5 mai 2014

Aménagement urbain: Où sont passées les indemnisations de la zone Nylon ?

Dans les années 1980, un vaste projet d’aménagement et de viabilisation de la zone de Nylon à Douala est entrepris par le gouvernement avec le soutien de partenaires étrangers comme la Banque mondiale et la Coopération suisse. Pour cela, plus de 500 familles furent délogées. Simultanément, de l’argent et de l’espace furent mis à disposition pour les dédommager et les recaser ; avec pour chefs d’orchestre la Maetur et le Crédit foncier du Cameroun. Mais, 30 ans après, la plupart d’entre elles n’ont été ni dédommagées, ni recasées. Au grand regret des bailleurs de fonds et des déguerpis dont les survivants vivotent aujourd’hui après avoir perdu tous leur biens…
Une enquête de Christelle Kouetcha

Un projet inachevé, 30 ans après
Piloté par la Maetur, l’aménagement de la zone Nylon à Douala a été à l’origine de plusieurs cas d’accaparements de terres.
 Prévu pour s’étendre sur 13 ans (1984-1997), le projet de restructuration de la zone Nylon, situé dans la ville de Douala, n’a finalement duré que 9 ans. La Mission d’aménagement et d’équipements des terrains urbains et ruraux (Maetur), chargée d’exécuter le projet y a mis un terme en 1993. Les raisons officielles de cet arrêt n’ont jamais été données par le gouvernement. Et la demande d’information adressée à cette entreprise le 10 octobre dernier est restée sans réponse.
Initiée par le gouvernement, la restructuration de la zone Nylon s’inscrivait dans le cadre du projet de développement urbain (PDU), engagé par l’Etat pour assainir les quartiers insalubres et précaires. Pour réaliser ces travaux, la Maetur avait procédé à une expulsion « forcée » de près de 502 familles. A celles-ci, le gouvernement, via la Maetur, avait promis des indemnisations. Mais, « jusqu’à ce jour nous n’avons encore rien perçu », confient les victimes. A en croire, l’Organisation dénommée Promotion sociale et formation de l’enfance en difficulté (Prosofor), qui défend les droits des victimes de Nylon, les populations « n’avaient jamais été intégrées dans la mise en œuvre de ce projet. L’Etat nous a donné l’impression qu’on sacrifie la quiétude des populations sur l’autel de l’embellissement de la ville », souligne l’association. 
Financé par la Banque Mondiale, à hauteur de 22 milliards de FCFA, le projet prévoyait la restructuration de 13 quartiers. Il s’agit notamment des quartiers Nkolmitang, Nylon, Tergal, lieu-dit CCC, Madagascar, Oyack II, Oyack III, Bonaloka, Soboum, Dibom I, Dibom II, Bilonguè et Brazzaville. Mais, de tous ces quartiers, « il n’y a que le quartier Brazzaville qui avait vraiment suivi les plans qui avaient été fixés par le gouvernement », confie un cadre de la Maetur. L'on a par exemple appris que la Maetur avait aménagé 20 000 parcelles, des réseaux d’eau et d’électricité ont été installés, des voiries primaires et secondaires ont été ouvertes, « en moyenne 60% de drains ont été réalisés », précise une source interne à l’agence de la Maetur de Nylon. A en croire cette source, des ouvertures d’emprise de voirie et des bornages parcellaires avaient été enclenchés dans huit autres zones ; « mais notre structure n’était pas allée plus loin », indique ce cadre.« Pourtant, il était prévu dans le programme de financer ces autres zones par la récupération des coûts réalisés sur la première zone financée », précise une source à la Maetur.
La route des quartiers avaient été réfectionnée. Et, des équipements collectifs à l’exemple du marché Madagascar (1 500 boutiques), de l’hôpital Tergal… ont été construits. Malgré cela, « quelques années » plus tard ces infrastructures se sont dégradées. Les nids de poules sont d’ailleurs visibles sur les routes des différents quartiers. La broussaille qui a envahi certains endroits est devenue la cachette des bandits. Les emprises publiques ont été envahies. « Pour assurer la maintenance de ces infrastructures, il était prévu dans le projet un volet intitulé "action d’appui" qui comportait le redressement de la caisse populaire de Nylon et le développement de l’épargne. Mais, cela n’a pas pu être réalisé », confie un cadre de la Maetur. En plus, les infrastructures « étaient hors de prix » pour les victimes qui estimaient le coût de la parcelle fixé à 1,5 million de FCFA à l’époque « énorme par rapport à la politique initiale d’assainissement des quartiers insalubres »
Christelle Kouétcha


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