28 avr. 2015

Fragman Alain Ouattara : « Les assureurs doivent comprendre que l’assurance c’est pour les sinistrés »




Le commissaire contrôleur en chef des assurances à la Conférence interafricaine des marchés d’assurance analyse le processus de mise en place de la micro-assurance dans la zone CIMA.


Quel est niveau d’implantation de la micro-assurance dans la zone CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurances) ? 

Il n’y a pas mal d’entité qui ont fait et qui continue de faire de la micro-assurance de façon relativement informelle dans la zone CIMA. Les produits de micro-assurance les plus développé actuellement, sont liés à la couverture de prêts dans le cadre des structures de micro-finance. Les produits de  la micro-assurance les plus vendus pour l’instant ce sont des produits des prêts. Ils permettent de couvrir le remboursement des prêts de l’emprunteur avant l’échéancier du prêt. Ces produits sont quasiment pratiqués dans les pays de la zone CIMA, où l’on retrouve les structures de micro-finance. Il y a également des programmes de développement de micro-assurance agricole, pour les paysans, les agriculteurs. Il y a des sociétés d’assurance agricole qui ont été mise en place au Sénégal, au Bénin. Dans ces pays, y compris le Burkina Faso et le Mali, il y a une réflexion qui a abouti à la mise en place de police d’assurances indicielles pour couvrir les risques.

Des responsables des compagnies d’assurances, estiment que demander un capital social de 500  millions de FCFA pour obtenir un agrément pour la micro-assurance, et n’avoir qu’une solvabilité de 150%, est une manière de les pousser à faire de la philanthropie ? 

Créer une compagnie de micro-assurance c’est du capitalisme et non de la philanthropie C’est certainement une mauvaise compréhension des assureurs. L’idée avec la micro-assurance ce n’est pas d’avoir un gros bénéfice sur la tête d’une seule personne et tout de suite. C’est une assurance de masse, qui consiste à gagner petit à petit sur une masse de personne. Il s’agit d’un effet volume. Il est question de baisser les prix, en augmentant le volume pour avoir finalement les mêmes résultats pour les assurances classiques. Ce modèle de  la micro-assurance n’est pas incompatible avec le capitalisme. Le modèle est déjà appliqué dans les autres pays, et peut être bien copié dans la zone CIMA. La micro-assurance exige un autre modèle d’approche. Les compagnies de micro-assurance doivent prendre du temps de gagner petit à petit pour rentabiliser les dépenses.

L’un des reproches que l’on fait aux compagnies d’assurances dans la zone CIMA est qu’ils ne règlent pas à temps les sinistres, aujourd’hui avec la micro-assurance qu’est ce que la CIMA prévoit  de faire pour sécuriser les micro-assurés ? 

Il y a quelques mauvais acteurs sur le marché de l’assurance, qui ne permettent pas aux assureurs d’avoir une bonne réputation au sein du public. Cette mauvaise réputation, ne milite pas pour que d’autres personnes souscrivent à des contrats d’assurance. Ainsi, lorsque les assureurs auront résolu ce problème d’image de marque de leur profession, cela fera avancer de façon significative la mise en place de la micro-assurance en zone CIMA. Toutefois, la CIMA  fait son travail de contrôle et va continuer dans le cadre de la micro-assurance. Mais, il faut reconnaître qu’en termes de moyens humains, financiers et techniques, la CIMA est relativement limitée. 
"Nous avons plus de 160 compagnies d’assurances sur le marché et une douzaine de commissaires contrôleurs. Une situation qui est relativement disproportionnée.  D’ailleurs, une réflexion stratégique est faite depuis peu au sein du secrétariat général  de la CIMA pour la doter en personnel et  outiller l’effectif afin qu’il soit en phase avec la charge de travail à faire. N’empêche, il faut que les assureurs comprennent que l’assurance c’est pour les sinistrés. C’est pourquoi, avant d’octroyer des agréments nous allons nous assurer que l’assureur prouve qu’il doit respecter ses engagements envers les sinistrés. D’ailleurs dans le cadre de la réglementation de la micro-assurance en zone CIMA, le régulateur a par exemple fixer le délai de règlement des indemnités dues aux assurés à 10 jours".

Les assurés estiment également que les compagnies d’assurances offrent des produits similaires, aujourd’hui avec la micro-assurance que devraient-elles faire pour vraiment se positionner et corriger cette image ?

Effectivement, l’un des problèmes dans le secteur de l’assurance en zone CIMA est effectivement l’innovation. Tant qu’il n’aura pas d’innovation pour proposer au public des produits correspondant réellement à leur besoin, on va  avoir du mal à développer la micro-assurance. Il appartient aux assureurs d’avoir de la créativité. Ils doivent pouvoir faire des études de marché pour détecter réellement les besoins. Et, avoir des techniciens, capables de modéliser les risques et proposer des produits qui correspondent aux besoins des assurés cibles.

La CIMA a élaboré une réglementation pour la micro-assurance en zone CIMA, mais les professionnels de ce secteur y relèvent encore des réserves…
 
Quand on a adopté la réglementation, la CIMA était consciente du fait que cette réglementation est un premier pas et  qu’il y a des axes d’amélioration. Il y a des études en cours, qui vont nous permettre d’améliorer de façon significative la réglementation en cours. Mais, le cadre réglementaire permet déjà de commencer à travailler si on a la bonne volonté. Une réglementation n’est jamais définitive.
 
Propos recueillis par Christelle Kouétcha 

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