21 mai 2014

Boucheries et vivres : Les pesons des balances truqués dans les marchés camerounais

Les astuces des commerçants pour réduire les quantités des vivres vendus sont multiples.  
Le kilo n'est pas toujours le vrai
Marché central de Douala au Cameroun, ce mercredi 30 avril 2014, à la boucherie du marché les commandes fusent. Hamidou, boucher, est imperturbable. 1 kilo, 2 kilo, 3 kilo de viandes… les commandes s’enchaînent.  Les clientes,  s’impatientent, tandis que des jeux de poids installés sur la table du boucher, se font sous le regard observateur des ménagères. Ici, comme dans plusieurs autres boucheries et poissonneries de ce marché, c’est la balance à ressort qui reste encore l’unité de mesure. Et, la rouille présente sur la plupart d’entre elles, témoigne de la vétusté de l’appareil de mesure.
Un instrument qui pourtant a été interdit des activités commerciales au Cameroun depuis 1995, apprend-on à la délégation régionale du commerce pour le Littoral. Mais, il reste encore utilisé dans tous les marchés au Cameroun. Et, à la brigade de répression du Mincommerce pour le Littoral, l’on explique que les bouchers et poissonniers s’accrochent encore à cet instrument car « ils savent que toute balance à ressort, par nature, perd de sa fiabilité au fil du temps. Le ressort, qui subit les charges au fur et à mesures, finit à un moment donné par lâcher et la mesure du kilo n’est plus viable », explique ce dernier.  Il confie que des opérations de saisies des pesons ont déjà été opérées. Mais, à cause de « la tolérance administrative », ces pesons sont toujours utilisés. Ceci, au grand dam des consommateurs  qui payent pour un kilogramme de poisson ou de viande par exemple, mais qui n’en reçoivent en réalité qu’environ 800 grammes.
Pour ce qui est du poids, les bouchers, réussissent à servir leurs clients avec des poids sans collier. Pourtant « lorsque le poids perd son collier, l’impact se fait sentir sur la balance.  Ainsi, un poids de un kilo sans collier peut se retrouver à 900g », explique un fabricant. Malheureusement, les consommateurs n’ont très souvent pas le temps de regarder ce collier sur le poids. Pour les balances électroniques, l’astuce est toute trouvée. Des bouchers confient, qu’il suffit d’y mettre des batteries faibles et quelques grammes sont chipés sur la commande du client.
Du côté des vivres,  comme les plantains ou la banane, la tricherie est bien dissimulée. Dans le tas cinq doigts de plantains vendus par exemple, le commerçant réussit toujours à faire glisser un ou deux doigts pourris. Et, « c’est au moment de la cuisson que nous faisons toujours le constat », s’indigne Anabelle Kengne, ménagère. Pour les tubercules comme le manioc, le macabo, les pommes de terre…, le récipient en plastique qui sert très souvent de mesurrette est le nid de la tricherie. Ainsi, alors que le consommateur aperçoit un seau bien rempli de macabo par exemple, ce sont les feuilles séchés de bananiers plantains, des papiers, qui supportent le fond du récipient et font remonter la marchandise à la surface. Cette technique est également utilisée par les vendeurs de fruits en gros, tels que les mangues, les safou…
La supercherie se trouve donc au fond. Pareil pour les boîtes avec lesquels sont servis du riz ou les arachides. Commerçante au marché Ndogpassi, Nathalie Kayo, explique que très souvent des staffs (mélange de plâtre et de fibres végétales utilisés pour la décoration des maisons) sont introduits dans les boîtes, et permettent de réduire la quantité servie aux clients. Des astuces pour cette tricherie, il n’en manque pas. D’autres commerçants disent « cogner » la boite qui sert de mesure, question de réduire la quantité qui est servie au client. Cependant, il y en a qui ne se donnent toute cette peine. Ils préfèrent jouer sur la vigilance du consommateur. Pour ces derniers, il suffit de mettre le pouce de la main dans la boîte avant de le remplir pour servir le client. Mais, ceci « nécessite d’être rapide et surtout d’être souvent grincheux avec le client pour l’empêcher de mieux contrôler », confie une  commerçante du marché Deïdo. Celle-ci, ne manque pas de confier qu’elle recourt à cette astuce, quand « le marché est très difficile ». Conséquence, le client qui par exemple a payé pour cinq boîtes de riz, peut se retrouver à domicile avec à peine quatre boîtes…

Christelle Kouétcha

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