13 févr. 2015

Me Laurent Bondje: « Les travailleurs camerounais doivent se former et s’informer sur leurs droits »

L’avocat au Barreau du Cameroun analyse le niveau des abus observés dans le monde du travail au Cameroun.

Me Laurent Bondje


Selon vous, qu’est ce qui peut expliquer les abus observés dans le secteur de l’emploi au Cameroun ?
Les raisons sont d’abord liées aux salariés. Une grande majorité des travailleurs au Cameroun, ont une grande faiblesse intellectuelle. Ils n’ont pas encore compris, que personne ne peut venir défendre leur intérêt qu’eux mêmes. S’ils ne sont pas formés pour se défendre eux mêmes, ils auront du mal à se faire défendre par les autres. En plus, il faut même d’abord connaitre qui peut vous défendre, quand et comment il faut saisir la personne. Tout ceci, suppose que vous ayez un minimum de culture de défense de soi-même, avant de compter sur des professionnels pour vous défendre. Tous ces préalables, plusieurs travailleurs n’en disposent pas. 
 "Les travailleurs n’ont pas encore compris, que personne ne peut venir défendre leur intérêt qu’eux mêmes. S’ils ne sont pas formés pour se défendre eux mêmes, ils auront du mal à se faire défendre par les autres". 

Les gens signent des contrats sans les lire, et mieux analyser les clauses. Certains travailleurs lisent même ces contrats, mais ne comprennent pas les clauses et cela ne les empêchent  pas de signer. L’essentiel pour ces derniers, est seulement d’avoir un emploi. Et, la plupart du temps ils ne font recours aux spécialistes (avocats, cabinet-conseils) que quand tout ne va plus avec l’employeur et parfois il est trop tard.  

Néanmoins, il faut relever que le rapport de force entre l’employeur et l’employé, dû à la disparité entre l’offre la demande peut justifier les abus. L’offre en emploi étant petite que la demande, l’employeur réussi toujours à avoir le dernier mot. Du coup, les salariés disposant ou pas des atouts pour se défendre n’ont pas le choix devant la pression des besoins vitaux de la vie. 

"L’offre en emploi étant petite que la demande, l’employeur réussi toujours à avoir le dernier mot."

Il y a des regroupements habiletés à former les employés à se défendre, ce sont des syndicats. Mais, très peu de travailleurs sont syndiqués. Toutefois, l’une des reproches que l’on peut faire aux syndicats est qu’ils ne jouent pas toujours leur rôle. Certains ont crée des syndicats pour escroquer leurs membres. D’autres créés, ne jouent pas toujours leur rôle de formation. 

Il faut également relever la faiblesse de l’inspection du travail qui ne joue pas son rôle dans la cadre de la régulation des emplois, de la formation et de l’information des travailleurs, du contrôle de la sécurité des contrats et des rémunérations etc.

Est-ce que le paysage judiciaire est aujourd’hui favorable pour encourager les travailleurs à saisir la justice pour les abus ?

L’un des griefs de la justice est sans aucun doute les lenteurs observées. Lorsqu’il faut faire 3 à 5 ans pour trouver une solution à son problème, le travailleur est désespéré. Mais la justice ne peut pas aussi aller à une vitesse supersonique. Il faut s’assurer que la décision qu’on est entrain de rendre est une décision fiable et que l’on n’a pris toute la peine d’analyser des preuves. Le temps que le jugement des contentieux trouve un aboutissement, décourage certainement certains travailleurs à se plaindre en cas d’abus constaté. 

Au niveau des juridictions des dossiers qui font parfois, 4 mois, voire 6 ans avant d’aboutir. Ceci, sans compter  des renvois parfois très longs devant l’inspecteur de travail.  Mais, il faut que les travailleurs soient prévoyants. Il faut qu’au moment de la signature du contrat écrit ou verbal, les clauses de cessation soient clairement définies. Il faut que les gens comprennent que la vie c’est aussi la prévoyance. 


"Il faut que les travailleurs soient prévoyants. Il faut qu’au moment de la signature du contrat écrit ou verbal, les clauses de cessation soient clairement définies. Il faut que les gens comprennent que la vie c’est aussi la prévoyance".


En attendant que le code du travail soit relu comment est ce que les travailleurs peuvent, s’y apprendre pour éviter les pièges tendus par la précarité de l’emploi ?

J’encourage les travailleurs à entrer dans les syndicats. Les organisations syndicales ont pour rôle essentiel la défense des intérêts d’une profession ou d’un secteur d’activité donné. Ils doivent aussi se former et s’informer pour connaitre leurs droits tout en se rapprochant des spécialistes. 

On a toujours l’impression que les avocats coûtent chers, mais il  y en a qui sont prêts a accompagner et aider les travailleurs. En plus, il ne faut jamais signer les documents sans être sûre de ce que l’on signe. Il ne faut pas signer son décret de mort.     
Propos recueillis par Christelle Kouétcha 


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