30 nov. 2014

Transport aérien: Les agences de voyages asphyxiées par la TVA

Elles sont victimes de la concurrence des compagnies aériennes qui sont exonérées de la taxe et des agences de voyages internationales qui  la contournent  avec des techniques qui sont siennes.

Depuis deux ans déjà, les agences de voyages nationales ont encore du mal à supporter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), infligée par la loi de finance 2013, sur les commissions perçues sur les billets d’avion. L’on a appris que les membres du Syndicat national des agences de voyages et de tourisme du Cameroun (Snavtc), ont eu une audience avec le ministre des Finances (Minfi), le mois de juin dernier. 
Une énième réunion avec le Minfi qui « a été l’occasion une fois de plus de lui exposer les problèmes que nous rencontrons avec la TVA qui nous ai imposée », confie Ngassa Happi, président du Snavtc. A l’issue de cette audience, un comité ad hoc, a été constitué pour se pencher sur ce problème. Ce comité fait également suite à plusieurs autres plaintes déjà déposées par le syndicat, auprès des autorités, apprend-on.
En effet, les agences de voyages locales (Aigle Voyage, July Voyages, Tropic Voyages, Idéal Voyages, Transu Voyages, Moabi Voyages…), estiment que la loi de finance 2013, est « discriminatoire ». Puisque dans son article 127, alinéa 4 du code général des impôts, soumet les agences au paiement de la TVA sur leurs commissions, mais exonère les compagnies aériennes de cette taxe sur les mêmes commissions perçues sur la vente des billets d’avion. «C’est carrément une concurrence déloyale, car nous sommes obligés d’imputer la TVA et vendre les billets plus cher. Ceci, à contrario des compagnies qui vendent moins cher car elles n’ont pas de taxe et nous volent ainsi les clients », tranche, Henri T., directeur commercial d’une agence de voyage.
Ce dernier et plusieurs autres responsables d’agence de voyages rencontrés à Douala, estiment que cette loi de finance a été prise sans tenir compte des rouages du métier du transport aérien.  « Ce sont les compagnies aériennes qui mandatent les agences de voyages pour vendre les billets à leur compte. 
Les compagnies rétribuent les agences pour les services qui sont ainsi rendues. Alors, qu’elle sera la raison de venir acheter un billet dans une agence où la TVA est imputée et augmente le coût du billet. Alors, qu’à côté, la compagnie qui nous mandate ne souffre d’aucune taxe dans ce service. Mieux, les agences de voyages ferment », s’indigne,  William Smith, directeur général de PSV Voyage, joint au téléphone.    

Détournement du marché 

Il faut relever que cette TVA introduite dans la loi de finance 2013, avait déjà fait l’objet de plusieurs oppositions de la part des agences de voyages. Le président du Snavtc, révèle que depuis plusieurs années le gouvernement a tenté d’imposer la TVA sur les commissions servies aux agences de voyages par les compagnies aériennes. 
Mais, le syndicat avait démontré à l’administration fiscale de l’époque les conséquences néfastes qui pouvaient s’en suivre. Et, l’imposition des commissions des agences à la TVA, avait été exonérée. L’ex directeur des impôts en 2001, Polycarpe Abah Abah, avait précisé dans sa lettre datée du 10 avril 2001 que « les commissions perçues par les agences de voyages à l’occasion de la vente des billets d’avion pour les vols internationaux ne sont pas majorées du montant de la TVA », précisait-il.
Mais, 13 ans plus tard cette taxe est désormais imputée aux agences de voyages. Ceci, aussi bien pour les billets des vols internationaux que nationaux. Pour les vols internationaux, les membres du Snatvc, estiment que cela va à l’encontre du fondement juridique de la TVA. En effet, comme l’explique, Jean Kakou, comptable, la TVA s’applique seulement sur les services et sur les biens de consommations intérieures. 
Par conséquent, « la base imposable de la commission à la TVA ne peut s’appliquer pour des voyages à l’extérieur du Cameroun. Douala-Paris-Douala, par exemple ne peut être à l’évidence consommée sur le territoire camerounais », analyse Ngassa Happi. Ce dernier, a d’ailleurs adressée une autre lettre au Minfi, le 14 avril 2014, pour interpeller, Alamine Ousmane Mey, sur ce que les agences nationales appellent « l’injustice commerciale ».
Plusieurs d’entre ces agences, craignant de perdre la clientèle, ont pendant des mois refusées d’appliquer la loi. Mais, ces dernières ont été frappées de redressement fiscal, apprend-on. En plus de l’exonération des compagnies aériennes de TVA, les agences de voyages locales, disent faire face au « rude détournement du marché » par les agences multinationales. En effet, L’on a appris auprès des agences de voyages réunies au syndicat, que les agences multinationales ont pris l’habitude de contourner la TVA exigée sur les billets d’avion, en les émettant dans leur succursale installées dans les pays africains, où il n’est pas exigé la TVA.
 Pourtant la réservation est faite au Cameroun. « Elles ne payent pas la TVA, et gagnent doublement sur le marché camerounais, surtout que les commissions qu’elles perçoivent dans d’autres pays ne souffrent pas de la TVA. Ce sont comme ça de bons contrats qui nous sont raflés au quotidien. Ils bénéficient de taux de change avantageux », s’indigne, Georges Sangang, directeur général d’Aigle Voyage.  

La manœuvre des agences de voyages internationales

Satguru Travel, une de ces agences internationales rencontrées, a soutenu avec véhémence respecté la législation camerounaise. Sales manager, à la direction générale de Satguru à Douala, M. Samsher, s’est dit étonné par une telle accusation. A en croire ce dernier, les objectifs de vente assignés  aux différentes filiales de l’agence ne peuvent pas « nous permettre de faire partir nos commissions vers d’autres filiales, sous prétexte qu’on veut contourner la TVA », tranche-t-il. N’empêche, si l’on en croit le Snavtc, la manœuvre des agences de voyages internationales, est facilitée par l’émission des billets électroniques, qui peuvent se faire dans n’importe quel pays. Bien plus, ces émissions externes tiennent toujours comptent de l’importance des commissions.  
Le Syndicat, soutient d’ailleurs que plusieurs de ces agences internationales, qui se sont spécialisées dans les émissions transfrontalières, évoluent dans la clandestinité. L’on a appris auprès du syndicat des agences de voyages, que plusieurs plaintes ont déjà été déposées à l’encontre de ces agences, mais « il existe une lenteur judiciaire », souligne Ngassa Happi. Le président du Snavtc, révèle que certaines compagnies aériennes, notamment Kenya Airways, ont déjà pris des mesures pour combattre le dumping pratiqué par les agences internationales, sur les commissions.
En effet, dans une lettre datée du 19 février 2014, la compagnie kenyane, demande à  leurs cadres d’interpeller les agences de voyages qui se livrent à cette activité, et ne plus les réaliser pour le compte des vols sur la compagnie. « Tous les tickets réservés à l’intérieur d’un pays et émis à l’extérieur du pays (SITO) et ceux émis et réservés hors du pays d’origine du passagers (Soto) doivent cesser », lit-on sur la lettre de Kenya Airways, dont le reporter a eu une copie. Cette réaction de la compagnie internationale, contraste pourtant avec le silence des autorités sur le problème. Et, pour les responsables des agences de voyages, l’introduction de la TVA est à l’origine de toutes « ces évasions fiscales, car ces agences internationales agréées sont venues ici pour faire entrer des bénéfices. Mais, s’ils se retrouvent avec des maigres commissions, elles ne peuvent que trouver les voies et moyens de se faire des rentrées d’argent », souligne un responsable d’agence de voyages locale. Ce dernier, à l’unisson avec le Snatvc, estime que l’équité sur le marché de billetage ne sera possible que si la TVA est supprimée ou alors baissée. Et, surtout qu’elle soit appliquée à toutes les parties prenantes.  Bien plus,  il recommande une identification et une mise en place des sanctions des agences qui participent aux émissions à l’étranger.   

Christelle Kouétcha      

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