Le
directeur général de l’entreprise semencière Semagri SARL analyse le secteur de
la production et de la transformation de la tomate au Cameroun.
Est-ce que la production de la tomate au
Cameroun est suffisante aujourd’hui pour penser à sa transformation ?
Guy Blaise Satsa |
Il y a 10 ans, on pouvait affirmer sans
ambages que la production de la tomate au Cameroun ne satisfaisait pas la
demande. Mais, depuis pratiquement 5 ans, ce n’est plus le cas. Nous avons
introduit de nouvelles variétés et nous faisons un gros travail pour faire
accepter ces variétés par les producteurs. Si nous parlons aujourd’hui de
l’amélioration des rendements de la productivité agricole, ceci passe
essentiellement par l’utilisation des semences améliorées à très haut
rendement. Il y a quatre ans, cela était très difficile, car il y avait des
saisons de tomates et des saisons sans tomate. Mais, depuis que nous avons
introduit cette terminologie ; on peut aisément en saison de pluie
produire, et avoir la présence des tomates et dans chaque région. Car, ce sont
de plus en plus des variétés adaptées aux conditions agro écologiques
spécifiques de chaque région. Seulement, les pays voisins s’approvisionnent sur
les marchés camerounais ; ce qui fait que la production qui est faite à
l’intérieur du Cameroun, étant destinée à plusieurs marchés, ne permette pas de
satisfaire la demande. Mais, si la production n’était écoulée qu’au Cameroun,
elle serait même excédentaire.
Qu’est ce qu’il faut donc faire ?
Prenons le cas de transformateur qui
n’attend que des producteurs. Ces derniers produisent et les prix varient en
fonction de l’abondance et de la pénurie sur le marché. Le producteur, même
étant sous contrat avec les usines de transformation, est tenté de transférer
sa production vers le marché, au lieu de le remettre à l’usine de
transformation où il y a un prix fixe. Ce qui est plus intéressant pour le
transformateur, c’est d’avoir sa propre unité de production de tomates pour
assurer les périodes où on ne peut pas compter sur la production paysanne.
Mais, si l’on veut que ce processus marche, les pouvoirs publics pourraient
aussi penser à des stratégies ou politique pour mettre un frein à l’importation
des pâtes de tomates. Il faudrait bien que ceux qui font dans l’agroalimentaire
et qui importent les pâtes de l’extérieur soient limités, afin de permettre à
la transformation locale de la tomate de s’épanouir.
Avant la fermeture de la SCAN, la SNI
insistait sur la mise en place des tomates Rio pour relancer la structure,
selon vous était-ce une variété efficace ?
La tomate Rio est une tomate justement
destinée à la transformation. Mais, c’est une tomate à pollinisation ouverte.
En d’autres termes, c’est une sélection qui se fait dans la nature, sur
laquelle on prélève les semences et puis on sélectionne les plants les plus
vigoureux pour obtenir des graines que l’on remet dans les champs pour
produire. Elles sont largement dépassées par rapport à la technologie de
l’heure. Car, les rendements de ces tomates se situent entre 20, 25 et 35
tonnes à l’hectare. Hors, vous comprenez que c’est bien loin des réalités
actuelles, où la production avec les nouvelles variétés est estimée entre 100
et 130 tonnes à l’hectare. Par conséquent, il est fortement déconseillé, si on
veut réussir un projet de transformation de tomates de passer par des variétés
si classiques qui, pour moi, sont des variétés dépassées. Le taux de matières
sèches est situé autour de 5 à 5,6%. Pourtant, il y a 15 à 20 ans, quand nous
parlions de taux de matières sèches qui est situé entre 5 et 6%, c’étaient des
variétés super pour la transformation. Aujourd’hui c’est dépassé, car nous
atteignons déjà des variétés avec des taux de matières sèches de 8%. Ces
variétés peuvent être conservées après récolte pendant un à deux mois,
sans trace de pourriture.
Qu’est-ce que ça vous fait de savoir
qu’aujourd’hui, il n’existe pas de programmes maraîchers, notamment de tomates.
Je pense pour ma part que notre
gouvernement ferait mieux de se pencher sur ce secteur très productif et plus
rentable. J’ai longtemps entendu parler du cacao, du café, de la banane,
des tubercules, des céréales… J’ai entendu vanter les prouesses de rendement de
ces produits qui sont de 15 à 25 tonnes. Mais, je pense qu’il est plus
important de parler et d’encourager la filière des espèces maraîchères comme
celle de la tomate ; car non seulement elles sont riches en
vitamine, mais ce sont des cultures à cycle court. On peut déjà commencer à
gagner sa vie et à se nourrir à 20 jours après avoir semé. Pour les la tomate,
à partir de 55 et 60 jours, on récolte. Ainsi, entre conseiller les
agriculteurs d’attendre deux ans pour voir une fève de cacao pousser dans leur
champs pour avoir un kilo de cacao, et lui dire de produire de la tomate qui,
en deux mois, lui permet d’avoir en moyenne 150 tonnes, le choix est vite fait.
Il est plus riche que le cacaoculteur qui doit attendre 4 ans. En même temps,
il peut vendre sa tomate et la consommer pour s’occuper de sa famille, pour
ensuite s’occuper aussi de sa cacaoculture ou sa caféiculture. C’est difficile
de concevoir que pour avoir 25 tonnes de cacao, on passe 2 ans. Pourtant on
peut dire au même producteur de cacao qu’il peut avoir 100 tonnes de tomates en
60 jours et prélever sur les revenus de sa production maraîchère pour pouvoir
entretenir sa cacaoculture.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha
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