9 avr. 2014

Est: Les villages se meurent


Les villages se meurent
Le soleil s’est levé tôt ce matin à Eboumetoum. Sur la longue route en latérite jonchée de nids de poule, qui mène à ce village de la région de l’Est-Cameroun, pas l’ombre d’un habitant. Tout est calme. Quelques vieillards, affalés sur des chaises brinquebalantes à l’entrée des demeures, somnolent. D’autres ont le regard rivé sur la route poussiéreuse et sèche qui « n’a pas vu l’ombre d’une voiture », selon un de ces vieux assis dans sa hutte. Ce calme mystérieux qui règne à Eboumetoum ce jour, n’est pas dans les habitudes de ce village…

Deux ans après le départ des exploitants forestiers, Eboumetoum n’est plus que l’ombre de lui-même.  « Il n’y a plus rien dans ce village. Avant, il y avait du monde qui entrait sans arrêt dans le village. Les gens étaient heureux. Bref, il y avait de la vie », raconte Bonaparte Nkonzuh, chef supérieur d’Eboumetoum, non sans couler des larmes nostalgiques. Le cas d’Eboumetoum n’est pourtant pas unique. La plupart des villages de la région de l’Est du Cameroun sont restés démunis après le passage des exploitants forestiers. Dans plusieurs village de l’Est, les exploitants forestiers avaient mis à la disposition des habitants, des hôpitaux, des points d’eau, la route était entretenue, les commerçants affluaient le marché et les villageois avaient la possibilité d’écouler leurs vivres issus de l’agriculture, de la pêche… Bref « L’Est vivaient », se souvient un habitant

Ruines

Toutes les infrastructures construites en planches par les exploitants forestiers sont tombées en ruines. La Pallisco, une compagnie française d’exploitation du bois a mené des activités à Eboumetoum de 1972 à 2005. La société a revendu ses terres à la Fipcam qui les a exploitées pendant deux ans. Depuis le départ de ces deux entreprises, le marché s’est vidé. Il ne reste plus que trois commerçants sur les près de 500 qui y exerçaient. Les planches utilisées pour la construction des commerces ont pourri faute d’entretien. Les points d’eau sont fermés, car le groupe électrogène qui alimentait les deux pompes a été emporté par la Fipcam au moment de son départ. La population se ravitaille désormais dans les sources et les rivières.

Dans la ville de Dimako, la SFID (Société Forestière et Industrielle de Doumé) qui exploitait le bois n’a pas construit de pompe. La seule pompe offerte il y a près de dix ans par l’Ong Plan Cameroun est polluée. Les riverains confient que plusieurs personnes ont été victimes de choléra, et de maladies de la peau. « Il n’y a que Dieu seul qui nous protège. Tous nos enfants se plaignent d’avoir atrocement mal au ventre chaque semaine. Nous sommes parfois obligés de les conduire à Yaoundé quand le mal persiste », raconte une dame.

Électricité

À Eboumetoum, le seul centre de santé créé par la Pallisco est devenu un nid de serpents. Les herbes ont entouré tout l’édifice. Les médecins affectés par l’Etat dans ce centre ont également déserté le site. Les villageois malades se soignent à l’aide des plantes qui, elles aussi, « sont devenues rares dans la forêt depuis que les arbres ont été tous coupés », confie un médecin traditionnel. Dans tous les villages occupés par les exploitants forestiers, il n’y a plus l’ombre de l’électricité. À Dimako et Eboumetoum, seuls de vieux poteaux électriques et des câbles rappellent qu’il y a eu autrefois de l’électricité ici. À Yokadouma, la ville est alimentée par un groupe électrogène. Ce qui, évidemment, ne garantit pas une fourniture continue de l’énergie électrique qui est par conséquent distribuée de manière rationnée.


Christelle Kouétcha

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire