8 oct. 2014

Thierry Tené: « La faiblesse des Pme africaines est dû à l’abandon de la RSE »

Le Co-fondateur de l'Institut Afrique RSE donne l’importance de l’application de ces principes dans pour les entreprises.
Thierry Téné
Qu'est ce qui peut expliquer que la notion de la responsabilité sociétale des entreprises (Rse) soit de plus en plus utilisée aujourd'hui?
Plusieurs raisons peuvent expliquer l’émergence de la RSE. La première est la mondialisation. En effet, dans une économie globalisée et fortement concurrentielle, il faut se distinguer avec d’autres critères que le prix. La RSE permet de mettre en exergue des valeurs éthiques, citoyennes et humanistes. L’autre raison est la forte attente des consommateurs sur les engagements sociaux et environnementaux des entreprises. Les actionnaires aussi poussent les sociétés dans lesquels ils investissent à mettre en œuvre les stratégies RSE pour anticiper d’éventuels risques. En Afrique, la classe moyenne est de plus en plus regardante des engagements sociaux et environnementaux des entreprises. Les pays occidentaux et émergents à travers les mécanismes comme les Principes Directeurs de l’OCDE à destination des multinationales poussent leurs entreprises transnationales à intégrer la RSE y compris dans leurs filiales à l’étranger. Les bailleurs de fonds sont également dans cette dynamique. C’est la convergence de tous ces facteurs qui expliquent ce mouvement de fond car la RSE est devenu un outil de compétitivité.
Qu'est ce que l'entreprise gagne en mettant en œuvre la RSE?
D’un point de vue environnemental, il y a un couplage fondamental entre l’environnement et la performance économique de l’entreprise. En effet, au cours du process l’entreprise utilise la matière première qui est transformée grâce à l’énergie pour obtenir des produits finis ou semis finis. Au cours du cycle industriel, il y a la production des déchets. Si dans une stratégie environnementale ambitieuse, l’industrie internalise, ces externalités externes, elle va obtenir des gains économiques. Ceci grâce à l’efficacité énergétique et à l’optimisation du process car il rejette moins de déchet.. On pourrait faire la même démonstration avec le social. Une entreprise qui propose de meilleures conditions de travail aux salariés, est soucieuse de leur cadre de vie et de tous les problèmes de ces derniers, vas y gagner. Les employés auront le sentiment de recevabilité et seront de ce fait plus productifs. C’est aussi le cas pour le partage des richesses aussi bien avec les salariés qu’avec les communautés locales. Une entreprise ne peut pas être un îlot de richesse dans un océan de pauvreté. Cette situation ne peut pas tenir à moyen terme et va se retourner contre elle.
La mise en place de la RSE demande sans doute la mobilisation des coûts financiers, est-ce que toutes les entreprises, particulièrement les PME sont capables d'implémenter la RSE ?
Avant de parler des coûts de la RSE, parlons du coût de la non RSE. Quand une entreprise pollue un site industriel ou un cours d’eau, il ne faut pas se faire d’illusion, quelque soit le temps que cela va prendre, il faudra bien un jour dépolluer le site. Plus le délai est long plus la facture sera élevée. Quand il n’y a plus de poissons à certains endroits du Wouri à cause de la pollution industrielle, à combien on évalue les conséquences économiques, sociales, environnementales et même culturelles ? Les PME africaines ne sont pas performantes parce qu’elles délaissent la RSE. Vous savez la perte financière que coûte un accident de travail à une PME ? Or un bon Système de Management Sécurité, Qualité et Environnement aurait permis d’anticiper. De plus elles sont très nombreuses ces PME camerounaises et africaines qui n’accèdent pas à certains marchés parce qu’elles n’ont pas de reporting RSE.
Quels sont les problèmes essentiels qui peuvent être liés à la mise en œuvre de la RSE?
L’année dernière, en prélude de la première édition du forum international des pionniers de la RSE en Afrique que le Groupement Inter-Patronal du Cameroun (GICAM) et l’Institut Afrique RSE ont organisé à Douala, nous avons justement réalisé une enquête sur les contraintes de l’implémentation de la RSE en Afrique. Il y a trois raisons principales : l’absence de politiques publiques sur la RSE, le manque de compétences et de ressources humaines et enfin l’absence de reconnaissance et de valorisation des entreprises exemplaires.
Dans quelle mesure l'Etat peut-il imposer la RSE aux entreprises?
Je ne reprendrai pas le mot « imposer ». Les Etats africains doivent concevoir les politiques publiques de RSE dans une logique Win-Win. En effet, les gouvernements africains n’ont ni les moyens financiers ni humains pour contrôler l’application de la loi dans toutes les entreprises. Dans le même temps, les entreprises jouent parfois le rôle de l’Etat en réalisant des projets dans les domaines régaliens comme la santé et l’éducation. Nous militons donc pour un partenariat public privé avec pour dénominateur commun la RSE. Ce qui permet à l’Etat de répondre aux besoins des populations et aux entreprises qui mettent en place des initiatives sociales, environnementales et économiques remarquables d’être reconnues. L’Etat peut aussi utiliser le levier de la commande public pour exiger la prise en compte de la RSE dans les appels d’offres. Tout ceci nécessite la formation des cadres et un important travail en amont.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha


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