La Directrice
générale Agence Française de Voyages à Yaoundé analyse l’impact de l’imposition
de la taxe sur la valeur ajoutée sur les commissions des agences de voyage.
Annick Tchangang Cotet |
Comment
appréciez-vous le fait que la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soit imposée sur les commissions des
ventes de billets émis par les agences de voyage, pour les compagnies
aériennes ?
L’application
d’une TVA sur les
frais de service à l’émission (rémunération pour un service de conseil et
d’émission rendu localement) est discutable, car nous représentons les
compagnies. Il n’y a pas de raison que les agences soient imposées différemment
pour l’activité ‘vente de billets d’avion. L’application d’une TVA sur les commissions (rémunération
incluse dans le prix total d’un billet voyagé à l’international, alors que par
sa nature de « bien consommé à l’international », il ne peut y avoir
de TVA sur ce
voyage) : si l’ensemble n’est pas soumis à TVA, une partie ne saurait l’être. Le
problème le plus grave concerne l’imposition d’une TVA aux agences de voyages, et en même
temps l’exonération des compagnies aériennes, ce qui donne une loi à 2 poids, 2
mesures, une loi qui accorde un privilège indu, inexplicable et inacceptable
aux compagnies, et renforce de fait leur situation de monopole, exacerbant la
précarité des agences de voyages au Cameroun.
Quelles sont
les conséquences de cette imposition de la TVA sur les commissions des agences de
voyage ?
Les compagnies
sont exonérées de TVA dans leur
activité ‘transporteur’, selon des accords internationaux (dont le contenu ne
m’est pas connu). Par contre, pour vendre des billets (et ceux de compagnies
partenaires), les compagnies exercent une activité ‘agence de voyages’ et ont
un code IATA spécifique à l’activité ‘agence de voyages IATA’, qui est une
activité exercée localement dans un pays donné, et pourrait donc être taxable
au même titre que celle des agences de voyages locales. Les bureaux locaux de
ces compagnies aériennes fonctionnent comme une agence de voyages installée au
Cameroun, avec des commissions ou des frais de service, qui leur permettent
d’assurer leurs charges et dégager des bénéfices. Sauf qu’elles vendent, ainsi
que les agences, des billets à l’international, donc a priori non soumis à TVA ! Imposer une TVA aux agences et en exonérer les
‘agences de voyages-compagnies’, c’est aggraver la précarité de la profession
des agences de voyages au Cameroun, qui a vu ses commissions baisser
drastiquement, en partie artificiellement par le biais de l’introduction d’une
taxe de surcharge carburant (qui n’est qu’un revenu caché des compagnies), qui
a vu ses commissions supprimées pour l’instauration de frais de service, et qui
aujourd’hui est encore obligée de sacrifier 1/5e de ses revenus
pour rester compétitif et garder au final un prix égal à celui des compagnies
aériennes, car personne ne veut payer plus cher et que les agences doivent
survivre. Ce malentendu et cette inégalité de fait devant la loi doivent être
clarifiés. Que tous les vendeurs de billets soient assujettis à la TVA, ou en soient exonérés. La profession ne
serait pas en butte à une concurrence déloyale induite par la loi.
Le Syndicat
national des agences de voyages et de tourisme du Cameroun, a saisi le gouvernement
sur ce problème de TVA, où en est-on avec les pourparlers ?
Un groupe de
travail se penchera sur la question, pour étudier les arguments des agences de
voyages, et rendra ses conclusions. Mais la Loi des Finances ne se modifie pas
du jour au lendemain. Un autre groupe de travail étudie les conditions de
collaboration entre les entités publiques et les agences de voyages,
collaboration suspendue par un communiqué du Ministre des Finances.
L’on a appris
que les agences internationales émettent des billets d’avion à l’étranger,
pourtant ils sont réservés au Cameroun. Est-ce que cette activité est
réglementaire ? Et, est-ce que l’on n’assiste pas la à une évasion
fiscale ?
Si vous parlez
d’agences sans agrément ou avec agrément au Cameroun, et qui émettent
leurs billets de Ouagadougou, Cotonou, etc, et bien ces agences ‘pirates’ ont
de meilleures conditions de rémunération à l’étranger ou bénéficient de
flexibilité sur le plan fiscal, opèrent de fait (pour tout ou partie) depuis
l’étranger. Cela conduit nécessairement à de l’évasion fiscale, à des
transferts d’argent non contrôlés. Pour les billets Camair-Co au national et au
régional, incluant une TVA importante, l’émission depuis l’étranger a pour effet la suppression
automatique de la TVA à
l’émission. Cette TVA aurait dû
être reversée à l’Etat par la compagnie, et il y a là un gros manque à gagner…
sans compter que c’est toujours une concurrence déloyale aux agences de voyages
citoyennes.
Est-il possible
de contrôler le paiement de la TVA sur les billets émis sur internet ?
En principe,
oui, mais puisque les compagnies sont exonérées, elles n’incluront pas de TVA. Pour les rares agences de voyages
vendant via internet, cela devrait être possible. C’est une question de
paramétrage. Mais il faut revenir au fonds : savoir si cette TVA a lieu d’être.
Est-ce que dans
d’autres pays, notamment africain la Taxe sur la valeur ajoutée est imposée sur
les commissions des agences de voyages ? Sinon, comment ça marche
là-bas ?
En Côte
d’Ivoire, siège de la Fisavet (Fédération d’agences pour l’Afrique de l’Ouest
et du Centre), les compagnies aériennes ne sont pas soumises à la TVA sur les frais de service ou
commissions. En qualité de « mandataires » des compagnies aériennes,
les agences de voyages ne sont donc pas soumises à la TVA non plus et sont soumises au même
régime fiscal. La TVA n’est
appliquée que sur les billets domestiques (voyagés au national).
Quelles sont
les solutions pour que les agences de voyages nationales puissent vraiment
entrer en possession de leur rémunération ?
Suspendre
l’application des mesures de la TVA sur ventes billets d’avion aux agences pour que la rémunération ne
soit pas amputée d’1/5e car on ne peut pas être 1/5e plus
cher ; d’urgence aller au fonds, pour trancher une fois pour toutes. Ou limiter
l’activité des compagnies à transporter, et celle des agences de voyages à
vendre les titres de transport. Réglementer le marché (trop d’agences pirates
et sans agrément).
Propos recueillis par Christelle
Kouétcha
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