Petroleum
engineer, il donne les raisons qui devaient conduire le Cameroun à baisser les
prix des carburants à la pompe.
Jacquard Mbapte |
Depuis
quelques mois, le cours international du baril de pétrole brut connaît une
baisse graduelle. Une baisse qui a déjà une incidence sur le prix du carburant
à la pompe dans certains pays. Qu’est ce qui explique qu’au Cameroun l’on n’a
pas encore procédé à la diminution des prix comme dans ces pays ?
Au Cameroun
le prix du carburant à la pompe est
un sujet très sensible, surtout sur le plan politique. Le gouvernement est
réticent à arrimer le prix à la pompe au prix du brut sur le marché
international. Cependant, si le gouvernement maintient les prix à la pompe,
c’est le budget public qui en profitera par un accroissement des recettes fiscales
mais surtout la Sonara et la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP)
qui verront leurs marges bénéficiaires augmenter d’environ 50%.
Ceci dit, on
se retrouve plutôt dans une situation où l’Etat du Cameroun arnaque ses propres
concitoyens car la Sonara, SCDP, SNH, CSPH et la douane sont les seules
structures qui se sucrent en cette période de baisse de prix du brut sur le
marché international. Ces structures ont une seule chose en commun ; elles
appartiennent tous à l’Etat du Cameroun.
Comment
peut-on faire pour qu’il y ait une éventuelle baisse au Cameroun ?
Le schéma de
fixation du prix du carburant à la pompe au Cameroun est de type colonial et
fortement politisé. La privatisation de l’activité de raffinage et de stockage
des produits pétrolier ne faisant pas partie des « grandes
ambitions » je ne m’y attarderai donc pas comme esquisse de solution. La TVA incorporée dans la structure de prix souffre d’une coexistence
contre-nature d’éléments régulièrement taxés (prix sortie Sonara, cabotage,
redevance portuaire et passage SCDP par exemple) et de prestations faussement
taxés telle que la TVA sur distribution et la taxe
spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) sur le super et sur le gasoil. Ces deux dernières taxes sont une arnaque à ciel ouvert sous le regard
approbateur des économistes indépendants et des ONG de protection des
consommateurs. Le gouvernement devrait urgemment convoquer une réunion de crise
afin de trouver les voies et moyens pour que cette baisse à l’international se
répercute à la pompe, ceci sans empiéter sur les recettes fiscales de 2015 vu
les projets en court de réalisation et la guerre au Nord qui demande des
ressources considérables. Ceci peut se
traduire par une réelle réduction du train de vie de l’Etat, du nombre de
ministères et de rendre les sociétés d’Etat (CRTV, Camtel, Camwater, Sonara,
Camair-Co, ... etc) plus compétitives en y supprimant les subventions afin
qu’elles génèrent leurs propres bénéfices.
Les
populations peuvent-elles espérer une baisse des prix à la pompe ?
Les autorités
Camerounaises contrôlent le prix à la pompe des produits pétroliers en fixant
par décret leurs niveaux tous les mois. Je vois mal le gouvernement entrain de
baisser les prix à la pompe de leur propre volonté. Tant que les économistes et
la société civile ne manifestent pas leurs ras-le-bol ces prix ne baisseront
pas du tout.
Comment la
réduction du prix du carburant à l’international peut-elle impacter sur le
Cameroun, qui, est un pays producteur.
L’impact est
minimal car bien que le Cameroun soit producteur de pétrole, celui ci ne vend
pas son pétrole au comptant mais plutôt par contrat en se bornant de prélever
une taxe par baril vendu. Le Cameroun bénéficie très peu de son propre pétrole
car les quantités de productions journalières sont insignifiantes comparer à la
Guinée équatoriale par exemple.
Est-ce que
cette baisse à l’international ne peut pas entraîner pas la baisse des
subventions de l’Etat ?
Il faut faire
la distinction entre une subvention explicite et une subvention implicite. Il y
a subvention explicite lorsque les produits pétroliers sont vendus aux
consommateurs à un prix inférieur au prix international, le budget de l’Etat
supportant la différence. En cas de subvention implicite, le prix aux
consommateurs est au dessus du prix international compte tenu des taxes et des
marges. La subvention pétrolière au Cameroun est du type implicite. Ainsi, la
baisse progressive du prix du brut à l’international doit normalement ramener
la subvention de l’état progressivement à zéro au même prorata que la baisse à
la pompe. Donc si la baisse à la pompe doit être de 60 FCFA, l’Etat diminue sa
subvention de 30 FCFA et baisse le prix a la pompe de 30FCFA, ceci
progressivement jusqu’a ce que la subvention soit nulle et la baisse se
répercutera donc désormais à 100% à la pompe.
Si
aujourd’hui, on envisage une baisse des prix, elle peut être de l’ordre de
combien ?
La baisse du prix du baril à l’international
est de l’ordre de 50% de nos jours donc le baril tourne autour de 48 dollars
US. En juin 2014 le baril était à 98 dollars US et le prix à la pompe au
Cameroun de 650 FCFA pour le super. En janvier 2015 le baril est à 48 dollars
mais le prix à la pompe est toujours de 650 FCFA. Donc cela fait un bon bout de
temps que le gouvernement arnaque les consommateurs. Le mécanisme de fixation
des prix des hydrocarbures à la pompe n’étant pas linéaire, je proposerai une
baisse de 40%, donc le super doit être désormais vendu à environ 400FCFA le
litre.
Propos recueillis par Christelle Kouétcha
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