Les
pays membres de l’institution ont du mal à booster la filière et se heurtent à
la concurrence du café importé.
Les
exportations de café des Etats membres de la Communauté économique des Etats de
l’Afrique centrale (Ceeac), est en chute libre. En effet, selon les
statistiques relevées par la Ceeac dans son document de stratégie
d’intervention dans le secteur du café, depuis plus de 20 ans, la quantité de
café produite annuellement dans la région Ceeac a diminué d’un niveau d’environ
4 à 5 millions de sacs, soit de 240 000 à 300 000 tonnes. Directeur des
politiques macroéconomiques du commerce et de l’industrie à la Ceeac, Carlos
Bonfim, indique qu’il y a 35 ans, les exportations se chiffraient à près de 8
millions de sacs de café. Mais aujourd’hui, l’exportation ne vaut qu’environ 60
000 à 90 000 tonnes (1 à 1,5 million de sacs) ; soit une chute de 80%.
Cette
descente « aux enfers » du café de la sous-région, s’explique
entre autres par le vieillissement des vergers et des planteurs, les problèmes
d’accès aux intrants de qualité, l’absence d’un dispositif de financement
approprié, la faiblesse et l’insuffisance des organisations de producteurs, une
libéralisation mal maîtrisée du secteur dans les différents Etats, le manque de
matériel végétal performant… Ces problèmes handicapent de plus en plus la
production des pays de la Ceeac. D’après les statistiques relevées sur le site
TradeMap, entre 2007 et 2009 par exemple, la production annuelle du café du
Cameroun est passée de 47 256 tonnes à 30 335 tonnes. Dans les pays victimes de
conflit comme le Congo Brazzaville, la production est passée de 8 787 tonnes à
5 041 tonnes. Chargé de l’agriculture et du développement rural à la Ceeac, Dr
Joël Beassem, explique que les conflits dans les pays ont entraîné la destruction
des vergers et particulièrement les recherches engagées pour la production du
café.
Ces
faibles productions « ne permettent pas aux pays de la Ceeac de
s’imposer sur le marché mondial », soutient Dr Joël Beassem. En effet,
LQE a appris que les pays africains producteurs de café ont fourni environ 12%
de l’offre mondiale du café et moins de 11% des exportations mondiales
pour la saison 2009 - 2010. Pourtant, dans les années 70 l’Afrique comptait
pour 30% des exportations mondiales. Toutefois, les perspectives du marché
international du café semblent plutôt bonnes à moyen terme. Car, l’organisation
internationale du café estime qu’avec un taux annuel de croissance d’environ
2%, la consommation mondiale de café va atteindre 170 millions de sacs en 2020.
Ceci, par rapport au 132 millions de sacs consommés en 2010. Le monde aura donc
besoin de 30 à 40 millions de sacs supplémentaires dans les dix ans à venir.
La
demande est donc forte. Ainsi, « il sera question pour les Etats de la
Ceeac de développer des stratégies pour augmenter leur contribution au marché
mondial », indique Carlos Bonfim. Bien avant, il faudra encourager la
consommation locale. A en croire les experts de la Ceeac, moins de 50% de la
production locale de café est consommée localement. Les pays ont même encore du
mal à commercialiser leur produit entre eux. Chef d’agence de la société Uccao
(Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest) spécialisée dans la
production du café au Cameroun, Béatrice Mewabo, explique que l’entreprise s’est
toujours heurtée à des tracasseries douanières multiples au cours des ventes
dans la zone Ceeac.
Le
même problème est relevé par la société Tsongo Kasereka (Tsokas) du Congo
Brazzaville. Kisumba Kambale, le directeur général de l’entreprise fait
remarquer que les producteurs des pays de la Ceeac vendent « facilement » leurs
produits vers les pays de l’Afrique de l’Ouest par exemple. « Il y
a un réel problème d’intégration dans la sous-région. En plus, les structures
de café des pays ne travaillent pas en synergie. Par conséquent, ils ne peuvent
pas avoir des informations sur les différents types de café proposés sur le
marché », observe Kisumba Kambale. Mais, le véritable problème
est que « la consommation du café n’est pas encore entrée dans les
mœurs de la population », indique le chargé de l’agriculture et du
développement rural à la Ceeac. Il n’existe donc pas d’activités
promotionnelles du café de la région.
En
plus, apprend-on, le café localement produit est très fortement concurrencée
par le café importé de l’Europe et de l’Afrique du Sud. « La
chaîne de valeur du café n’est pas très structurée dans la région. La
production n’est pas stable et variée comme celle des pays européen », relève
Carlos Bonfim. Les producteurs de la Ceeac excellent plutôt dans la vente du
café brut. Le café torréfié localement a encore du mal à être vendu sur le
marché européen. Il se heurte entre autres à la labellisation exigée par le
marché mondial. LQE a appris auprès de la Ceeac que dans certains pays
d’exportation du café, il existe des impôts sur le café torréfié, ce qui
décourage les activités de transformation dans les pays d’origine.
Le
directeur général de la société Tsokas souligne par ailleurs que les
torréfacteurs de la Ceeac ont encore du mal à avoir la constance dans la
production, car les pratiques ne sont pas normalisées. Les torréfacteurs sont
donc pour la plupart des entreprises artisanales, où le marché principal est un
marché populaire à un prix très bas. D’après les acteurs du secteur, la
tendance peut être relevée si les Etats créent de petites niches de
transformation et y accordent des investissements conséquents. Les experts de
la Ceeac révèlent d’ailleurs que les Etats de la région accordent moins
de 5% de leur budget à l’agriculture.
Christelle
Kouétcha
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