10 nov. 2014

Interchangeabilité des FCFA : La BEAC et la Bceao se regardent en chiens de faïence

Face à la méfiance des deux institutions d’émission, certains économistes réclament des réformes pour une indépendance monétaire.  
La Beac et la Bceao devraient fusionner
Cela fait plusieurs années déjà que les négociations pour mettre fin à la non- interchangeabilité du FCFA  en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale durent. Mais, aucun aboutissement concret des négociations entamées n’est encore perceptible. Il y a quatre ans, les gouverneurs des deux banques centrales avaient, au cours d’une réunion à Yaoundé, affirmé la volonté de la Beac et de la Bceao de parvenir à une harmonisation du FCFA. Mais rien ne bouge. Pour les économistes, ce recul dans le processus d’harmonisation du FCFA, s’explique par la méfiance mutuelle entre les deux institutions d’émission. « Tant à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, qu’à la Banque des Etats de l’Afrique de l’Ouest  chacun considère que la monnaie de l’autre est mauvaise par rapport à la sienne. La confiance est donc une raison extra-économique dont l’absence rend plusieurs transactions monétaires impossibles », explique Thierry Amougou, macro-économiste et fondateur du Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et politiques.
Dans un entretien accordé à RFI, en 2012 Yves Ekué Amaïzo, économiste, expert des questions monétaires, avait également soulevé ce problème de souveraineté nationale qui plombe la volonté des deux régions à trouver un accord « concret » dans le processus d’interchangeabilité des FCFA. Et, c’est sans doute de bonne guerre, car comme l’expliquent plusieurs économistes, la création de deux instituts d’émission différents pour une même zone monétaire et une même monnaie, favorise davantage le problème de non convertibilité qui se pose aujourd’hui entre les deux FCFA. « Il aurait suffi d’avoir un seul institut d’émission dès le départ pour une meilleure harmonisation. Mais, la politique de division monétaire de la métropole pour mieux régner politiquement montre encore ses impacts négatifs de long terme », souligne un économiste.
Et, comme le soutient Dieudonné Essomba, économiste, les deux banques d’émission apparaissent comme des délocalisations administratives du Trésor français et ne peuvent entretenir des relations directes entre elles. Mais pour que cela soit possible, « il faudrait que ces deux entités disposent d’une autonomie de décision, ce qui suppose l’émancipation des monnaies qu’elles gèrent de la tutelle française et par la suite, le démantèlement de la zone Franc », précise l’économiste.
En outre, des experts des questions monétaires, expliquent que l’autre raison qui peut justifier le retard dans l’harmonisation des FCFA, n’est autre que la mauvaise réputation dans la gestion budgétaire dont s’accusent mutuellement l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. Conséquence, chaque institut d’émission considère la monnaie de l’autre comme étant moins crédible que la sienne car chaque groupe de pays considère l’autre comme un mauvais gestionnaire. Et, sur ce point « l’Afrique de l’Ouest s’est toujours jugée meilleure gestionnaire car l’intégration régionale y est plus poussée au même titre que l’orthodoxie monétaire. Tout cela renforce le manque de confiance nécessaire qui entraîne la non convertibilité entre les deux FCFA », souligne Thierry Amougou.  
Mais pour surmonter tous ces obstacles à l’interchangeabilité, certains économistes réclament plutôt des réformes en matière d’indépendance monétaire pour que le FCFA, ne soit plus rattaché à l’Euro. Bien plus, l’une des visions des chefs d’Etat régulièrement évoqués lors des sommets et de l’UA est notamment l’instauration d’une monnaie unique sur le continent, ou débuter avec une monnaie unique dans les deux sous-régions. Mais, cette autre étape, n’est qu’un long chemin parsemé d’embûches. Car, jusqu’ici plusieurs dates ont été fixées pour une monnaie régionale. Là encore, les dates ont changé plusieurs fois. Les autorités ont même parlé d’une monnaie « éco », sauf que jusqu’ici, aucune avancée sensible n’est enregistrée. Economiste, Hubert Kamgang estime d’ailleurs qu’il est temps de lever l’hypothèque du FCFA et œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États-Unis d’Afrique…
Christelle Kouétcha


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