Plusieurs d'entre elles sont mortes sans être dédommagées et certaines sont tombées dans la
démence.
Jean Claude Takoukam, une des victimes |
C’est avec
les larmes aux yeux que Jean Claude Takoukam, déguerpis dans la zone Nylon, se
rappelle de sa maison de 14 chambres détruites par des bulldozers en 1984. Son
ex-domicile, situé juste derrière l’agence AES-Sonel à Brazzaville (Douala),
avait été « accaparé par l’Etat » pour un « projet
d’aménagement qui n’a pas été bénéfique pour nous », s’indigne le
septuagénaire. Comme lui, plusieurs autres victimes du déguerpissement sont
devenues des locataires « à vie ». Joseph Bassè a perdu
sa maison de trois étages pendant les casses. Aujourd’hui, il loue dans une
maison de deux pièces, avec ses cinq enfants. Quant à Jean Claude Takoukam, il
est à sa cinquième maison de location dans le quartier Bilonguè. Il n’a jamais
pu trouver assez d’argent à verser à la Maetur pour récupérer le terrain n°617
que la structure avait promis de lui céder. « Quand on a cassé notre
maison, je n’étais plus concentré au lieu de service et l’on m’a renvoyé un
mois plus tard. Depuis ce jour, j’ai été tour à tour pousseur, chargeur de
voiture, vendeur de fruits et maintenant je me suis lancé dans la vente de bois
pour subvenir aux besoins de ma famille », se lamente l’intéressé…
Dans un
article du Bihebdomadaire Challenge, Paru le 12 juillet 1993, un article
traitant des déguerpissements de Nylon, avait fait part de l’impact sur la
santé de Marcelline Matewa. Celle-ci, était devenue malade mentale quelques
jours après les casses. La voisine de la victime en 1984, Julienne Kengne,
confirme d’ailleurs qu’à la vue du terrassement de sa maison de deux étages,
Marcelline avait complètement perdu la tête. « Elle criait un peu
partout. Même ses ustensiles, elle n’avait pas pu les sauver. Quand la police
et la Maetur ont quitté les lieux ce soir-là, Marcelline est restée pendant des
heures à regarder les débris de sa maison. Après, nous l’avons seulement
retrouvée en train de marcher nue dans les environs », raconte-t-elle.
Marcelline Matewa a été malade mentale pendant plus de 20 ans. Elle a rendu
l’âme en 2011, apprend-on.
Elle n’a
d’ailleurs pas été la seule dans ce cas. Elias Nouye, lui souffre de démence
depuis plus de 30 ans. Gérôme Gnitedem, ancien habitant du quartier
Brazzaville, confie que comme la plupart des victimes, ce dernier a
passé des jours et des nuits devant les bureaux du gouverneur « dans
l’espoir d’être entendu ». Aujourd’hui, plus personne n’a ses
nouvelles. Les victimes décédées, « il y en a plusieurs », révèle
l’association dénommée Promotion social et formation de l’enfance en difficulté
(Prosofor). Ceux-ci, ont rendu l’âme sans « avoir perçu ce qui
leur revenait de droit », s’indigne, Robert Fokam, lui aussi victime.
D’autres
sinistrés sont plongés dans la maladie depuis près de 30 ans. Le mari
d’Elisabeth Talla, par exemple, a perdu la parole depuis les expulsions.
« Quand on a cassé notre maison, mon mari s’est évanoui. Malgré les
soins, il n’a plus dit mot depuis ce jour-là », se lamente-elle.
Ce couple était propriétaire de près de 600 m² de terrains. « Nous
avons versé l’argent aux autochtones. Ceux-ci, nous ont vendu le terrain à
pratiquement 300 000 FCFA. Vous savez qu’à l’époque cette somme valait de l’or. Nous
n’avons même pas récupéré un radis de nos investissements », regrette la
sinistrée, non sans garder espoir que « le gouvernement comprendra
enfin un jour nos doléances ».
Christelle
Kouétcha
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