’y a pas le travail dehors », désespère Leonard Kingue, électricien.


Essais interminables


La période d’essai dans certaines entreprises est plutôt interminable. Il peut durer 2 voire cinq ans, et même toute la vie professionnelle de l’employé. Christian Tchami, est diplômé en informatique industrie, il en a payé les frais en 2014, dans une multinationale. « En 2013, on m’a pris pour un essai de 6 mois. Après,   j’ai bénéficié d’un autre renouvellement. Mais, au bout de la fin du second essai, je me suis vu servir une lettre pour essai non concurrent », raconte-t-il. Ceci, non sans confier que l’entreprise  a refusé de lui remettre une attestation pour prouver son passage au sein de l’entreprise.

Bien plus, il faut relever que dans certaines sociétés, l’engagement en l’essai n’est pas toujours matérialisé par une lettre écrite, mais reste verbale. Certains travailleurs confient en outre avoir passé des mois d’essai dans les entreprises, sans percevoir des indemnités comme prévus dans la loi du travail. « Nous acceptons souvent comme ça, parce que l’on n’a pas le choix car le travail est devenu rare. On essaye d’affronter la réalité des choses », déclare Alain Toko, électricien. 

En effet, au Cameroun l’offre en emploi est très inférieure à la demande de plus en plus forte. D’ailleurs, selon les statistiques officielles, le taux de chômage au Cameroun est estimé à environ 13%, tandis que le taux de sous-emplois, lui est plus criard : 70% selon le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). 

Crédit photo : Journalducameroun.com


Agences de placement

Les employés recrutés par le biais des agences de placements, n’échappent point aux dérogations sur leurs droits. D’ailleurs, certains, sont même piégés par leur employeur lors de leur recrutement. En effet, les entreprises après avoir enrôlé un chercheur d’emploi en essai,  elles s’attèlent à placer ce dernier sous le contrôle d’une agence de placement, après l’essai concluant du recruté. « Il y a six mois j’ai postulé à un poste de mécanicien. Après mon essai concluant, j’ai été notifié par ma hiérarchie que je ne serais pas considéré comme un employé de l’entreprise, mais comme un personnel d’une agence de recrutement, que  je n’ai jamais sollicité pour mon recrutement », raconte Alexis Ngouen, mécanicien. 

Ce type de cas est de plus en plus légion dans des multinationales, apprend-on à la délégation régionale du ministère de  l’Emploi et de la formation professionnelle (Minefop). Ici, des responsables disent connaître l’existence de cette pratique, « mais il faut aussi voir le bon côté des choses, vous avez au moins un emploi », lance un cadre de cette délégation

Un emploi certes, « mais, le travailleur pris dans ce piège ne peut que rompre le contrat, car il n’est même pas fondé à aller vers l’inspecteur du travail. Il n’a pas de contrat. C’est purement illégal. C’est une entorse grave à la loi et même aux droits de l’employé », s’indigne Me Tsafack. L'homme de loi explique que la loi prévoit qu’un employé mis à l’essai doit obligatoirement être recruté comme un agent plein, si l’essai est concluant.

Crédit photo : www.communautebapa.org


Salaires imposés 

Les abus des travailleurs sous l’aile des agences de placement, sont également perceptibles sur les salaires. Les personnes recrutées par ces agences, révèlent qu’en outre la plupart du temps, les salaires ne sont pas négociés. Ils sont fixés « selon l’humeur de l’agence ; nous nous plions parce qu’il faut que nous mangeons en attendant de trouver mieux », raconte Herman Tayou, mécanicien. 

A en croire, ce dernier et plusieurs autres, certaines agences de placement imposent au travailleur de signer des contrats de travail, sans une relecture préalable. Sinon, « vous êtes remplacés et sachez qu’un autre viendra s’emprisonner à votre place », s’indigne Armand Tioga,  qui est payé 50 000 FCFA sur un travail qui effectue de lundi à dimanche. « C’est comme un forfait que je perçois, et je suis payé à la main.  Aucun bulletin de paye ne m’est présenté à la fin du mois. Il y a des mois que même mes heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées », révèle-t-il. Ceci, non sans confier que les agents recrutés dans son entreprise par les agences de placement, doivent accomplir les mêmes tâches que les agents recrutés directement par l’entreprise.

Crédit photo : www.fnecm.org


Le piége de la libéralisation

En 2013, le ministre de  l’Emploi et de la formation professionnelle, Zacharie Pérevet avait suspendu des agences de placement au motif entre autres de « défaut de contrat de mise à disposition des travailleurs comme le stipule le code du travail ». Mais, cette suspension n’a pas mis un terme aux abus subits par les travailleurs placés par ces agences.  « Quand on sait que l’Etat a tout libéralisé dans ce secteur, l’employé est toujours perdant. Il faut relever qu’aujourd’hui, le contrat c’est du gré à gré. Ainsi, quel que soit votre niveau d’étude les agences de recrutement vous donne un salaire qui ne reflète même pas votre catégorie. En plus, il est même difficile pour un recruté dans ces agences de porter plainte, car l’entente n’est pas formalisée par un contrat en bonne et dû forme », souligne Nathalie Bamen, spécialiste en gestion des ressources humaines. 


90% des agences en marge de la loi 

L’on apprend auprès des employés de ces agences de placement, que les salaires, les frais retenus sur les salaires constituent le gagne-pain de l’agence. Annette Mbong, est employé dans une agence de placement. Elle  indique que les frais sont généralement un pourcentage du salaire annuel, allant de 10 à 20% pour la plupart des emplois, parfois un peu moins pour les salaires élevés.  Ainsi, pour un travail qui est payé 100 000 FCFA à un agent permanent dans une entreprise, un employé placé par les bureaux de recrutement peut sensiblement percevoir un salaire qui oscille entre 80 000 FCFA et 50 000 FCFA. 

A en croire, les responsables du Minfop pour le Littoral, les offices de recrutement devraient veiller à la sécurité sociale des employés. Mais, « ils sont à 90% à marge de cette réglementation ». Une situation normale, selon Me Boniface Mbiaga, qui relève que le secteur des agences de placement n’a pas suffisamment été réglementé. « Nous avons importé quelque chose de l’extérieur, sans en tirer les conséquences perpétrées dans ces pays et apporter nos améliorations. Le droit est muet dans le domaine de la sous-traitance du personnel. Du coup, au nom du libéralisme nous assistons à un No man's land », indique l’avocat.



Procédures judiciaires très longues

Pour les employés stoïques qui s’arment de courage pour traîner leur employeur vers les tribunaux, l’issue des procès est « très longue et certains arrivent à avoir gain de cause qu’au moment où ils sont décédés ou alors ils n’ont plus de force pour jouir du fruit de leurs revendications», indique Me Elvis Tayou, avocat du travail. 

A la Confédération des syndicats autonomes du Cameroun (CSAC), l’on apprend que ces contentieux entre employés et employeurs peuvent s’étendre à plus de 10 ans aujourd’hui au Cameroun. Yolande Teme, est ménagère,  cela fait plus cinq ans aujourd’hui qu’elle a engagé un procès auprès  du Tribunal de grande instance de Mfoundi. Elle a traîné en justice son patron grec, qui l’a mis à la porte sans un radis, « juste parce que j’avais revendiqué le paiement de mes cinq mois d’arriérés de salaire », raconte-elle.  

Crédit photo : www.camer.be
Cette durée interminable pour trancher les contentieux entre les employés et les employeurs, « est très souvent favorisé par les employeurs qui refusent de payer les droits du travailleur même après le verdict des tribunaux. Certains employés, arrivent même à la Cour suprême mais, l’employeur refuse de respecter la décision de justice. Un égo, pour opprimer le plaignant et même ses collègues encore en entreprise de ne pas s’y frotter à leur tout puissant capitalisme », relève, Jean Marie Ndi, président du CSAC.  


Corruption

A la délégation régionale du ministère du Travail pour le Littoral à Douala, des cadres rencontrés, reconnaissent  sans aucun doute  que des entreprises se livrent à des opérations de corruption dans les conflits qui leur oppose avec leurs employés. C’est pourquoi, il faut assainir le secteur judiciaire. Cette corruption est également, décriée dans les services des inspections du travail. Ici, quelques inspecteurs approchés révèlent que des pots-de vin sont versés à certains inspecteurs lors des conflits. Mais, « cela peut s’expliquer par les conditions de travail dans lesquelles nous évoluons », indique un inspecteur. 

A l’en croire, les inspections de travail sont dépourvus de tout moyen matériel et de transport pour se déployer, et les salaires ne sont pas aussi alléchants. « Nous disposons de salaire minable comme ces employés qui viennent souvent se plaindre. Et, les patrons d’entreprise le savent et ils sont capables de proposer des millions à l’inspecteur pour bloquer une affaire. Ce dernier, ne peut pas manquer d’accepter vu ses conditions à lui aussi », révèle un inspecteur de travail.

Crédit photo : www.eloge.biz
Dans les organisations syndicales, l’on estime également que la non décentralisation des inspections de travail décourage plusieurs travailleurs à soumettre leurs revendications. « Dans une grande ville comme Douala par exemple, le seul point de plainte du travailleur est Bonanjo. Comment voulez-vous, qu’une personne licenciée et qui ne perçoit même pas ses droits puisse quitter tous les jours les périphéries comme Bonabéri pour répondre aux convocations de l’inspection ? Et, bien le premier jour il payera, mais après il va manquer d’argent pour arriver surtout que son patron l’a mis à la porte sans radis », analyse le président du Syntric. 

Ce dernier, estime que les inspections de travail doivent être ouvertes dans tous les arrondissements, pour rapprocher l’administration du travail des employés. L’on apprend en outre auprès de ce syndicat, que certains travailleurs plaignants, sont obligés de payer le « carburant » des  inspecteurs pour des inspections en entreprise.

Toute de même, une formation syndicale s’impose aux employés même si les syndicats sur place on encore du mal à redonner confiance aux travailleurs que leurs droits peuvent être revendiqués…  

Christelle Kouétcha 

Cameroun : La relecture du code du travail piétine

Elle devait en principe apporter des améliorations favorables pour les travailleurs au Cameroun, contrairement à l’actuel qui ouvre les brèches aux abus.

Cela fait déjà trois ans, que le code du travail du Cameroun, devait en principe être soumis à une relecture. En 2014, les syndicalistes, les travailleurs, ont attendu que le ministre du Travail et de la sécurité sociale, Grégoire Owona, présente au cours de la session ordinaire de l’Assemblée nationale au mois de décembre 2014, les différentes modifications qui doivent être apportées à ce code qui date de 23 ans. Ce code voté en 1992, est considéré aujourd’hui par les organisations syndicales comme ne reflétant  plus les réalités économiques actuelles.

Les revendications syndicales pas encore étudiées

Un code de 23 ans d'âge 

D’ailleurs, l’on apprend qu’au cours de la dernière rencontre tripartite avec le ministre du Travail au début de l’année 2014,  que les syndicats ont demandé au ministre de nettoyer le code du travail des restrictions issues de la situation de la crise économique pour l'adapter à la situation économique actuelle du pays. « Ce code du travail date de 1992. Et, cette année correspond à la date de maturité du code du travail,  mais en réalité on l’a préparé depuis les événements de 90. A cette époque le Cameroun traversait une crise économique grave. A la faveur de celle-ci,  on a lâché les mesures contraignantes faites aux employeurs pour protéger les employés. Par exemple, il faillait une longue procédure pour arriver au licenciement, les droits à payer aux employés étaient très élevés. Mais, avec la crise on a libéralisé pour que l’employé négocie son contrat avec l’employeur.  « Le code n’est plus automatique comme celui de 1974, où avec la catégorie et le salaire fixé était déjà défini en fonction du diplôme présenté », souligne Jean Marie Ndi, président de la Confédération des syndicats autonomes du Cameroun (CSAC).
Les concertations pour la modification du code du travail est en cours depuis 2013. Les avancées ne sont pas encore visibles en tout cas. Et, entre temps, le code du travail actuel continue de faire des restrictions aux conditions de travail des travailleurs. 

Un code figé 

Avocat au Barreau du Cameroun, Me Boniface Mbiaga, explique qu’en plus de la libéralisation qu’a offerte le code du travail, il n’est plus adapté au contexte actuel du monde du travail. L’avocat relève pas exemple, la non prise en compte de l’évolution numérique dans le monde du travail. « Notre code est resté figé. Les relations de travail numérique ne sont pas intégrées.  Pourtant, aujourd’hui nous sommes au niveau par exemple des signatures numériques du contrat du travail », analyse-t-il. Ceci, non sans relever que la relecture du code de travail devait même intégrée les situations de guerre, surtout avec la crise que traverse le Cameroun avec la guerre contre la secte islamiste Boko Haram. 

Bref, « il faut que le mouvement législatif arrête d’être figé. Dans d’autres pays, après cinq ans ont modifie des dispositions dans le code du travail en fonction de la situation du pays », relève Prospère Kamdoum, avocat stagiaire.

Le contrat de travail pas toujours respecté

Revendication des syndicats 

Dans le domaine du droit de revendication des travailleurs, les syndicats estiment que le code du travail de 1992, ne donne pas une marge « considérable » aux syndicats et aux délégués du personnel. Ainsi, les organisations syndicales estiment entre autres que les articles 6 à 14 et 20 à 22 de la loi 92/007 du 14 août 1992 portant code de travail soient modifiés et complétés par des propositions des syndicats. 

Il s'agit notamment de, la suppression du greffe des syndicats pour libéraliser la reconnaissance légale des syndicats et le confier à l'inspection du travail du ressort dudit syndicat, la reconnaissance et la protection des responsables syndicaux. 

Bien plus, les syndicats exigent que l’on corrige les faiblesses de l’actuel code qui ne donne pas trop de mesures contraignantes pour les employeurs, notamment sur les mesures de sécurité, de santé, de conditions d’hygiène et de travail, de paiement des droits de travail...

Christelle Kouétcha


Me Laurent Bondje: « Les travailleurs camerounais doivent se former et s’informer sur leurs droits »

L’avocat au Barreau du Cameroun analyse le niveau des abus observés dans le monde du travail au Cameroun.

Me Laurent Bondje


Selon vous, qu’est ce qui peut expliquer les abus observés dans le secteur de l’emploi au Cameroun ?
Les raisons sont d’abord liées aux salariés. Une grande majorité des travailleurs au Cameroun, ont une grande faiblesse intellectuelle. Ils n’ont pas encore compris, que personne ne peut venir défendre leur intérêt qu’eux mêmes. S’ils ne sont pas formés pour se défendre eux mêmes, ils auront du mal à se faire défendre par les autres. En plus, il faut même d’abord connaitre qui peut vous défendre, quand et comment il faut saisir la personne. Tout ceci, suppose que vous ayez un minimum de culture de défense de soi-même, avant de compter sur des professionnels pour vous défendre. Tous ces préalables, plusieurs travailleurs n’en disposent pas. 
 "Les travailleurs n’ont pas encore compris, que personne ne peut venir défendre leur intérêt qu’eux mêmes. S’ils ne sont pas formés pour se défendre eux mêmes, ils auront du mal à se faire défendre par les autres". 

Les gens signent des contrats sans les lire, et mieux analyser les clauses. Certains travailleurs lisent même ces contrats, mais ne comprennent pas les clauses et cela ne les empêchent  pas de signer. L’essentiel pour ces derniers, est seulement d’avoir un emploi. Et, la plupart du temps ils ne font recours aux spécialistes (avocats, cabinet-conseils) que quand tout ne va plus avec l’employeur et parfois il est trop tard.  

Néanmoins, il faut relever que le rapport de force entre l’employeur et l’employé, dû à la disparité entre l’offre la demande peut justifier les abus. L’offre en emploi étant petite que la demande, l’employeur réussi toujours à avoir le dernier mot. Du coup, les salariés disposant ou pas des atouts pour se défendre n’ont pas le choix devant la pression des besoins vitaux de la vie. 

"L’offre en emploi étant petite que la demande, l’employeur réussi toujours à avoir le dernier mot."

Il y a des regroupements habiletés à former les employés à se défendre, ce sont des syndicats. Mais, très peu de travailleurs sont syndiqués. Toutefois, l’une des reproches que l’on peut faire aux syndicats est qu’ils ne jouent pas toujours leur rôle. Certains ont crée des syndicats pour escroquer leurs membres. D’autres créés, ne jouent pas toujours leur rôle de formation. 

Il faut également relever la faiblesse de l’inspection du travail qui ne joue pas son rôle dans la cadre de la régulation des emplois, de la formation et de l’information des travailleurs, du contrôle de la sécurité des contrats et des rémunérations etc.

Est-ce que le paysage judiciaire est aujourd’hui favorable pour encourager les travailleurs à saisir la justice pour les abus ?

L’un des griefs de la justice est sans aucun doute les lenteurs observées. Lorsqu’il faut faire 3 à 5 ans pour trouver une solution à son problème, le travailleur est désespéré. Mais la justice ne peut pas aussi aller à une vitesse supersonique. Il faut s’assurer que la décision qu’on est entrain de rendre est une décision fiable et que l’on n’a pris toute la peine d’analyser des preuves. Le temps que le jugement des contentieux trouve un aboutissement, décourage certainement certains travailleurs à se plaindre en cas d’abus constaté. 

Au niveau des juridictions des dossiers qui font parfois, 4 mois, voire 6 ans avant d’aboutir. Ceci, sans compter  des renvois parfois très longs devant l’inspecteur de travail.  Mais, il faut que les travailleurs soient prévoyants. Il faut qu’au moment de la signature du contrat écrit ou verbal, les clauses de cessation soient clairement définies. Il faut que les gens comprennent que la vie c’est aussi la prévoyance. 


"Il faut que les travailleurs soient prévoyants. Il faut qu’au moment de la signature du contrat écrit ou verbal, les clauses de cessation soient clairement définies. Il faut que les gens comprennent que la vie c’est aussi la prévoyance".


En attendant que le code du travail soit relu comment est ce que les travailleurs peuvent, s’y apprendre pour éviter les pièges tendus par la précarité de l’emploi ?

J’encourage les travailleurs à entrer dans les syndicats. Les organisations syndicales ont pour rôle essentiel la défense des intérêts d’une profession ou d’un secteur d’activité donné. Ils doivent aussi se former et s’informer pour connaitre leurs droits tout en se rapprochant des spécialistes. 

On a toujours l’impression que les avocats coûtent chers, mais il  y en a qui sont prêts a accompagner et aider les travailleurs. En plus, il ne faut jamais signer les documents sans être sûre de ce que l’on signe. Il ne faut pas signer son décret de mort.     
Propos recueillis par Christelle Kouétcha