Elles sont
victimes de la concurrence des compagnies aériennes qui sont exonérées de la
taxe et des agences de voyages internationales qui la contournent
avec des techniques qui sont siennes.
Depuis deux ans
déjà, les agences de voyages nationales ont encore du mal à supporter la taxe
sur la valeur ajoutée (TVA), infligée par la loi de finance 2013, sur les commissions perçues sur les
billets d’avion. L’on a appris que les membres du Syndicat national des agences
de voyages et de tourisme du Cameroun (Snavtc), ont eu une audience avec le
ministre des Finances (Minfi), le mois de juin dernier.
Une énième réunion avec
le Minfi qui « a été l’occasion une fois de plus de lui exposer les
problèmes que nous rencontrons avec la TVA qui nous ai
imposée », confie Ngassa Happi, président du Snavtc. A l’issue de cette
audience, un comité ad hoc, a été constitué pour se pencher sur ce problème. Ce
comité fait également suite à plusieurs autres plaintes déjà déposées par le
syndicat, auprès des autorités, apprend-on.
En effet, les
agences de voyages locales (Aigle Voyage, July Voyages, Tropic Voyages, Idéal
Voyages, Transu Voyages, Moabi Voyages…), estiment que la loi de finance 2013,
est « discriminatoire ». Puisque dans son article 127, alinéa 4 du
code général des impôts, soumet les agences au paiement de la TVA sur leurs commissions, mais exonère les compagnies aériennes de cette taxe
sur les mêmes commissions perçues sur la vente des billets d’avion. «C’est
carrément une concurrence déloyale, car nous sommes obligés d’imputer la TVA et vendre les billets plus cher. Ceci, à contrario des compagnies qui
vendent moins cher car elles n’ont pas de taxe et nous volent ainsi les
clients », tranche, Henri T., directeur commercial d’une agence de voyage.
Ce dernier et
plusieurs autres responsables d’agence de voyages rencontrés à Douala, estiment
que cette loi de finance a été prise sans tenir compte des rouages du métier du
transport aérien. « Ce sont les compagnies aériennes qui mandatent
les agences de voyages pour vendre les billets à leur compte.
Les compagnies
rétribuent les agences pour les services qui sont ainsi rendues. Alors, qu’elle
sera la raison de venir acheter un billet dans une agence où la TVA est imputée et augmente le coût du billet. Alors, qu’à côté, la compagnie
qui nous mandate ne souffre d’aucune taxe dans ce service. Mieux, les agences
de voyages ferment », s’indigne, William Smith, directeur général de
PSV Voyage, joint au téléphone.
Détournement du
marché
Il faut relever
que cette TVA introduite dans la loi de finance 2013,
avait déjà fait l’objet de plusieurs oppositions de la part des agences de
voyages. Le président du Snavtc, révèle que depuis plusieurs années le
gouvernement a tenté d’imposer la TVA sur les
commissions servies aux agences de voyages par les compagnies aériennes.
Mais,
le syndicat avait démontré à l’administration fiscale de l’époque les
conséquences néfastes qui pouvaient s’en suivre. Et, l’imposition des
commissions des agences à la TVA, avait été
exonérée. L’ex directeur des impôts en 2001, Polycarpe Abah Abah, avait précisé
dans sa lettre datée du 10 avril 2001 que « les commissions perçues par
les agences de voyages à l’occasion de la vente des billets d’avion pour les
vols internationaux ne sont pas majorées du montant de la TVA », précisait-il.
Mais, 13 ans
plus tard cette taxe est désormais imputée aux agences de voyages. Ceci, aussi
bien pour les billets des vols internationaux que nationaux. Pour les vols
internationaux, les membres du Snatvc, estiment que cela va à l’encontre du
fondement juridique de la TVA. En effet, comme
l’explique, Jean Kakou, comptable, la TVA s’applique
seulement sur les services et sur les biens de consommations intérieures.
Par
conséquent, « la base imposable de la commission à la TVA ne peut s’appliquer pour des voyages à l’extérieur du Cameroun.
Douala-Paris-Douala, par exemple ne peut être à l’évidence consommée sur le
territoire camerounais », analyse
Ngassa Happi. Ce dernier, a d’ailleurs adressée une autre lettre au Minfi, le
14 avril 2014, pour interpeller, Alamine Ousmane Mey, sur ce que les agences
nationales appellent « l’injustice commerciale ».
Plusieurs
d’entre ces agences, craignant de perdre la clientèle, ont pendant des mois
refusées d’appliquer la loi. Mais, ces dernières ont été frappées de
redressement fiscal, apprend-on. En plus de l’exonération des compagnies
aériennes de TVA, les agences
de voyages locales, disent faire face au « rude détournement du
marché » par les agences multinationales. En effet, L’on a appris auprès
des agences de voyages réunies au syndicat, que les agences multinationales ont
pris l’habitude de contourner la TVA exigée sur les
billets d’avion, en les émettant dans leur succursale installées dans les pays
africains, où il n’est pas exigé la TVA.
Pourtant la réservation est faite au
Cameroun. « Elles ne payent pas la TVA, et gagnent
doublement sur le marché camerounais, surtout que les commissions qu’elles
perçoivent dans d’autres pays ne souffrent pas de la TVA. Ce sont comme
ça de bons contrats qui nous sont raflés au quotidien. Ils bénéficient de taux
de change avantageux », s’indigne,
Georges Sangang, directeur général d’Aigle Voyage.
La manœuvre des
agences de voyages internationales
Satguru Travel,
une de ces agences internationales rencontrées, a soutenu avec véhémence
respecté la législation camerounaise. Sales manager, à la direction générale de
Satguru à Douala, M. Samsher, s’est dit étonné par une telle accusation. A en
croire ce dernier, les objectifs de vente assignés aux différentes
filiales de l’agence ne peuvent pas « nous permettre de faire partir nos
commissions vers d’autres filiales, sous prétexte qu’on veut contourner la TVA », tranche-t-il. N’empêche, si l’on
en croit le Snavtc, la manœuvre des agences de voyages internationales, est
facilitée par l’émission des billets électroniques, qui peuvent se faire dans
n’importe quel pays. Bien plus, ces émissions externes tiennent toujours
comptent de l’importance des commissions.
Le Syndicat,
soutient d’ailleurs que plusieurs de ces agences internationales, qui se sont
spécialisées dans les émissions transfrontalières, évoluent dans la
clandestinité. L’on a appris auprès du syndicat des agences de voyages, que
plusieurs plaintes ont déjà été déposées à l’encontre de ces agences, mais
« il existe une lenteur judiciaire », souligne Ngassa Happi. Le
président du Snavtc, révèle que certaines compagnies aériennes, notamment Kenya
Airways, ont déjà pris des mesures pour combattre le dumping pratiqué par les
agences internationales, sur les commissions.
En effet, dans
une lettre datée du 19 février 2014, la compagnie kenyane, demande à
leurs cadres d’interpeller les agences de voyages qui se livrent à cette
activité, et ne plus les réaliser pour le compte des vols sur la compagnie.
« Tous les tickets réservés à l’intérieur d’un pays et émis à
l’extérieur du pays (SITO) et ceux émis et réservés hors du pays d’origine du
passagers (Soto) doivent cesser », lit-on sur la lettre de Kenya
Airways, dont le reporter a eu une copie. Cette réaction de la compagnie
internationale, contraste pourtant avec le silence des autorités sur le
problème. Et, pour les responsables des agences de voyages, l’introduction de
la TVA est à l’origine de toutes « ces
évasions fiscales, car ces agences internationales agréées sont venues ici pour
faire entrer des bénéfices. Mais, s’ils se retrouvent avec des maigres
commissions, elles ne peuvent que trouver les voies et moyens de se faire des
rentrées d’argent », souligne un responsable d’agence de voyages locale. Ce
dernier, à l’unisson avec le Snatvc, estime que l’équité sur le marché de
billetage ne sera possible que si la TVA est supprimée
ou alors baissée. Et, surtout qu’elle soit appliquée à toutes les parties
prenantes. Bien plus, il recommande une identification et une mise
en place des sanctions des agences qui participent aux émissions à l’étranger.
Christelle
Kouétcha
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