5 avr. 2013

La production du café en chute libre en Afrique centrale

Les pays membres de l’institution ont du mal à booster la filière et se heurtent à la concurrence du café importé.

Les exportations de café des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac), est en chute libre. En effet, selon les statistiques relevées par la Ceeac dans son document de stratégie d’intervention dans le secteur du café, depuis plus de 20 ans, la quantité de café produite annuellement dans la région Ceeac a diminué d’un niveau d’environ 4 à 5 millions de sacs, soit de 240 000 à 300 000 tonnes. Directeur des politiques macroéconomiques du commerce et de l’industrie à la Ceeac, Carlos Bonfim, indique qu’il y a 35 ans, les exportations se chiffraient à près de 8 millions de sacs de café. Mais aujourd’hui, l’exportation ne vaut qu’environ 60 000 à 90 000 tonnes (1 à 1,5 million de sacs) ; soit une chute de 80%.
Cette descente « aux enfers » du café de la sous-région, s’explique entre autres par le vieillissement des vergers et des planteurs, les problèmes d’accès aux intrants de qualité, l’absence d’un dispositif de financement approprié, la faiblesse et l’insuffisance des organisations de producteurs, une libéralisation mal maîtrisée du secteur dans les différents Etats, le manque de matériel végétal performant… Ces problèmes handicapent de plus en plus la production des pays de la Ceeac. D’après les statistiques relevées sur le site TradeMap, entre 2007 et 2009 par exemple, la production annuelle du café du Cameroun est passée de 47 256 tonnes à 30 335 tonnes. Dans les pays victimes de conflit comme le Congo Brazzaville, la production est passée de 8 787 tonnes à 5 041 tonnes. Chargé de l’agriculture et du développement rural à la Ceeac, Dr Joël Beassem, explique que les conflits dans les pays ont entraîné la destruction des vergers et particulièrement les recherches engagées pour la production du café.
Ces faibles productions « ne permettent pas aux pays de la Ceeac de s’imposer sur le marché mondial », soutient Dr Joël Beassem. En effet, LQE a appris que les pays africains producteurs de café ont fourni environ 12% de l’offre mondiale du café et moins de 11%  des exportations mondiales pour la saison 2009 - 2010. Pourtant, dans les années 70 l’Afrique comptait pour 30% des exportations mondiales. Toutefois, les perspectives du marché international du café semblent plutôt bonnes à moyen terme. Car, l’organisation internationale du café estime qu’avec un taux annuel de croissance d’environ 2%, la consommation mondiale de café va atteindre 170 millions de sacs en 2020. Ceci, par rapport au 132 millions de sacs consommés en 2010. Le monde aura donc besoin de 30 à 40 millions de sacs supplémentaires dans les dix ans à venir.
La demande est donc forte. Ainsi, « il sera question pour les Etats de la Ceeac de développer des stratégies pour augmenter leur contribution au marché mondial », indique Carlos Bonfim. Bien avant, il faudra encourager la consommation locale. A en croire les experts de la Ceeac, moins de 50% de la production locale de café est consommée localement. Les pays ont même encore du mal à commercialiser leur produit entre eux. Chef d’agence de la société Uccao (Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest) spécialisée dans la production du café au Cameroun, Béatrice Mewabo, explique que l’entreprise s’est toujours heurtée à des tracasseries douanières multiples au cours des ventes dans la zone Ceeac.
Le même problème est relevé par la société Tsongo Kasereka (Tsokas) du Congo Brazzaville. Kisumba Kambale, le directeur général de l’entreprise fait remarquer que les producteurs des pays de la Ceeac vendent « facilement » leurs produits vers les pays de l’Afrique de l’Ouest par exemple. « Il y a un réel problème d’intégration dans la sous-région. En plus, les structures de café des pays ne travaillent pas en synergie. Par conséquent, ils ne peuvent pas avoir des informations sur les différents types de café proposés sur le marché », observe Kisumba Kambale. Mais, le véritable problème est que « la consommation du café n’est pas encore entrée dans les mœurs de la population », indique le chargé de l’agriculture et du développement rural à la Ceeac. Il n’existe donc pas d’activités promotionnelles du café de la région.
En plus, apprend-on, le café localement produit est très fortement concurrencée par le café importé de l’Europe et de l’Afrique du Sud. « La chaîne de valeur du café n’est pas très structurée dans la région. La production n’est pas stable et variée comme celle des pays européen », relève Carlos Bonfim. Les producteurs de la Ceeac excellent plutôt dans la vente du café brut. Le café torréfié localement a encore du mal à être vendu sur le marché européen. Il se heurte entre autres à la labellisation exigée par le marché mondial. LQE a appris auprès de la Ceeac que dans certains pays d’exportation du café, il existe des impôts sur le café torréfié, ce qui décourage les activités de transformation dans les pays d’origine.
Le directeur général de la société Tsokas souligne par ailleurs que les torréfacteurs de la Ceeac ont encore du mal à avoir la constance dans la production, car les pratiques ne sont pas normalisées. Les torréfacteurs sont donc pour la plupart des entreprises artisanales, où le marché principal est un marché populaire à un prix très bas. D’après les acteurs du secteur, la tendance peut être relevée si les Etats créent de petites niches de transformation et y accordent des investissements conséquents. Les experts de la Ceeac révèlent d’ailleurs que les Etats de la région  accordent moins de 5% de leur budget à l’agriculture.

Christelle Kouétcha


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