Une note de la
directrice générale des douanes du Cameroun pour appliquer une nouvelle mercuriale des
produits en provenance d’Asie a poussé les importateurs à abandonner leurs
conteneurs au port.
Les containers s'entassent au port de Douala |
Il a fallu en
moyenne cinq mois pour que l’encombrement du port de Douala atteigne son
paroxysme. A l’origine, la note de service N°112 de la directrice générale des
douanes, qui met en application une mercuriale fixée en 2010, mais qui n’est
pas entrée en vigueur pendant pratiquement quatre ans. La note a été signée le
02 mai 2014. Les importateurs ont été donc surpris, de voir le prix des droits
de douane augmenté de 50%. Ainsi, pour un conteneur de 40 pieds, où l’on
déboursait autrefois 7 millions de FCFA pour dédouaner, la
note de service annonce qu’elle coûte désormais 14 millions de FCFA. Cette
revalorisation a été une pilule difficile à avaler pour les importateurs. Ces
derniers, ont décidé depuis le mois de mai 2014, d’abandonner leurs containeurs
sur l’espace portuaire. L’on a appris qu’au mois de mai, ce sont près de 1000
containers qui ont été abandonnés sur le parc.
Et au bout de
cinq mois, la note de service qui est toujours en cours, a entraîné un
blocage « interminable ». Au sein du Syndicat
national des transitaires, transporteurs, acconiers et consignataires du
Cameroun (Syntrac), l’on append que le nombre de containers abandonnés par les
importateurs a atteint aujourd’hui 2000. « Il ne faut pas que l’on
vienne asphyxier les opérateurs économiques. Vous ne pouvez pas acheter une
marchandise, et venir dédouaner à un prix double voire triple que le prix
d’achat de la marchandise. La douane, a crée tout une cacophonie et c’est
à elle de la régler », s’indigne Christophe T., importateur au marché
Central de Douala. Dans la note de service la Dg des douanes, Minette Libom Li
Likeng, justifie « l’impératif » de mettre en application les valeurs
imposables minimales et mercuriales de 2010, sur les marchandises en provenance
de Chine, par le fait que « la situation est devenue préjudiciable au
trésor public ». Toutefois, force est de constater que le préjudice
n’a été découvert que quatre ans après. Et, pendant cette période, la
Douane a toujours affiché des résultats plutôt reluisants. Au 28 décembre 2012,
par exemple, le taux de réalisation de la douane camerounaise était de 108%,
pour un taux d’accroissement en valeur absolue de 49,5 milliards FCFA, par
rapport à la même période en 2011. En 2013, le taux de réalisation était de
93%.
L’opposition des
importateurs, a été également motivée par l’arrestation de plusieurs d’entre
eux. Leurs interpellations ont été enclenchées à l’issue des plaintes déposées
contre eux par les commissaires agrées en Douanes (CAD), suspendus de tout
activité en Douane. En effet, la directrice générale des Douanes, a dans une
note de service, procédé à la suspension de plusieurs CAD. Minette Libong
Li Likeng, reprochait à ces derniers, « de ne pas respecter la
mercuriale de 2010 », souligne Laurent Ondoa, directeur général
d’Only Sarl, commissaire agrée en Douane. La première suspension, datée
du 03 avril 2014, concernait huit CAD (Only Sarl, Ctac S.a, Ematrans, Ditrans,
Ste Europe d’Afrique d’Affretement, Batrans, Shiptrafor, Ste Trans 2 Cogen
Sarl). Mais, l’on apprend auprès des membres du Syntrac, qu’à ce jour, c’est
près d’une quarantaine de CAD qui ont été suspendus pour le même motif.
Les CAD
suspendus, expliquent qu’à travers ces suspensions, plusieurs amendes leurs ont
été infligées. Et, « d’après l’article 391 du code douanier, les
CAD doivent imputer les préjudices qu’ils subissent en terme d’amendes aux
importateurs, car nous sommes juste comme les intermédiaires entre la Douane et
l’importateur », explique le Dg d’Only sarl. De fait,
l’article 391 du code douanier, portant responsabilité des propriétaires des
marchandises, stipule que ceux-ci « sont responsables civilement
du fait de leurs employés en ce qui concerne les droits, taxes, confiscations,
amendes et dépens ». Par conséquent, plusieurs d’entre eux ont été
trainés devant la justice. L’on a appris auprès d’un CAD, qu’une dizaine
d’importateurs de son portefeuille ont été traduits devant la justice. « Les
affaires sont pendantes à la cour, et mes clients ont tous décidé de ne même
pas sortir le moindre jeton pour dédouaner leur container », confie
le CAD.
Le dédouanement
des marchandises connait donc un blocage « interminable ». Les
importateurs, opposés à l’application de la note n°045/Minfi/DGD du 02 mars
2010, fixant les mercuriales désormais exigées par la douane, ont tôt fait de
déposer leurs plaintes auprès du ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey,
dans une correspondance adressée, le 09 juin 2014, a sommé la DGD, de lui faire
le point de « toute urgence » sur l’existence de plusieurs conteneurs
en attente de souscription de déclarations en douane. Le 18 juin 2014, la réponse de la directrice générale des
Douanes au Minfi, place les problèmes soulevés par les importateurs sur le
signe des incompréhensions. D’après Minette Libom Li Likeng, ce sont « les
variantes du système d’évaluation en vigueur basées sur l’effectivité des
transactions adossées aux subtilités des pratiques commerciales en cours sur
les places chinoises qui pourraient être à l’origine de
l’incompréhension », justifie-t-elle au Minfi.
Bien avant
cette lettre, les chefs secteurs de douane, avait tenu une réunion pour statuer
sur le blocage des containers au port de Douala, le 17 juin dernier. A l’issue
de cette séance de travail, les collaborateurs de la DGD de douane, précisaient
dans leur compte rendu, que le blocage de dédouanement des marchandises en
provenance de Chine, est né de la note de service n°112 du 02 mai 2014. Cette
note rappelait les valeurs imposables minimales applicables aux marchandises en
provenance de Chine tel que fixé par la note n°045/Minfi/DGD du 02 mars 2010.
Ce blocage de dédouanement, est donc « venu s’ajouter au problème de
congestion que connait déjà le port de Douala et qui a également un impact sur
les recettes », avait souligné, le chef secteur dans le compte rendu
de la réunion. Plusieurs responsables de l’administration douanière, ont pris
part à cette réunion. Il s’agit notamment, des commandants du groupement actif
Littoral 1 et 2, le sous-directeur du fret, les chefs des bureaux Douala port 1
et Transfert, le chef service des affaires générales, le chef de subdivision
des arraisonnements, des accès et de la surveillance des terminaux et le chef
de brigade des accès portuaires.
Tous ceux-ci,
d’un commun accord avaient proposé que les opérateurs payent comme frais de
droits de douane (DD), 8 millions de FCFA pour les containers de 40 pieds et 4
millions de FCFA pour ceux de 20 pieds. Ceci, en attendant l’issue de la
concertation entre les importateurs et l’administration douanière, sur l’applicabilité
de la note n°112, revalorisant les DD. Ces tarifs « conciliants » ne
devaient concerner que les conteneurs de marchandises divers sans attestation
de vérification à l'importation (AVI). Mais, pour les conteneurs de
vêtements, de chaussures, de tissus et de télévisions, les importateurs
devaient se conformer à la note n°45 du 02 mars 2010, qui fixait les
mercuriales désormais exigées par la DGD. Selon ces mercuriales, les DD pour
cette catégorie d’importation sont de 12 millions de FCFA pour les containers
de 20 pieds et 23 millions de FCFA pour ceux de 40 pieds. Cette issue, prise
par les collaborateurs de la DG des douanes, n’a pas fait bouger les opérateurs
économiques. « Un container de 40 pieds, regroupent souvent 40 à
50 commerçants. Et, chacun peut avoir dans ce container des marchandises dont
la valeur n’est que de 50 000 FCFA. Alors, vous venez demander à une
personne de contribuer pour dédouaner à 23 millions les vêtements qui ne
l’ont même pas coûtés la moitié du dédouanement ? Ceci, sans compter les
frais de transport après dédouanement, et les monnayages que vous allez verser
à certains services du port pour que votre marchandise puisse sortir. Il
faut revoir cette situation, car c’est impossible pour nous de suivre cette
mercuriale », tranche Vincent de Paul Loumoungo, commerçant au marché
Central de Douala. L’on a même appris que plusieurs commerçants de ce marché,
sont impliqués dans ce mouvement de boycotte de dédouanement.
Dans le rapport
d’enquête menée par le ministère des Finances (Minfi) sur la situation
des conteneurs en provenance de la Chine, le Minfi confirme que les containers
abandonnés par les importateurs, sont nés d’ « une incompréhension
de certains propriétaires desdits containeurs fondée sur l’imprévisibilité du
traitement douanier réservé à leurs opérations, lesquels auraient décidé de
marquer un temps d’observation de la note n°112/Minfi/DGD du 02 mai 2014 » ,
lit-on dans les conclusions de l’enquête. Elle avait été menée à la DGD et au
port de Douala du 25 au 27 juin et du 1er au 02 juillet 2014,
soit quelques mois après l’interpellation du Minfi sur la question. Dans les
conclusions de l’enquête du Minfi, l’on apprend que pratiquement un mois après
la publication de la note de service de la DGD, ce sont 988 containers en
attente de dédouanement, qui séjourneraient au port. Cette situation au moment
du passage de la mission avait porté le taux de congestion du terminal à
conteneurs de 140%.
Aujourd’hui,
les importateurs sont fermes dans leur opposition. Pour eux, « si
la direction des douanes ne revient pas sur sa décision de réévaluation des DD,
les marchandises continueront à séjourner au port », tranchent
plusieurs d’entre eux rencontrés. Un positionnement qui est soutenu par les
CAD. Ces derniers, soulignent que la réduction de la congestion actuelle
du port, passera par l’annulation de la note de service n°112. En outre,
d’après les recommandations de la mission d’investigations du Minfi, la DGD
devait « envisager le réexamen, au cas par cas des circonstances
et des conditions ayant entouré la suspension de certains CAD concernés entre
autres par le dédouanement des marchandises en provenance de la
Chine ». L’on a appris que certains de ces CAD, avaient pourtant
reçu des mains de la DGD des distinctions. Aujourd’hui, avec leur
suspension « on se demande bien quel a été le bien fondé de ces
distinctions et elles devraient être annulées si on veut rester dans la logique
de la Dg des douanes, qui estime qu’on n’a pas bien fait notre travail quatre
ans plus tard », s’indigne un des CAD suspendus. A la Direction
générale des douanes, à Yaoundé, l’on apprend que la situation de blocage
orchestrée par les importateurs mécontents aura « inévitablement » un
coût sur les recettes budgétaires attendues pour l’année 2014. La douane à 1952
milliards de recettes fiscales à mobiliser pour le compte de cette année.
Christelle
Kouétcha
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