5 mai 2014

Aménagement de la zone Nylon : beaucoup de victimes de déguerpissement ne s’en sont jamais remis

Plusieurs d'entre elles sont mortes sans être dédommagées et certaines sont tombées dans la démence.
Jean Claude Takoukam, une des victimes
C’est avec les larmes aux yeux que Jean Claude Takoukam, déguerpis dans la zone Nylon, se rappelle de sa maison de 14 chambres détruites par des bulldozers en 1984. Son ex-domicile, situé juste derrière l’agence AES-Sonel à Brazzaville (Douala), avait été « accaparé par l’Etat » pour un « projet d’aménagement qui n’a pas été bénéfique pour nous », s’indigne le septuagénaire. Comme lui, plusieurs autres victimes du déguerpissement sont devenues des locataires « à vie ». Joseph Bassè a perdu sa maison de trois étages pendant les casses. Aujourd’hui, il loue dans une maison de deux pièces, avec ses cinq enfants. Quant à Jean Claude Takoukam, il est à sa cinquième maison de location dans le quartier Bilonguè. Il n’a jamais pu trouver assez d’argent à verser à la Maetur pour récupérer le terrain n°617 que la structure avait promis de lui céder. « Quand on a cassé notre maison, je n’étais plus concentré au lieu de service et l’on m’a renvoyé un mois plus tard. Depuis ce jour, j’ai été tour à tour pousseur, chargeur de voiture, vendeur de fruits et maintenant je me suis lancé dans la vente de bois pour subvenir aux besoins de ma famille », se lamente l’intéressé…
Dans un article du Bihebdomadaire Challenge, Paru le 12 juillet 1993, un article traitant des déguerpissements de Nylon, avait fait part de l’impact sur la santé de Marcelline Matewa. Celle-ci, était devenue malade mentale quelques jours après les casses. La voisine de la victime en 1984, Julienne Kengne, confirme d’ailleurs qu’à la vue du terrassement de sa maison de deux étages, Marcelline avait complètement perdu la tête. « Elle criait un peu partout. Même ses ustensiles, elle n’avait pas pu les sauver. Quand la police et la Maetur ont quitté les lieux ce soir-là, Marcelline est restée pendant des heures à regarder les débris de sa maison. Après, nous l’avons seulement retrouvée en train de marcher nue dans les environs », raconte-t-elle. Marcelline Matewa a été malade mentale pendant plus de 20 ans. Elle a rendu l’âme en 2011, apprend-on.
Elle n’a d’ailleurs pas été la seule dans ce cas. Elias Nouye, lui souffre de démence depuis plus de 30 ans. Gérôme Gnitedem, ancien habitant du quartier Brazzaville, confie que comme la plupart des victimes, ce dernier a passé des jours et des nuits devant les bureaux du gouverneur « dans l’espoir d’être entendu  ». Aujourd’hui, plus personne n’a ses nouvelles. Les victimes décédées, « il y en a plusieurs », révèle l’association dénommée Promotion social et formation de l’enfance en difficulté (Prosofor). Ceux-ci, ont rendu l’âme sans « avoir perçu ce qui leur revenait de droit », s’indigne, Robert Fokam, lui aussi victime.
D’autres sinistrés sont plongés dans la maladie depuis près de 30 ans. Le mari d’Elisabeth Talla, par exemple, a perdu la parole depuis les expulsions. « Quand on a cassé notre maison, mon mari s’est évanoui. Malgré les soins, il n’a plus dit mot depuis ce jour-là », se lamente-elle. Ce couple était propriétaire de près de 600 m² de terrains. « Nous avons versé l’argent aux autochtones. Ceux-ci, nous ont vendu le terrain à pratiquement 300 000 FCFA. Vous savez qu’à l’époque cette somme valait de l’orNous n’avons même pas récupéré un radis de nos investissements », regrette la sinistrée, non sans garder espoir que « le gouvernement comprendra enfin un jour nos doléances ».

Christelle Kouétcha 

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