Les 10% que percevaient autrefois les communautés
dans le cadre de la redistribution de la redevance forestière sont désormais
ajoutés à la quote-part des mairies. Cette décision contenue dans la loi des
finances 2015 appauvrit davantage les communautés et viole les principes de bonne gouvernance forestière.
Depuis le début de cette année 2015, les communautés des zones forestières
au Cameroun ne perçoivent plus les 10% de redevance forestière (RFA)
qu’elles bénéficiaient depuis plusieurs
années. En effet, dans la nouvelle loi des finances de 2015, le parlement
camerounais a décidé dans le cadre des répartitions de la RFA, d’octroyer la
gestion de leurs 10% aux mairies. Ainsi, les mairies au lieu de gérer les 40%
de la RFA comme par le passé en géreront 50%. Les 50% restants étant reversés
à l’Etat.

Les procédures
de gestion de la RFA sont donc désormais centralisées au niveau des mairies.
Pour les Organisations de la société civile (OSC) notamment Forêt et
développement rural (FODER) et le Centre pour l’environnement et le
développement (CED), l’une des conséquences de la nouvelle disposition de
la loi de finance relative à la répartition de la RFA, n’est nul autre que la
perte par les communautés de leur légitimité dans le droit de regard sur la
RFA. « Elles ne peuvent plus avoir des informations claires sur les
montants alloués aux actions de leur village. Les maires seuls vont gérer sans
la contribution des communautés qui pourtant maitrisent mieux ce qui leur faut
pour leur développement », explique Patrice Kamkuimo, Chargé de Programme Gouvernance Forestière au
Centre pour l’environnement et développement (CED). Il s’exprimait au cours
d’une conférence publique sur la transparence dans le secteur forestier, à
Yaoundé.

Program
Manager, Natural ressources and governance, au sein l’association Forêt et
développement rural (FODER), Rodrigue Ngonzo, estime d’ailleurs que cette
disposition de la loi des finances 2015, ne respecte pas le processus de mise
en œuvre de l’APV-Flegt. « La nouvelle législation des finances est
incohérente avec la politique forestière du Cameroun et prive les communautés
des avantages espérés avec l'APV-FLEGT. Pour l'Accord de partenariat
volontaire, une gouvernance améliorée de la gestion des forêts se traduirait
par une augmentation des recettes forestière de l'Etat, induisant des impacts
positifs sur le développement local. La nouvelle loi des finances agit en sens
inverse et cela est à déplorer », a-t-il souligné, au cours d’une
conférence publique organisée, par son association sur la transparence dans le
secteur forestier, au mois de mai dernier.
La situation
n’est donc pas favorable pour les communautés des zones forestières au
Cameroun. L’on apprend même auprès du vice-président du Comité de développement
de Mapoubi (Village situé dans la région du Littoral, arrondissement de Ngwei),
Luc Ndebe, qu’avec l’application de cette loi, certains maires n’ont pas remis
les 10% de RFA de l’année 2014 que devait percevoir les communautés. Lui, comme
les chefs des villages de Ndokok, de Lomié (situé respectivement dans la région
du Littoral et de l’Est Cameroun), restent encore dans l’attente de cette
dernière enveloppe.
Bien plus, au
sein des communautés, le retrait de la gestion des 10% de la RFA portera un
coup dur sur les activités d’observation indépendante externe (OIE) des forêts.
L’OIE menées par plusieurs Organisation de la société civile consiste à
collecter des données sur les activités forestières potentiellement illégales
et à les transmettre aux autorités compétentes dans le but d’améliorer
l’efficacité des opérations de contrôle forestier.

Dans une note
d’information de l’ONG FODER publiée sur sa page facebook, l’on apprend par
exemple qu’au cours d’une mission d’évaluation de l’APV-FLEGT, au village
Mapoubi dans la région du Littoral, Luc Ndebe, vice-président du Comité de
développement de Mapoubi (CODEMA), avait indiqué aux évaluateurs l’une
des contraintes à l’Observation indépendante Externe (OIE), n’est nulle autre
que la suppression par la loi de finance 2015, des 10% de la Redevance
Forestière Annuelle (RFA), que percevaient les communautés rurales. « Les
communautés observaient leur forêts parce qu’elles percevaient quelques choses
à travers la RFA. Aujourd’hui qu’on ne perçoit rien, vous voulez que cette
observation continue pour quelles raisons », a souligné le président
de CODEMA. Pour le Chef du village de Ndokok (situé dans la région du
Littoral), la suppression de cette RFA portera un coup dur sur l’observation,
car les observateurs indépendants formés dans les villages, ne voyant plus leur
intérêt « pourront plus se livrer à l’exploitation illégale et
même encourager », craint le Chef de Ndokok.

Au sein des Organisations de la société civile, la disposition n’a
également pas été bien accueillie. Par exemple, au sein de la Plateforme
forêt et communauté (CFP), et de la Coordination des activités d’observation
des forêts (RC-OIE), deux structures mise en place par les OSC pour consolider
leurs actions d’observation des forêts entre autres, des mesures sont annoncées.
L’on apprend par exemple au sein de la plateforme, qu’une étude pour démontrer
aux parlementaires l’importance des 10% de la RFA aux communautés est en
gestation. D’autres OSC membres de la RC-OIE, préparent également des notes de
position. « Nous souhaitons qu’à la prochaine séance pour la loi de
finance de 2016, des réserves soient faites sur cette disposition de la loi de
finance, qui porte un coup sur les microprojets des communautés qui se
retrouvent malheureusement sans fonds », souligne Henri Mevah,
coordonnateur de l’ONG PAPEL à Messamena, dans la région de l’Est.
Christelle Kouétcha