L’expert
financier analyse les stratégies d’endettement engagée par le Cameroun et donne
les pistes pour utiliser l’argent de la dette à bon escient.
Depuis quelques
semaines, des décrets du président de la République autorisant des endettements
se multiplient. L’un des plus récents est celui autorisant le gouvernement à
emprunter 750 milliards de FCFA sur les marchés internationaux en vue du
financement partiel du plan triennal de la Sonara et des projets de
développement. Selon vous, cet endettement est-il susceptible de transformer
notre économie et de créer des emplois ?
Si les
endettements réalisés par le Cameroun sont utilisés à bon escient, ils sont
susceptibles de créer de la croissance et de permettre que l’on rembourse
normalement. Mais, si ces endettements sont entachés de détournements comme
cela a été le cas pour plusieurs crédits, le pays s’expose à des situations
irréversibles. C’est pourquoi je crains que l’endettement devienne excessif et
que l’on revienne aux années avant l’ajustement structurel. Donc, le Cameroun à
des possibilités de faire des investissements, cela serait une bonne chose car
cela créera des emplois. Donc, si l’argent est utilisé à bon escient, il y a
aura la création de l’emploi.
Dans la loi de
finances 2015, l’on observe une certaine pression fiscale, notamment avec
l’augmentation de certaines taxes. Cette pression fiscale peut-elle être une
solution pour rembourser ces dettes ?
Un Etat ne peut
rembourser ces dettes que par le biais de ces recettes fiscales. En réalité
quand on fait la pression fiscale, c’est juste pour satisfaire les besoins
intérieurs et par la suite, le service de la dette. Cette pression semble être
forte, car une bonne partie de l’économie est dans l’informel. Par conséquent, le
peu qui est dans le formel ne peut que subir la pression fiscale. Mais, si on
avait fait l’effort de sortir les entreprises de l’informel, cette pression
serait moindre. Bref, le remboursement de la dette ne va être fait que par les
contribuables. Ils sont sujets et en même temps victimes. En réalité, quand le
Cameroun s’endette, il endette les générations futures. Celles-ci devront se
sevrer d’un certain nombre d’investissements pour payer toutes les dettes
contractées à l’époque qui les a précédées.
"le Cameroun s’endette, il endette les générations futures. Celles-ci devront se sevrer d’un certain nombre d’investissements pour payer toutes les dettes contractées à l’époque qui les a précédées"
Au regard de la
nouvelle ordonnance d’endettement instruite par le gouvernement, le Cameroun se
trouve en train de fusionner le plan d’urgence au budget, n’assistons- nous pas
à une cacophonie ?
Je constate
d’abord que le plan d’urgence, vient biaiser le document de stratégie pour la
croissance et l’emploi (DSCE). En réalité, on ne sait plus ce qui est
prioritaire. Quand il y a un plan d’urgence, cela veut dire que le Cameroun est
dans une situation d’urgence. C’est donc à se demander, si quand on
élaborait le DSCE on n’était pas dans l’urgence. Il y a vraiment un
embrouillamini dans toutes ces stratégies d’endettement et économiques prises
par le gouvernement. On ne comprend pas par où va passer cet argent qui sera
levé. Il faut que le gouvernement explique aux Camerounais ce qu’il va
concrètement réaliser, les projets qui seront réalisés. En plus, pour le plan
triennal de 900 milliards, les banques ont seulement donné leur mot. Ce
financement promis, n’est pas encore acquis. Il ne suffit pas d’un décret
présidentiel pour que les gens soient convaincus de la faisabilité de la chose
pour débloquer de l’argent. Encore que cela ne reste que des suppositions.
"Il y a vraiment un embrouillamini dans toutes ces stratégies d’endettement et économiques prises par le gouvernement. On ne comprend pas par où va passer cet argent qui sera levé. Il faut que le gouvernement explique aux Camerounais ce qu’il va concrètement réaliser, les projets qui seront réalisés"
Le Cameroun
lance depuis 2010 des emprunts obligataires, au regard du niveau de chômage,
pensez-vous que ces endettements ont amélioré l’emploi au Cameroun ?
Il existe
nettement un flou. Car, en réalité on lève de l’argent, mais au niveau de
l’emploi cela ne se manifeste pas. On se demande si finalement c’est du
blanchiment d’argent ? Puisque, au stade où nous en sommes, il n’y a aucun
indice qui prouve que ces emprunts obligataires ont permis de créer des
emplois. On est arrivé à un stade au Cameroun, où on crée de l’endettement à
tout va. Si on s’endette pour des projets viables, et dont l’intérêt se
manifeste dans la société, cela peut créer des emplois et susciter la
croissance. Et par ricochet, nous permettre de rembourser nos dettes.
Propos
recueillis Christelle Kouétcha
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