9 avr. 2014

Les exploitants forestiers ruinent la forêt

Destruction des essences et changements climatiques sont autant de problèmes auxquels font face les autochtones après le passage des exploitants forestiers.

Branle-bas au campement de Pygmées Baka à Yokadouma. Dans un « mangouma » (c’est ainsi qu’on appelle les maisons typiques des pygmées), une femme couchée sur un pagne se tord de douleur. Bibiane, la dame en question est éplorée et a le regard fuyant. De son front dégouline de la sueur. Ses paires assis près d’elle, ne cessent de lui faire avaler de l’eau. Depuis près de deux semaines, Bibiane a des problèmes pour allaiter son nourrisson : le lait de ses mamelles a de la peine à couler. La jeune maman n’arrive pas à supporter la douleur. Les guérisseurs assis auprès d’elle n’arrivent pas à trouver de solution. Ils indiquent que le sapeli, l’arbre dont ils utilisaient des parties pour soigner ce type de mal, n’existe plus dans la forêt.

La Fipcam (Fabrique Camerounaise de Parquet), l’exploitant forestier qui y a passé près de 60 ans d’exploitation a coupé toutes ces plantes dans la forêt. Le sapeli n’est d’ailleurs pas le seul arbre concerné. En effet, plusieurs espèces d’arbres utiles pour les autochtones dans les zones forestières de l’Est Cameroun ont été détruites par les exploitations forestières.

Catastrophe

Près de deux ans après le départ de plusieurs de ces compagnies forestières, les villageois ont de la peine à se soigner et à se nourrir. Les plantes étant leurs principales ressources pour la cuisson et la santé. Dans les villages Baka de Dimako, c’est pratiquement la catastrophe. Au campement Mayos par exemple, la centaine des Baka qui y résident ont un seul souhait : « que les Ongs qui peuvent faire payer la SFID (Société Forestière et Industrielle de Doumé ndlr) le fassent ». Ici, l’exploitant forestier a été sans pitié pour les autochtones. Tous les arbres utiles pour l’alimentation et la santé, notamment le sapeli et le moabi, ont été coupés par l’exploitant.

Les moabis ont par exemple été tous terrassés par la SFID (Société Forestière et Industrielle de Doumé). C’est pourtant l’un des arbres précieux pour les Baka grâce à ses vertus ; ce produit est par exemple utilisé pour la cuisson, le traitement de certaines maladies,  Aujourd’hui, il n’en reste que deux dans les environs du village. L’un est situé à près de 2 km du campement. « Nous souffrons. Nous sommes obligés d’aller à des kilomètres d’ici pour acheter de l’huile pour la cuisine. Pourtant on en avait plein ici ». À en croire les villageois, pendant 60 ans d’exploitation de « leur » forêt, ils n’ont jamais perçu de RFA (Redevance forestière annuelle). L’espace vierge laissé par la SFID est devenu la forêt communautaire où les villageois plantent des tubercules pour la nutrition ; ou pour aller revendre afin de pouvoir s’acheter des médicaments ; car les forêts ont été vidées des plantes médicinales qui les aidaient.

Replanter les arbres

Le sapeli était utilisé pour le traitement des cancers, des céphalées, du paludisme ou pour aider les femmes enceintes… Certains exploitants forestiers, sans doute pour voiler les yeux des riverains, ont entrepris de replanter les arbres coupés. Dans la société Pallisco, une politique pour replanter les moabi qu’ils coupent a été instaurée. Malheureusement, ces arbres ne pourront avoir une taille raisonnable que d’ici 200 voire 300 ans, selon Richards Fousséni Feteke, responsable de la cellule d’inventaires et d’aménagements chez Pallisco ?
Dans d’autres villages, en plus de la forêt qui a été vidée  de ses essences, le sol n’est plus fertile du fait de son exploitation abusive. Du village Lontimi jusqu'à Dimako, depuis le passage de la SFID (60 ans d’exploitation) le climat a changé à Dimako. Les villageois expliquent que les produits qu’ils plantent ont des difficultés à pousser.«Quand la SFID a fini de nous exploiter, nous nous sommes retournés vers l’agriculture. Aujourd’hui, il fait exagérément chaud. Nos cultures ont de la peine à produire », raconte Yves Ndambala, ex-défourneur à la SFID. Il confie que depuis deux ans, il récolte à peine cinq sacs de maïs sur sa plantation qui lui produisait plus d’une trentaine de sacs autrefois. Aujourd’hui la SFID a regagné la forêt de Mbang dans la Kadey à 140 Km de Dimako. Les habitants de cette localité craignent déjà de subir le même sort que leur voisin.

Christelle Kouétcha





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