La
libéralisation offerte par le code du travail actuel, favorise de nombreux abus
à l’encontre des travailleurs au Cameroun. Une situation qui risque
perdurer si la réglementation en vigueur n’est pas relue.
« Travail
non satisfaisant », c’est avec ce motif que le patron d’Yves Azembe, 35
ans, avait décidé de résilier le contrat de travail qui les liait, cinq ans
après de valeureux services rendus à l’entreprise. « Jusqu’à ce jour je
suis sans voix. Je m’étais contenté de vider mon bureau que d’aller traîner
dans des tribunaux et passer des années à courir », déclare l’employé
déçu. Même si aujourd’hui, il a retrouvé un autre travail, Yves Azembe, est
convaincu qu’il n’est pas à l’abri du renvoi abusif, à l’image de plusieurs
autres travailleurs au Cameroun.
Licenciement abusif
En effet, dans les entreprises privées,
publiques et parapubliques, les employeurs usent de toutes les astuces pour
déroger aux droits des travailleurs. Recrutements arbitraires, licenciements
abusifs, rétentions de salaires, sont autant d’abus dont sont victimes les
employés au Cameroun. Annabelle Tchameni, est spécialiste en logistique et
transport. Ce sont les larmes aux yeux, qu’elle présente à tous ceux qui la
côtoient sa lettre de licenciement. Après trois ans de loyaux services dans une
industrie de la place, « le patron m’a servi ma lettre de licenciement
au motif qu’il n’avait plus besoin de mes services et que le poste que
j’occupais va être supprimé », raconte la jeune dame, qui
jusqu’aujourd’hui n’en revient pas.
Ce mode de
licenciement abusif est plutôt légion, d’après le président du Syndicat
national autonome des travailleurs des nouvelles technologies de l'information
et de la communication (Syntric). Corneille Kongou, souligne d’ailleurs que
l’un des motifs privés par les employeurs est « la perte de confiance ».
A l’en croire, ce type de raison est souvent avancée par les patrons après
moult harcèlement faite à l’employé d’intégrer un cercle exotérique, ou alors
de soumettre à des droits de cuisage.
Les pétits métiers font aussi les frais
Dans les
secteurs des petits métiers, notamment le gardiennage, le ménage, les patrons
utilisent et se débarrassent des ouvriers à leur bon gré. Ousmane Ouadrago, a
été gardien pour une entreprise de prestation de services. Il explique que pour
avoir demandé une permission, pour aller suivre ses soins, son patron l’a mis à
la porte. Dans certaines entreprises, poursuivre des études en travaillant,
constitue également des motifs pour les patrons de « chasser » leurs
employés. Hermine Taffo, diplômé en communication, elle raconte que son
employeur a mis fin à sa collaboration au motif « qu’il a appris que je
poursuivais mes études », indique-t-elle.
Crédit photo :
http://gabriel.lucas2.free.fr/
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Dans certaines
PME, les travailleurs le plus souvent sur la base des contrats verbaux, sont
fréquemment amenés à percevoir des salaires qui ne reflètent aucune catégorie.
Le salaire étant imposé par l’employeur. « Que vous ayez le doctorat ou
pas, quand un patron dit 100 000 FCFA c’est à prendre où à laisser. En
plus, tu te retrouves souvent à faire plus de 12 heures de travail par jour,
sans primes d’heures supplémentaires », raconte Bristol Tiako,
infographe qui cumule dans son lieu de service les postes de secrétaire et
coursier pour un salaire de 60 000 FCFA le mois.
Ce dernier, et plusieurs
autres personnes employées dans des PME, expliquent que leur « maigre »
salaire est souvent retenu par le patron en cas de perte ou de destruction d’un
équipement. « Vous voulez que l’on fasse quoi, il n’y a pas le travail
dehors », désespère Leonard Kingue, électricien.
Essais
interminables
La période
d’essai dans certaines entreprises est plutôt interminable. Il peut durer 2
voire cinq ans, et même toute la vie professionnelle de l’employé. Christian
Tchami, est diplômé en informatique industrie, il en a payé les frais en 2014,
dans une multinationale. « En 2013, on m’a pris pour un essai de 6
mois. Après, j’ai bénéficié d’un autre renouvellement. Mais, au
bout de la fin du second essai, je me suis vu servir une lettre pour essai non
concurrent », raconte-t-il. Ceci, non sans confier que
l’entreprise a refusé de lui remettre une attestation pour prouver son
passage au sein de l’entreprise.
Bien plus, il
faut relever que dans certaines sociétés, l’engagement en l’essai n’est pas
toujours matérialisé par une lettre écrite, mais reste verbale. Certains
travailleurs confient en outre avoir passé des mois d’essai dans les
entreprises, sans percevoir des indemnités comme prévus dans la loi du travail.
« Nous acceptons souvent comme ça, parce que l’on n’a pas le choix car
le travail est devenu rare. On essaye d’affronter la réalité des choses »,
déclare Alain Toko, électricien.
En effet, au Cameroun l’offre en emploi est
très inférieure à la demande de plus en plus forte. D’ailleurs, selon les
statistiques officielles, le taux de chômage au Cameroun est estimé à environ 13%,
tandis que le taux de sous-emplois, lui est plus criard : 70% selon le Document
de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE).
Crédit photo : Journalducameroun.com
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Agences de
placement
Ce type de cas est de plus en plus légion
dans des multinationales, apprend-on à la délégation régionale du ministère de
l’Emploi et de la formation professionnelle (Minefop). Ici, des
responsables disent connaître l’existence de cette pratique, « mais il
faut aussi voir le bon côté des choses, vous avez au moins un
emploi », lance un cadre de cette délégation.
Un
emploi certes, « mais, le travailleur pris dans ce piège ne peut que
rompre le contrat, car il n’est même pas fondé à aller vers l’inspecteur du
travail. Il n’a pas de contrat. C’est purement illégal. C’est une entorse
grave à la loi et même aux droits de l’employé », s’indigne Me
Tsafack. L'homme de loi explique que la loi prévoit qu’un employé mis à l’essai doit
obligatoirement être recruté comme un agent plein, si l’essai est concluant.
Crédit photo : www.communautebapa.org
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Salaires imposés
Les abus des
travailleurs sous l’aile des agences de placement, sont également perceptibles
sur les salaires. Les personnes recrutées par ces agences, révèlent qu’en
outre la plupart du temps, les salaires ne sont pas négociés. Ils sont fixés
« selon l’humeur de l’agence ; nous nous plions parce qu’il faut
que nous mangeons en attendant de trouver mieux », raconte Herman
Tayou, mécanicien.
A en croire, ce dernier et plusieurs autres, certaines
agences de placement imposent au travailleur de signer des contrats de travail,
sans une relecture préalable. Sinon, « vous êtes remplacés et sachez
qu’un autre viendra s’emprisonner à votre place », s’indigne Armand
Tioga, qui est payé 50 000 FCFA sur un travail qui effectue de lundi
à dimanche. « C’est comme un forfait que je perçois, et je suis payé à
la main. Aucun bulletin de paye ne m’est présenté à la fin du mois. Il y
a des mois que même mes heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées »,
révèle-t-il. Ceci, non sans confier que les agents recrutés dans son entreprise
par les agences de placement, doivent accomplir les mêmes tâches que les agents
recrutés directement par l’entreprise.
Crédit photo : www.fnecm.org
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Le piége de la libéralisation
En 2013, le
ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle, Zacharie Pérevet
avait suspendu des agences de placement au motif entre autres de «
défaut de contrat de mise à disposition des travailleurs comme le stipule le
code du travail ». Mais, cette suspension n’a pas mis un terme aux
abus subits par les travailleurs placés par ces agences. « Quand
on sait que l’Etat a tout libéralisé dans ce secteur, l’employé est toujours
perdant. Il faut relever qu’aujourd’hui, le contrat c’est du gré à gré. Ainsi,
quel que soit votre niveau d’étude les agences de recrutement vous donne un
salaire qui ne reflète même pas votre catégorie. En plus, il est même difficile
pour un recruté dans ces agences de porter plainte, car l’entente n’est pas
formalisée par un contrat en bonne et dû forme », souligne Nathalie
Bamen, spécialiste en gestion des ressources humaines.
90% des agences en marge de la loi
L’on apprend
auprès des employés de ces agences de placement, que les salaires, les frais
retenus sur les salaires constituent le gagne-pain de l’agence. Annette Mbong,
est employé dans une agence de placement. Elle indique que les frais sont
généralement un pourcentage du salaire annuel, allant de 10 à 20% pour la
plupart des emplois, parfois un peu moins pour les salaires élevés.
Ainsi, pour un travail qui est payé 100 000 FCFA à un agent permanent dans une
entreprise, un employé placé par les bureaux de recrutement peut sensiblement
percevoir un salaire qui oscille entre 80 000 FCFA et 50 000 FCFA.
A en croire,
les responsables du Minfop pour le Littoral, les offices de recrutement
devraient veiller à la sécurité sociale des employés. Mais, « ils sont
à 90% à marge de cette réglementation ». Une situation normale, selon
Me Boniface Mbiaga, qui relève que le secteur des agences de placement n’a pas
suffisamment été réglementé. « Nous avons importé quelque chose de
l’extérieur, sans en tirer les conséquences perpétrées dans ces pays et
apporter nos améliorations. Le droit est muet dans le domaine de la
sous-traitance du personnel. Du coup, au nom du libéralisme nous assistons à un
No man's land », indique l’avocat.
Procédures judiciaires très longues
Pour les
employés stoïques qui s’arment de courage pour traîner leur employeur vers les
tribunaux, l’issue des procès est « très longue et certains arrivent à
avoir gain de cause qu’au moment où ils sont décédés ou alors ils n’ont
plus de force pour jouir du fruit de leurs revendications», indique Me
Elvis Tayou, avocat du travail.
A la Confédération des syndicats autonomes du
Cameroun (CSAC), l’on apprend que ces contentieux entre employés et employeurs
peuvent s’étendre à plus de 10 ans aujourd’hui au Cameroun. Yolande Teme, est
ménagère, cela fait plus cinq ans aujourd’hui qu’elle a engagé un procès
auprès du Tribunal de grande instance de Mfoundi. Elle a traîné en
justice son patron grec, qui l’a mis à la porte sans un radis, « juste
parce que j’avais revendiqué le paiement de mes cinq mois d’arriérés de
salaire », raconte-elle.
Crédit photo : www.camer.be
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Cette durée
interminable pour trancher les contentieux entre les employés et les
employeurs, « est très souvent favorisé par les employeurs qui
refusent de payer les droits du travailleur même après le verdict des
tribunaux. Certains employés, arrivent même à la Cour suprême mais, l’employeur
refuse de respecter la décision de justice. Un égo, pour opprimer le plaignant
et même ses collègues encore en entreprise de ne pas s’y frotter à leur tout
puissant capitalisme », relève, Jean Marie Ndi, président du
CSAC.
Corruption
A la délégation régionale du ministère du Travail pour le Littoral à Douala,
des cadres rencontrés, reconnaissent sans aucun doute
que des entreprises se livrent à des opérations de corruption dans les
conflits qui leur oppose avec leurs employés. C’est pourquoi, il
faut assainir le secteur judiciaire. Cette
corruption est également, décriée dans les services des inspections du travail.
Ici, quelques inspecteurs approchés révèlent que des pots-de vin sont versés à
certains inspecteurs lors des conflits. Mais, « cela peut s’expliquer
par les conditions de travail dans lesquelles nous évoluons », indique
un inspecteur.
A l’en croire, les inspections de travail sont dépourvus de tout
moyen matériel et de transport pour se déployer, et les salaires ne sont pas
aussi alléchants. « Nous disposons de salaire minable comme ces
employés qui viennent souvent se plaindre. Et, les patrons d’entreprise le
savent et ils sont capables de proposer des millions à l’inspecteur pour
bloquer une affaire. Ce dernier, ne peut pas manquer d’accepter vu ses
conditions à lui aussi », révèle un inspecteur de travail.
Crédit photo : www.eloge.biz
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Dans les
organisations syndicales, l’on estime également que la non décentralisation des
inspections de travail décourage plusieurs travailleurs à soumettre leurs revendications.
« Dans une grande ville comme Douala par exemple, le seul point de
plainte du travailleur est Bonanjo. Comment voulez-vous, qu’une personne
licenciée et qui ne perçoit même pas ses droits puisse quitter tous les jours
les périphéries comme Bonabéri pour répondre aux convocations de
l’inspection ? Et, bien le premier jour il payera, mais après il va
manquer d’argent pour arriver surtout que son patron l’a mis à la porte sans
radis », analyse le président du Syntric.
Ce dernier, estime que les
inspections de travail doivent être ouvertes dans tous les arrondissements,
pour rapprocher l’administration du travail des employés. L’on apprend en outre
auprès de ce syndicat, que certains travailleurs plaignants, sont obligés de
payer le « carburant » des inspecteurs pour des inspections en
entreprise.
Toute de même,
une formation syndicale s’impose aux employés même si les syndicats sur place
on encore du mal à redonner confiance aux travailleurs que leurs droits peuvent être
revendiqués…
Christelle
Kouétcha
La problématique de l'emploi des jeunes est au Cameroun depuis les année 2002 au cœur des préoccupations du gouvernement Camerounais. De nombreuses initiatives ont vu le jour : Des campagnes de formation à entrepreneuriat à travers des salon de création d'entreprise dans les dix régions du pays, la création d'un ministère spécialisé, des campagnes de recrutement au seins des ministères, la promotion des initiatives à forte intensité de main d’œuvre, la mise en place dans de nombreux ministères de programmes de promotion de entrepreneuriat jeune( PAJER- U, PIASSI ...) . Ces initiatives ont sans doute crée des emplois pour des jeunes en panne de projet de vie, mais certainement pas des emplois comme ils le souhaitaient. Du fait que bon nombre de ces emplois demeurent dans la précarité et pour cause un code de travail qui n'évolue pas en fonction du développement de l'environnement social et économique du Cameroun. L'analyse du journaliste Christelle Kouétcha dans son billet de blog " Quant le code du code entretient la précarité " va dans ce sens . Et ma préoccupation de ce jour est de savoir, pourquoi les regroupements de jeunesse et des entreprises ne travaille pas à une proposition d'amélioration du code de travail au Cameroun?