10 nov. 2014

Monnaie : Quand les CFA se refoulent

Même ayant une même valeur face à l’Euro, les FCFA de l’Afrique centrale et de l’Ouest ne peuvent être réciproquement utilisés.
Difficile pour un ressortissant de l’Afrique Centrale,  d’effectuer une quelconque opération commerciale avec le FCFA (franc des Communautés Financières d'Afrique)  dans   l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Que ce soit au Togo, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, … le FCFA de l’Afrique Centrale n’est pas accepté  par les pays membres de  l’Uemoa, qui pourtant utilisent, aussi, le CFA.  Pour une transaction  financière, par exemple, il faut changer son FCFA de l’Afrique Centrale, avec celui de l’Afrique de l’Ouest. « Lors de mon premier voyage au Togo, j’avais près de 50 000 de FCFA utilisés au Cameroun. Aucun restaurant, aucun hôtel n’a voulu de mes billets. J’ai dû convertir en dollar pour pouvoir réaliser ce que j’avais à faire », se rappelle, déçu, Mathieu Kouam, commerçant. 
En effet,  même si le FCFA de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et celui de l’Uemoa ont la même valeur par rapport à l’euro, il est impossible de payer sa baguette de pain à Douala, au Cameroun, avec la pièce de 100 FCFA émise par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Bceao), et vice-versa. La réticence est perceptible dans les grandes surfaces commerciales, les banques, les hôtels… Pour les responsables de ces structures, pas question de percevoir des FCFA qui ne sont pas émis par leurs banque centrales respectives. Mais, si l’on dispose de l’Euro ou du dollar, l’opération peut être réalisée sans soucis. « Nous avons un intérêt, car avec l’euro ou le dollar on peut facilement changer. Pourtant, si le client nous remet un FCFA de l’Afrique Centrale je ne sais même pas si une banque peut changer », explique une caissière à l’hôtel Djoloff au Sénégal.
Même son de cloche chez les artisans du marché HLM de Dakar au Sénégal. Ici, les commerçants sont prêts à prendre les Euros pour l’achat d’un pagne, en plus du FCFA de la zone Uemoa. Au moins, « il n’a pas de restriction comme avec le FCFA de l’Afrique Centrale. Après tout, l’Euro est une monnaie internationale et se change dans toutes les institutions bancaires. Pareil pour le dollar »,  indique Ousmane, vendeur de pagnes.  Au cours de la rencontre des patronats de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale, à Douala au Cameroun, plusieurs patrons ont confié que même lors des éventuelles opérations d’exportations entre les pays de ces régions,  le paiement ne peut point se faire avec les deux FCFA. « Nous devons toujours payer nos partenaires Ouest Africain en Euro, avant qu’ils ne le convertissent en leur FCFA. Par conséquent, en cas de fluctuation de l’Euro et les autres monnaies étrangères, les recettes d’exportation de nos régions fluctuent également », explique Gilles-Gilbert Gresenguet, président de l’Union nationale du patronat africain en République centrafricaine.
Cette situation de non interchangeabilité, dure depuis plus d’une décennie entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Puisque, c’est en septembre 1993 que l’interchangeabilité et la convertibilité ont été supprimées par les banques centrales des deux régions. Et, comme l’explique Gérard Biboum, économiste, cette suppression de l’interchangeabilité avait été soutenue par certains dirigeants de l’Afrique Centrale, car ceux-ci pensaient que le franc CFA de leur région, mieux lotie en ressources naturelles, vaudrait un jour plus cher que celui d’Afrique de l’Ouest. Mais, rien n’a changé depuis lors et les deux FCFA ont toujours la même valeur.
Christelle Kouétcha


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