13 mai 2014

Me Christian Djomga: « L’Etat du Cameroun ne prend aucune disposition pour que les inventions aient un impact clair »

Me Christian Djomga
L’Avocat conseil en propriété industrielle agréé OAPI analyse le niveau des inventions camerounaises.  

Quelle appréciation faites-vous de la recherche et des inventions au Cameroun ?
La recherche existe au Cameroun. Des efforts sont faits ici et là, parfois, quelques exploits, bien qu’ils ne répondent pas nécessairement à une programmation en vue d’un programme cohérent et pertinent de développement technologique et de valorisation économique des résultats de la recherche et parfois ne remplissent pas tous les critères de brevetabilité, notamment la nouveauté absolue. C’est également le cas pour les inventions qui existent, mais qui ne sont pas valorisées. Des efforts sont certainement faits, mais l’Etat ne prend aucune disposition  pour que ces inventions aient un impact clair et sensible sur le développement du pays. Le tissu industriel étant maigre, il n’existe pas de sociétés capables d’acheter ces inventions pour les valoriser.
Quel est la place de la recherche et des inventions dans le développement d’un pays comme le Cameroun, qui se veut émergent en 2035 ?
Toutes les révolutions industrielles dans le monde se sont faites sur la base des inventions. Il n’y a pas de succès industriel sans promotion des inventions. Les politiques nationales doivent mettre les inventions au centre de leur préoccupation. La recherche et la technologie sont sœurs. Aujourd’hui, il est indéniable que la maîtrise de la technologie est au cœur du développement commercial. Tout retard en ce sens est absolument fatal. Le Cameroun ne sera jamais émergent en dehors de la technologie et de la promotion des inventions. Lorsque j’entends parler d’émergence en se fondant sur l’exploitation minière ou sur les recettes fiscales et douanières, je crois rêver. Même dans le domaine agricole, les inventions et technologies utilisées proviennent des pays européens. On invente en Europe pour exploiter l’invention au Cameroun. Et que font nos chercheurs ?
 Selon vous, pourquoi beaucoup d’inventeurs camerounais préfèrent expatrier leurs œuvres au lieu de les mettre sur le marché camerounais ?
Le problème ici peut se poser à trois niveaux : D’abord il n’y a pas chez nous de politique de promotion et de valorisation de l’inventeur. Ensuite, parce que la politique de valorisation n’est pas incitative, en ce que l’inventeur ou les inventeurs ne sont pas convenablement pris en compte dans le partage des bénéfices issus de l’exploitation des résultats de la recherche. Enfin, parce que la politique de valorisation n’est pas suffisamment élaborée pour assurer une exploitation effective des inventions ; le risque est élevé de voir son invention pourrir dans les tiroirs administratifs.
Que peuvent faire les pouvoirs publics et privés camerounais pour exploiter les inventions locales ?
Les pouvoirs publics peuvent, susciter l’envie de se mettre au travail pour inventer, promouvoir les inventions ; mettre en place une politique cohérente de valorisation des résultats de la recherche ; et créer un tissu industriel pour exploiter localement les inventions
Selon vous, qu’est ce qui empêche l’industrialisation des inventions au Cameroun ?  
Il est nécessaire que chacun fasse son travail. Les inventeurs veulent exploiter eux-mêmes leurs inventions, alors que non seulement ils n’ont pas les moyens, mais surtout ce n’est pas leur travail. Les inventions ne peuvent être exploitées que par les entreprises  financièrement stables. Il faut déjà que chacun soit à sa place et fasse son travail. Bien plus, il y a au Cameroun plus de commerçants que d’hommes d’affaires capables de prendre une invention, faire une étude de marché, fabriquer et vendre. Chez nous, on préfère le bayam sellam et ne prendre aucun risque.
Comment dans d’autres pays, les investisseurs réussissent à s’approprier des inventions de leurs inventeurs ? 
Les règles de la propriété permettent de répondre à votre préoccupation. Pour que vous vous appropriiez de mon bien, il faudrait que je vous le cède ou le concède, ou que ayez réalisé cette invention avec les moyens que j’ai mise à votre disposition. Tout est contractuel.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha


0 commentaires :

Enregistrer un commentaire