27 mai 2014

Guy Blaise Satsa: « L’Etat du Cameroun ferait mieux de se pencher sur ce secteur très productif »

Le directeur général de l’entreprise semencière Semagri SARL analyse le secteur de la production et de la transformation de la tomate au Cameroun.

Est-ce que la production de la tomate au Cameroun est suffisante aujourd’hui pour penser à sa transformation ?
Guy Blaise Satsa

Il y a 10 ans, on pouvait affirmer sans ambages que la production de la tomate au Cameroun ne satisfaisait pas la demande. Mais, depuis pratiquement 5 ans, ce n’est plus le cas. Nous avons introduit de nouvelles variétés et nous faisons un gros travail pour faire accepter ces variétés par les producteurs. Si nous parlons aujourd’hui de l’amélioration des rendements de la productivité agricole, ceci passe essentiellement par l’utilisation des semences améliorées à très haut rendement. Il y a quatre ans, cela était très difficile, car il y avait des saisons de tomates et des saisons sans tomate. Mais, depuis que nous avons introduit cette terminologie ; on peut aisément en saison de pluie produire, et avoir la présence des tomates et dans chaque région. Car, ce sont de plus en plus des variétés adaptées aux conditions agro écologiques spécifiques de chaque région. Seulement, les pays voisins s’approvisionnent sur les marchés camerounais ; ce qui fait que la production qui est faite à l’intérieur du Cameroun, étant destinée à plusieurs marchés, ne permette pas de satisfaire la demande. Mais, si la production n’était écoulée qu’au Cameroun, elle serait même excédentaire.

Qu’est ce qu’il faut donc faire ?

Prenons le cas de transformateur qui n’attend que des producteurs. Ces derniers produisent et les prix varient en fonction de l’abondance et de la pénurie sur le marché. Le producteur, même étant sous contrat avec les usines de transformation, est tenté de transférer sa production vers le marché, au lieu de le remettre à l’usine de transformation où il y a un prix fixe. Ce qui est plus intéressant pour le transformateur, c’est d’avoir sa propre unité de production de tomates pour assurer les périodes où on ne peut pas compter sur la production paysanne. Mais, si l’on veut que ce processus marche, les pouvoirs publics pourraient aussi penser à des stratégies ou politique pour mettre un frein à l’importation des pâtes de tomates. Il faudrait bien que ceux qui font dans l’agroalimentaire et qui importent les pâtes de l’extérieur soient limités, afin de permettre à la transformation locale de la tomate de s’épanouir.

Avant la fermeture de la SCAN, la SNI insistait sur la mise en place des tomates Rio pour relancer la structure, selon vous était-ce une variété efficace ?

La tomate Rio est une tomate justement destinée à la transformation. Mais, c’est une tomate à pollinisation ouverte. En d’autres termes, c’est une sélection qui se fait dans la nature, sur laquelle on prélève les semences et puis on sélectionne les plants les plus vigoureux pour obtenir des graines que l’on remet dans les champs pour produire. Elles sont largement dépassées par rapport à la technologie de l’heure. Car, les rendements de ces tomates se situent entre 20, 25 et 35 tonnes à l’hectare. Hors, vous comprenez que c’est bien loin des réalités actuelles, où la production avec les nouvelles variétés est estimée entre 100 et 130 tonnes à l’hectare. Par conséquent, il est fortement déconseillé, si on veut réussir un projet de transformation de tomates de passer par des variétés si classiques qui, pour moi, sont des variétés dépassées. Le taux de matières sèches est situé autour de 5 à 5,6%. Pourtant, il y a 15 à 20 ans, quand nous parlions de taux de matières sèches qui est situé entre 5 et 6%, c’étaient des variétés super pour la transformation. Aujourd’hui c’est dépassé, car nous atteignons déjà des variétés avec des taux de matières sèches de 8%. Ces variétés peuvent être conservées après récolte  pendant un à deux mois, sans trace de pourriture.

Qu’est-ce que ça vous fait de savoir qu’aujourd’hui, il n’existe pas de programmes maraîchers, notamment de tomates.

Je pense pour ma part que notre gouvernement ferait mieux de se pencher sur ce secteur très productif et plus rentable. J’ai longtemps entendu parler du cacao, du café, de la banane,  des tubercules, des céréales… J’ai entendu vanter les prouesses de rendement de ces produits qui sont de 15 à 25 tonnes. Mais, je pense qu’il est plus important de parler et d’encourager la filière des espèces maraîchères comme  celle de la tomate ; car non seulement elles sont riches en vitamine, mais ce sont des cultures à cycle court. On peut déjà commencer à gagner sa vie et à se nourrir à 20 jours après avoir semé. Pour les la tomate, à partir de 55 et 60 jours, on récolte. Ainsi, entre conseiller les agriculteurs d’attendre deux ans pour voir une fève de cacao pousser dans leur champs pour avoir un kilo de cacao, et lui dire de produire de la tomate qui, en deux mois, lui permet d’avoir en moyenne 150 tonnes, le choix est vite fait. Il est plus riche que le cacaoculteur qui doit attendre 4 ans. En même temps, il peut vendre sa tomate et la consommer pour s’occuper de sa famille, pour ensuite s’occuper aussi de sa cacaoculture ou sa caféiculture. C’est difficile de concevoir que pour avoir 25 tonnes de cacao, on passe 2 ans. Pourtant on peut dire au même producteur de cacao qu’il peut avoir 100 tonnes de tomates en 60 jours et prélever sur les revenus de sa production maraîchère pour pouvoir entretenir sa cacaoculture.

Propos recueillis par Christelle Kouétcha


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