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Les villages se meurent |
Le soleil
s’est levé tôt ce matin à Eboumetoum. Sur la longue route en latérite jonchée
de nids de poule, qui mène à ce village de la région de l’Est-Cameroun, pas
l’ombre d’un habitant. Tout est calme. Quelques vieillards, affalés sur des
chaises brinquebalantes à l’entrée des demeures, somnolent. D’autres ont le
regard rivé sur la route poussiéreuse et sèche qui « n’a pas vu l’ombre
d’une voiture », selon un de ces vieux assis dans sa hutte. Ce calme
mystérieux qui règne à Eboumetoum ce jour, n’est pas dans les habitudes de ce
village…
Deux ans après
le départ des exploitants forestiers, Eboumetoum n’est plus que l’ombre de
lui-même. « Il n’y a plus rien dans ce village. Avant, il y avait
du monde qui entrait sans arrêt dans le village. Les gens étaient heureux.
Bref, il y avait de la vie », raconte Bonaparte Nkonzuh, chef
supérieur d’Eboumetoum, non sans couler des larmes nostalgiques. Le cas
d’Eboumetoum n’est pourtant pas unique. La plupart des villages de la région de
l’Est du Cameroun sont restés démunis après le passage des exploitants
forestiers. Dans plusieurs village de l’Est, les exploitants forestiers avaient
mis à la disposition des habitants, des hôpitaux, des points d’eau, la route
était entretenue, les commerçants affluaient le marché et les villageois
avaient la possibilité d’écouler leurs vivres issus de l’agriculture, de la
pêche… Bref « L’Est vivaient », se souvient un habitant
Ruines
Toutes les
infrastructures construites en planches par les exploitants forestiers sont
tombées en ruines. La Pallisco, une compagnie française d’exploitation du bois
a mené des activités à Eboumetoum de 1972 à 2005. La société a revendu ses
terres à la Fipcam qui les a exploitées pendant deux ans. Depuis le départ de
ces deux entreprises, le marché s’est vidé. Il ne reste plus que trois
commerçants sur les près de 500 qui y exerçaient. Les planches utilisées pour
la construction des commerces ont pourri faute d’entretien. Les points d’eau
sont fermés, car le groupe électrogène qui alimentait les deux pompes a été
emporté par la Fipcam au moment de son départ. La population se ravitaille
désormais dans les sources et les rivières.
Dans la ville
de Dimako, la SFID (Société
Forestière et Industrielle de Doumé) qui exploitait le bois n’a pas
construit de pompe. La seule pompe offerte il y a près de dix ans par l’Ong
Plan Cameroun est polluée. Les riverains confient que plusieurs personnes ont
été victimes de choléra, et de maladies de la peau. « Il n’y a que Dieu
seul qui nous protège. Tous nos enfants se plaignent d’avoir atrocement mal au
ventre chaque semaine. Nous sommes parfois obligés de les conduire à Yaoundé
quand le mal persiste », raconte une dame.
Électricité
À Eboumetoum,
le seul centre de santé créé par la Pallisco est devenu un nid de serpents. Les
herbes ont entouré tout l’édifice. Les médecins affectés par l’Etat dans ce
centre ont également déserté le site. Les villageois malades se soignent à
l’aide des plantes qui, elles aussi, « sont devenues rares dans la
forêt depuis que les arbres ont été tous coupés », confie un médecin
traditionnel. Dans tous les villages occupés par les exploitants forestiers, il
n’y a plus l’ombre de l’électricité. À Dimako et Eboumetoum, seuls de vieux
poteaux électriques et des câbles rappellent qu’il y a eu autrefois de l’électricité
ici. À Yokadouma, la ville est alimentée par un groupe électrogène. Ce qui,
évidemment, ne garantit pas une fourniture continue de l’énergie électrique qui
est par conséquent distribuée de manière rationnée.
Christelle
Kouétcha
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