4 avr. 2014

Patrice Kamkuimo: « Les autres administrations ne s’impliquent pas assez dans la mise en œuvre de l’APV-Flegt »

Le Chargé de Programme Gouvernance Forestière au Centre pour l'environnement et le Développement (CED)  analyse la mise en œuvre de cet accord au Cameroun. 

Patrice Kamkuimo
Depuis quelques années, le gouvernement s’est engagé dans la mise en œuvre de l’APV–Flegt, pouvez-vous nous préciser à quel niveau se trouve le processus de mise en œuvre de cet accord ? 
Le Cameroun ne fait pas l'exception de la plupart des pays forestiers engagés dans le processus APV où des retards significatifs sont observés lors de la phase de mise en œuvre effective  de l'accord. En effet, bien que de nombreux processus aient été engagés ou finalisés pour certains, il demeure que les outils techniques opérationnels pour la délivrance des autorisations d'exportation Flegt ne sont pas toujours prêts : il s'agit notamment du système national de traçabilité des bois. De plus, d'autres réformes/processus de grande importance sont également encore en cours avec des défis  (réforme forestière, mise à disposition publique des informations tel que  prévue à l'annexe VII de l'accord, processus de délivrance des certificats de légalité, etc.)
Comment appréciez-vous le processus de mise en œuvre de cet accord au Cameroun ?
Il est clair que parvenu à la phase de mise en œuvre, il y a eu une sorte de ralentissement ou relâche. On ne saurait être fier du retard actuel accusé par le Cameroun bien qu'il faille tout de même reconnaître que de nombreux processus sont en cours.
Qu’est ce qu’il faudrait mettre en place pour que l’APV-Flegt soit vraiment réalisé avec succès ? 
Il faut une forte volonté politique. La signature et la ratification de l'APV par le gouvernement camerounais marque la volonté de l'Etat à s'engager dans la gestion légale et durable de ces forêts. Mais, cette volonté semble s'affaiblir au niveau de la mise en œuvre effective et efficace des exigences dudit accord. En plus, il faut que le gouvernement soit vraiment à la quête de la gouvernance proprement dite. C’est-à-dire qu’il faut de la transparence, la participation, la coordination, l’application du cadre juridique, l’amélioration du cadre juridique existant, la prise en compte des droits des communautés locales et autochtones, etc. Il faut aussi, la recherche véritable de l'efficacité dans la réalisation des activités prévues par l'accord.
Quels sont les moyens à mettre en place pour que l’APV Flegt soit mis en place notamment en termes de logiciel, de personnel ?  
Le besoin le plus important est le renforcement des capacités des agents de l'administration impliqués dans le suivi de l'exploitation forestière et/ou la gestion des revenus qui en sont tirés. Et surtout, les agents du MINFOF exerçant au niveau local, devraient être effectivement impliqués ainsi que les agents des autres administrations concernées (Minfi, Minadt, Minepded, Mincommerce, Minjustice, etc.). Puisque,  l'APV reste pour l'instant fortement perçu comme de la responsabilité exclusive du Minfof alors que d'autres administrations sectorielles sont également impliquées dans la chaîne du suivi de la gestion des forêts et des revenus. Les conséquences immédiates de cette non implication sont entre le blocage ou l'inharmonie dans l'exécution de certaines actions interdépendantes  (par exemple au niveau des contentieux forestiers, de la chaîne de suivi de légalité du bois en voie de commercialisation, etc.),  et la non systématisation et faible cohérence dans les actions de suivi/contrôle de différentes administrations... 
Aujourd’hui on est engagé dans la mise en œuvre de l’APV Flegt, mais la loi sur la forêt  de 1994 n’a toujours pas été révisée, n’est-ce pas un obstacle pour sa mise en œuvre ?
Le statut actuel  de non finalisation du processus de révision de la loi forestière n'est pas fondamentalement un problème majeur, c'est plus la qualité de la nouvelle loi qui est le plus important. La société civile a porté de nombreuses critiques sur le draft de texte actuel de la nouvelle loi, il est encore préférable d'ajuster et de corriger (même si ça prend encore un peu de temps),  au lieu d'adopter dans l'empressement une loi forestière qui n'est pas fondamentalement différente de celle de 1994 qui est tant décriée.
Pensez-vous que les acteurs de ce secteur sont suffisamment sensibilisés ? 
Beaucoup d'efforts et d'initiatives de sensibilisation sont faites (Etat, Société civile, secteur privé, partenaires, etc.), mais ne réussissent pas encore à toucher un plus large spectre des parties prenantes. Le renforcement de la sensibilisation reste nécessaire.
Les exploitants des forêts communautaires estiment que les exigences de l’APV Flegt constituent pour eux une charge supplémentaire…   
Pour les forêts communautaires en principe,  la réforme du cadre juridique vise à prendre en compte les aspects sociaux y compris la révision des goulots d'étranglement des forêts communautaires. C'est plus un problème au niveau des textes qui devraient être adaptés, et avec la mise en application des réglementations qui est le point central même de l'APV-Flegt, il y aura donc espoir pour une foresterie communautaire qui sert véritablement le développement local. Ainsi, si les textes sont révisés en corrigeant les difficultés actuels, et si le cadre juridique révisé/amélioré est appliqué, il est clair que les avancées pourront être notées dans la foresterie communautaire.
Y a –t-il eu des  améliorations dans l’exploitation forestière au Cameroun depuis le début de la mise en œuvre du processus Flegt ? 
Il est encore trop tôt pour apprécier l'impact de l'APV d'abord parce que sa mise en œuvre n'est pas réellement effective et aussi parce qu'elle n'est qu'à ses débuts.
Quel danger le Cameroun court-il si le processus APV Flegt ne connaissait pas un succès ?
Le danger est la perte du marché européen, et la détérioration de l'image du Cameroun en matière de gestion durable des forêts.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha

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