Face à la
méfiance des deux institutions d’émission, certains économistes réclament des
réformes pour une indépendance monétaire.
La Beac et la Bceao devraient fusionner |
Cela fait
plusieurs années déjà que les négociations pour mettre fin à la non- interchangeabilité du
FCFA en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale durent. Mais, aucun
aboutissement concret des négociations entamées n’est encore perceptible. Il y
a quatre ans, les gouverneurs des deux banques centrales avaient, au cours d’une
réunion à Yaoundé, affirmé la volonté de la Beac et de la Bceao de parvenir à
une harmonisation du FCFA. Mais rien ne bouge. Pour les économistes, ce recul
dans le processus d’harmonisation du FCFA, s’explique par la méfiance mutuelle
entre les deux institutions d’émission. « Tant à la Banque des Etats de
l’Afrique Centrale, qu’à la Banque des Etats de l’Afrique de l’Ouest
chacun considère que la monnaie de l’autre est mauvaise par rapport à la
sienne. La confiance est donc une raison extra-économique dont l’absence rend
plusieurs transactions monétaires impossibles », explique Thierry Amougou,
macro-économiste et fondateur du Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et
politiques.
Dans un
entretien accordé à RFI, en 2012 Yves Ekué Amaïzo, économiste, expert des
questions monétaires, avait également soulevé ce problème de souveraineté
nationale qui plombe la volonté des deux régions à trouver un accord
« concret » dans le processus d’interchangeabilité des FCFA. Et,
c’est sans doute de bonne guerre, car comme l’expliquent plusieurs économistes,
la création de deux instituts d’émission différents pour une même zone
monétaire et une même monnaie, favorise davantage le problème de non
convertibilité qui se pose aujourd’hui entre les deux FCFA. « Il aurait
suffi d’avoir un seul institut d’émission dès le départ pour une meilleure
harmonisation. Mais, la politique de division monétaire de la métropole pour
mieux régner politiquement montre encore ses impacts négatifs de long
terme », souligne un économiste.
Et, comme le
soutient Dieudonné Essomba, économiste, les deux banques d’émission apparaissent
comme des délocalisations administratives du Trésor français et ne peuvent
entretenir des relations directes entre elles. Mais pour que cela soit
possible, « il faudrait que ces deux entités disposent d’une autonomie de
décision, ce qui suppose l’émancipation des monnaies qu’elles gèrent de la
tutelle française et par la suite, le démantèlement de la zone Franc »,
précise l’économiste.
En outre, des experts des questions monétaires,
expliquent que l’autre raison qui peut justifier le retard dans l’harmonisation
des FCFA, n’est autre que la mauvaise réputation dans la gestion
budgétaire dont s’accusent mutuellement l’Afrique centrale et l’Afrique de
l’Ouest. Conséquence, chaque institut d’émission considère la monnaie de
l’autre comme étant moins crédible que la sienne car chaque groupe de pays
considère l’autre comme un mauvais gestionnaire. Et, sur ce point
« l’Afrique de l’Ouest s’est toujours jugée meilleure gestionnaire car
l’intégration régionale y est plus poussée au même titre que l’orthodoxie
monétaire. Tout cela renforce le manque de confiance nécessaire qui entraîne la
non convertibilité entre les deux FCFA », souligne Thierry Amougou.
Mais pour
surmonter tous ces obstacles à l’interchangeabilité, certains économistes
réclament plutôt des réformes en matière d’indépendance monétaire pour que le
FCFA, ne soit plus rattaché à l’Euro. Bien plus, l’une des visions des chefs
d’Etat régulièrement évoqués lors des sommets et de l’UA est notamment
l’instauration d’une monnaie unique sur le continent, ou débuter avec une
monnaie unique dans les deux sous-régions. Mais, cette autre étape, n’est qu’un
long chemin parsemé d’embûches. Car, jusqu’ici plusieurs dates ont été fixées pour une monnaie
régionale. Là encore, les dates ont changé plusieurs fois. Les autorités ont
même parlé d’une monnaie « éco », sauf que jusqu’ici, aucune avancée
sensible n’est enregistrée. Economiste, Hubert Kamgang estime d’ailleurs qu’il
est temps de lever l’hypothèque du FCFA et œuvrer pour une monnaie unique dans
le cadre des États-Unis d’Afrique…
Christelle Kouétcha
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