9 avr. 2014

Redevance forestière: Une taxe mal distribuée

Les populations des villages de la région de l’Est accusent leurs dirigeants de détournements

« L’exploitation forestière a plutôt appauvri la population locale dans la région de l’est », déclare Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement (CED), ONG qui milite pour la protection de l’environnement. Cette ONG travaille depuis plus de 20 ans sur l’exploitation forestière au Cameroun. En effet, dans l’écrasante majorité des communautés villageoises qui ont connu l’exploitation forestière, la redevance forestière annuelle (RFA) n’est pas redistribuée aux riverains. La RFA est l’un des multiples impôts que les exploitants forestiers payent. La loi accorde 10 % de cette redevance aux communautés riveraines, 50% à l’Etat et 40% à la commune du lieu où la forêt est située.

Dans la ville de Yokadouma qui compte 15 UFA (unité forestière aménagée), les ressortissants d’une dizaine de villages confient qu’ils n’ont jamais reçu leur part de cette RFA. Les œuvres sociales qui sont censées être réalisées avec la contribution des villageois n’ont jamais vu le jour. Des responsables de la commune, sans consulter le village comme l’indique la loi, ont construit des ouvrages « inutiles » dans les villages, en l’occurrence des hangars qui, en plus, ne sont pas toujours achevés.

Au village Parny par exemple, l’ex-maire Abomo Moampamb Paulin a érigé un vieux hangar là où le village avait demandé une école et un dispensaire. Ledit hangar, construit en matériaux provisoires, n’a jamais été achevé depuis près de 10 ans. À en croire Félix Douokassamb, chef de Parny, la mairie leur avait dit que le hangar avait coûté 8 millions de Fcfa. Pendant ce temps, le village est dépourvu d’école et les enfants doivent marcher sur près de 5 Km pour se rendre à l’école publique de Mendoungué. Le constat est pareil au village Song Nouveau, où un vieux hangar a été construit à la place de l’école sollicitée par les riverains. Ce hangar, inachevé lui aussi, aurait coûté plus de 10 millions de FCFA selon les responsables de la mairie lors de l’inauguration. Il est aujourd’hui transformé en salle de classe, tout comme les maisons de personnes décédées, qui accueillent les enfants qui sont de plus en plus nombreux.

 Secrétaire général de l’APE (Association des parents d’élèves) à l’école publique de Mendoungué, Hippolyte Doum, confie que la mairie avait promis de réfectionner l’école. Le coût de la réfection avait été estimé à 3 millions de Fcfa. Plus de cinq ans après, seuls un table-banc et une feuille de tôle ont été remis à l’établissement. Dans d’autres villages, la mairie a engagé la réfection de puits. Les villageois confient qu’en moyenne, quatre sacs de ciment ont été utilisés par la mairie qui a évalué le coût des travaux à 4 millions de Fcfa, selon les élites du village.

En 2007,  l’ex maire de Yokadouma,  Abomo Moampamb Paulin avait été arrêté dans le cadre de l’opération Epervier pour  détournement de derniers publics, notamment de la RFA. Léon Nkantchou, nouveau maire installé depuis près de quatre ans, n’a pas encore engagé de réalisations. Pourtant « l’Etat reverse normalement ce qui doit revenir aux riverains. Mais depuis l’année 2006 que le nouvel exécutif a été installé, on ne sait pas comment l’argent est géré », indique Didier Empihp Abelang, chef de cellule de foresterie et de développement communautaire à la commune de Yokadouma. Il confie par ailleurs que des dénonciations et des requêtes ont été faites à l’encontre du nouvel exécutif. Sans suite.

Dans les autres villages comme Dimako et Eboumetoum, il n’y a pas l’ombre d’une œuvre réalisée grâce à la RFA. Directeur de la société d’exploitation forestière Pallisco, Michel Rougeron a confié que sa société a toujours payé son impôt de RFApendant ses années d’exploitation à Eboumetoum. « Le problème de la redistribution ne vient pas des compagnies d’exploitation forestière. La plupart d’entre elles paient leurs taxes. Mais c’est l’Etat et la commune qui n’assurent pas leur part de contrat », fait remarque Samuel Nguiffo du CED.

À Dimako, les populations rapportent que le maire de la commune organise des soirées festives toutes les fins d’année « pour voiler la face des riverains. » « Le maire est venu ici nous donner du maquereau et changer le manche de notre forage qui a été offert par l’ONG Plan Cameroun. A part cela, rien depuis plus de 50 ansIls nous ont dit qu’ils ont dépensé plus d’un million pour remplacer le manche du forage », affirme Georgette Olinga, ex-conseiller municipal à la mairie de Dimako.

Il n’a pas été possible de rencontrer les différents maires de différentes communes pour comprendre la situation. Car un communiqué signé du préfet du département mettait ces responsables sur leur garde contre une équipe de reporters et d’ONG qui devaient réaliser des reportages dans la localité.


Christelle Kouétcha

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