22 janv. 2015

Jacquard Mbapte: « Le gouvernement camerounais arnaque encore les consommateurs »

Petroleum engineer, il donne les raisons qui devaient conduire le Cameroun à baisser les prix des carburants à la pompe.

Jacquard Mbapte
Depuis quelques mois, le cours international du baril de pétrole brut connaît une baisse graduelle. Une baisse qui a déjà une incidence sur le prix du carburant à la pompe dans certains pays. Qu’est ce qui explique qu’au Cameroun l’on n’a pas encore procédé à la diminution des prix comme dans ces pays ?
Au Cameroun le prix du carburant à la pompe est un sujet très sensible, surtout sur le plan politique. Le gouvernement est réticent à arrimer le prix à la pompe au prix du brut sur le marché international. Cependant, si le gouvernement maintient les prix à la pompe, c’est le budget public qui en profitera par un accroissement des recettes fiscales mais surtout la Sonara et la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) qui verront leurs marges bénéficiaires augmenter d’environ 50%.
Ceci dit, on se retrouve plutôt dans une situation où l’Etat du Cameroun arnaque ses propres concitoyens car la Sonara, SCDP, SNH, CSPH et la douane sont les seules structures qui se sucrent en cette période de baisse de prix du brut sur le marché international. Ces structures ont une seule chose en commun ; elles appartiennent tous à l’Etat du Cameroun.
Comment peut-on faire pour qu’il y ait une éventuelle baisse au Cameroun ?
Le schéma de fixation du prix du carburant à la pompe au Cameroun est de type colonial et fortement politisé. La privatisation de l’activité de raffinage et de stockage des produits pétrolier ne faisant pas partie des «  grandes ambitions » je ne m’y attarderai donc pas comme esquisse de solution. La TVA incorporée dans la structure de prix souffre d’une coexistence contre-nature d’éléments régulièrement taxés (prix sortie Sonara, cabotage, redevance portuaire et passage SCDP par exemple) et de prestations faussement taxés telle que la TVA sur distribution et la taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) sur le super et sur le gasoil. Ces deux dernières taxes sont une arnaque à ciel ouvert sous le regard approbateur des économistes indépendants et des ONG de protection des consommateurs. Le gouvernement devrait urgemment convoquer une réunion de crise afin de trouver les voies et moyens pour que cette baisse à l’international se répercute à la pompe, ceci sans empiéter sur les recettes fiscales de 2015 vu les projets en court de réalisation et la guerre au Nord qui demande des ressources considérables. Ceci peut se traduire par une réelle réduction du train de vie de l’Etat, du nombre de ministères et de rendre les sociétés d’Etat (CRTV, Camtel, Camwater, Sonara, Camair-Co, ... etc) plus compétitives en y supprimant les subventions afin qu’elles génèrent leurs propres bénéfices.  
Les populations peuvent-elles espérer une baisse des prix à la pompe ?
Les autorités Camerounaises contrôlent le prix à la pompe des produits pétroliers en fixant par décret leurs niveaux tous les mois. Je vois mal le gouvernement entrain de baisser les prix à la pompe de leur propre volonté. Tant que les économistes et la société civile ne manifestent pas leurs ras-le-bol ces prix ne baisseront pas du tout.
Comment la réduction du prix du carburant à l’international peut-elle impacter sur le Cameroun, qui, est un pays producteur.
L’impact est minimal car bien que le Cameroun soit producteur de pétrole, celui ci ne vend pas son pétrole au comptant mais plutôt par contrat en se bornant de prélever une taxe par baril vendu. Le Cameroun bénéficie très peu de son propre pétrole car les quantités de productions journalières sont insignifiantes comparer à la Guinée équatoriale par exemple.
Est-ce que cette baisse à l’international ne peut pas entraîner pas la baisse des subventions de l’Etat ?
Il faut faire la distinction entre une subvention explicite et une subvention implicite. Il y a subvention explicite lorsque les produits pétroliers sont vendus aux consommateurs à un prix inférieur au prix international, le budget de l’Etat supportant la différence. En cas de subvention implicite, le prix aux consommateurs est au dessus du prix international compte tenu des taxes et des marges. La subvention pétrolière au Cameroun est du type implicite. Ainsi, la baisse progressive du prix du brut à l’international doit normalement ramener la subvention de l’état progressivement à zéro au même prorata que la baisse à la pompe. Donc si la baisse à la pompe doit être de 60 FCFA, l’Etat diminue sa subvention de 30 FCFA et baisse le prix a la pompe de 30FCFA, ceci progressivement jusqu’a ce que la subvention soit nulle et la baisse se répercutera donc désormais à 100% à la pompe.
Si aujourd’hui, on envisage une baisse des prix, elle peut être de l’ordre de combien ?
La baisse du prix du baril à l’international est de l’ordre de 50% de nos jours donc le baril tourne autour de 48 dollars US. En juin 2014 le baril était à 98 dollars US et le prix à la pompe au Cameroun de 650 FCFA pour le super. En janvier 2015 le baril est à 48 dollars mais le prix à la pompe est toujours de 650 FCFA. Donc cela fait un bon bout de temps que le gouvernement arnaque les consommateurs. Le mécanisme de fixation des prix des hydrocarbures à la pompe n’étant pas linéaire, je proposerai une baisse de 40%, donc le super doit être désormais vendu à environ 400FCFA le litre.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha 

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire