23 janv. 2015

Martial Bella Oden : « Il faut une fiscalité adaptée aux activités des valorisation de déchets au Cameroun »


Le président du Réseau des acteurs de la valorisation des déchets ménagers (Ravadem) propose des solutions qui peuvent contribuer à booster le secteur de la collecte et du recyclage des déchets plastiques.


Martial Bella Oden

Malgré l’abondance des déchets plastiques dans la nature, le secteur du recyclage reste embryonnaire au Cameroun, qu’est-ce qui peut expliquer cette situation ?  

L’un des problèmes qui bloque l’évolution de ce secteur est le manque d’informations. Vous savez, les gens investissent dans les secteurs qui sont déjà portés à la base. Il y a très peu d’actes de capitalisation et de développement dans ce secteur. Dans le cadre du recyclage des plastiques en pavé par exemple, on est obligé de travailler avec les données de l’Ouganda, du Burkina Faso. Au Cameroun il n’y a aucune donnée.  Pourtant, s’il quelqu’un veut investir, il faut qu’il dispose des fiches techniques qui décrivent le secteur, les conditions à remplir pour créer une entreprises, les taxes qu’il doit payer en fonction de sa production.  Il faut informer davantage le public sur les opportunités entrepreneuriales dans la valorisation des déchets.  

Plusieurs projets d’enlèvement et de recyclage de déchets plastiques ont été lancés par des entreprises sans réel succès, qu’est qui faudrait faire pour les optimiser ?

Les entreprises pollueuses, au lieu de passer par des campagnes, doivent plutôt appuyer les acteurs de la collecte, sensibiliser les ménages. Une signature des partenariats public-privés avec les communes d’arrondissement dans l’optique d’optimiser leurs actions de collecte et pourquoi pas de traitement de déchets plastiques. Or, si cela se limite seulement à une campagne médiatique ces actions ne pourront pas être pérennes.  

La responsabilité sociétale se veut bien pensée, elle ne se limite pas seulement aux actions publicitaires. Les actions doivent être durables impliquant les parties prenantes, avec qui des conventions doivent être bien établies pour que chacun connaisse le rôle qu’il a à jouer. Si les acteurs, les bénéficiaires, sont mis à l’écart dans le secteur de la collecte et du recyclage des déchets plastiques, les actions n’atteindront jamais les effets escomptés. 

Aujourd’hui, le secteur de la collecte est encore embryonnaire et ce sont les petits collecteurs qui le dominent. Les petits collecteurs n’ont pas de moyens. En plus, ils se disent pourquoi collecter les déchets de quelqu’un qui pollue et qui doit normalement s’occuper de ces déchets alors que je ne reçois rien en retour.  Ainsi, je reste convaincu que si les entreprises qui sont responsables de ces déchets, donnaient des appuis aux petits collecteurs déjà installés pour récupérer leurs propres  déchets dans la nature, les gens pouvaient aisément les récupérer, et rentabiliser leurs actions en vendant ces déchets ailleurs.

La demande en déchets est forte à l’international, mais le Cameroun est à la traîne, qu’elle mesure peut-on prendre pour booster ce secteur en devenir ?

La plupart des partenaires européens qui sollicitent les déchets plastiques, veulent toujours en grande quantité. Et l’on ne peut les avoir que si les collecteurs sont unis entre eux. Nous avons fait des expériences, et on n’a jamais pu exporter au moins quatre containers, car les collecteurs sont dispersés. 

Avec la multiplicité des dépôts, le coût d’enlèvement est plus élevé. Si on arrive à un regroupement, on peut négocier des sites de stockage par commune qui ne seront plus dédiés à un seul individu mais à un groupe d’entrepreneurs. Les sites de dépôt par quartier devraient  faciliter la voie aux éventuels partenaires de maîtriser où trouver facilement la matière première. 

En plus de l’organisation des collecteurs, il faut qu’ils bénéficient d’un accompagnement technique. L’accord d’un fonds d’enlèvement des déchets devaient leur permettre d’accéder dans les zones où la société qui s’occupe de l’enlèvement des déchets actuellement n’est pas accessible. 

Le ministère en charge de l’Environnement, pourrait mettre sur place un fonds vert qui permet de financer ce type d’activité. L’Etat peut les accorder un permis environnemental unique, vu le coût élevé de celui-ci. Bref, il faut que l’on arrive à une fiscalité adapté aux activités des valorisations de déchets. Elle peut-être proche de celle de l’agriculture, c’est-à-dire TVA et IS (impôts sur les sociétés) nuls pour les produits qui sont issus  de la valorisation des déchets. Le secteur est pourvoyeur d’emploi. 

Le gouvernement, peut mettre en place des permis environnementaux gratuits au moins pour les cinq premières années. Et, une fois ces structures bien développées on peut maintenant aller vers des taxes. C’est un secteur à développer, et s’il n’est pas fait il ne peut pas rapporter de l’argent à l’Etat. Il a donc intérêt à le développer par des mesures incitatives, pour qu’à l’issue de 3 ou 4 ans ce secteur bien organisé à travers un réseau crée des coopératives qui peuvent payer des impôts.

Vous encouragez les jeunes à s’intéresser au secteur de la valorisation des déchets, mais ne faut-il pas une formation ?


Effectivement au Ravadem, les acteurs réunis estiment qu’il faut introduire dans les programmes des universités et centres professionnels des techniques appropriées de valorisation de déchets, particulièrement, dans les filières liées à l’environnement, le développement durable, hygiène et qualité... 

Cette formation doit aussi être intégrée dans les centres multifonctionnelles de jeunesse. Il y'a aussi un problème de certification dans le domaine. Il y a la certification dans le domaine de l’entreprenariat, la gestion, et l’informatique, mais pas dans le domaine des techniques de valorisation des déchets. Cela serait une bonne chose si l’on pouvait arriver à une certification camerounaise dans ce domaine. 

Le système de certification est assez lourd, mais il est sérieux et cela va représenter une norme. Il faut également un centre de recherche pour technologies innovantes. 

Propos recueillis par C.K. 




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