Expert et
consultant national Fao, il présente l’importance de l’agriculture biologique
pour l’économie camerounaise.
Jean Pierre Imele |
C’est quoi
une agriculture biologique ?
L’agriculture
biologique est un mode de production qui se fait sans l’utilisation des engrais
chimiques de synthèse. Toutefois, ce ne sont pas tous les engrais chimiques de
synthèses qui sont proscrits, comme par exemple le sulfate de potassium qui est
autorisé en bio. Il est autorisé car cela permet la fructification et la
métabolisation des sucres dans les fruits. En dehors du sulfate de potassium on
peut aussi choisir d’utiliser de l’engrais organique. Mais les cahiers de
charge bio autorisent l’utilisation des dérivés de cuivre pour protéger contre
des maladies. Bref, bio veut dire respecter un cahier de charge et non
restriction totale aux produits chimiques de synthèse.
Au Cameroun, il y a deux sortes d’agriculture biologique. Il y a une agriculture biologique qui respecte les normes ou les cahiers de charge de l’union européenne, américaine ou japonaise et qui sont bien structurés. Il y a aussi, une agriculture biologique passive qui consiste à profiter de la faible pollution chimique de synthèse de notre environnement. C’est-à-dire, on se dit que je plante un avocatier derrière ma maison et j’ai la certitude par exemple, que personne n’y a jamais pulvérisé quelque chose de toxique, dont il sera biologique. Mais, cet avocatier n’est pas certifié. La certification étant une démarche volontaire.
Le danger de l’agriculture biologique passive est que comme l’agriculteur
n’est pas au courant des exigences de cahier de charge, il peut par ignorance
jeter une pile de sa torche par exemple sur l’avocatier. Mais comme personne ne
lui a dis que la pile est constituée de produits chimiques, et la rémanence
dans le sol est de plus de 100 ans. Du coup, il est entrain de polluer
chimiquement et involontairement son avocatier biologique.
Est-ce que le
Cameroun a le potentiel pour développer l’agriculture biologique ?
Selon un
rapport du cabinet Mac Kinsey sur le potentiel agronomique des pays africains,
le Cameroun est présenté comme un pays qui le meilleur potentiel dans le
domaine de l’agriculture. Car, nous avons beaucoup de terre irrigable en
million d’hectare, on a un bon réseau d’irrigation quasi gratuit dans tout le
territoire national, on n’a une façade maritime sur l’océan atlantique qui est
très importante, une population relativement éduquée… Bref, on a tous les
ingrédients pour faire de ce model production agricole, un véritable levier du
développement économique.
Malheureusement, on gère cela de manière marginale.
On ne comprend pas qu’il faut y mettre de l’argent pour former des gens et
c’est déplorable.
Juste une remarque, il y a un ou deux ans notre chef de l’Etat quand il s’est rendu aux Etats unis avec son épouse, ils ont rencontré la dame de l’actuel président américain. Au cours de cette visite, Mme Chantal Biya avait visité un grand potager biologique que Mme Obama avait développé à la maison blanche et avait été émerveillée. On se demande, pourquoi quand elle visite des choses pareilles et elle revient dans son pays cela ne l’inspire pas.
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Jean Pierre Imele/ Crédit Photo: annematho.files.wordpress.com |
Comment faire
pour intégrer l’agriculture biologique dans le développement économique du
Cameroun ?
Il est
d’abord une question de reforme des mentalités. Déjà parlons de l’agriculture
en général. Il faut que les camerounais cessent de considérer que l’agriculture
est une sous activité que l’on fait parce qu’on n’a pas réussit ailleurs.
L’agriculture est une activité professionnelle à part entière et l’agriculture
biologique est une agriculture très développée qui demande un sens
d’observation, des capacités analytiques, une formation très poussée
contrairement à ce que l’on imagine. Car, il faut respecter un cahier de charge
et pouvoir même d’abord l’interpréter.
L'agriculture biologique une agriculture qui demande vraiment beaucoup de ressources humaines. Donc, pour développer l’agriculture biologique au Cameroun, il faut lui accorder toute la place qu’elle mérite, parce que l’on a un immense potentiel. Il faut que le gouvernement s’intéresse à la filière biologique, s’implique dans la structuration la filière en élaborant des cahiers de charge et en organisant de l’information autour de la filière.
Cette information aidera les agriculteurs d’évoluer dans un cadre bien
défini et développera davantage le secteur. En Ouganda par exemple, les
pouvoirs publics ont compris cela et ce sont jetés corps et âmes dans la
sensibilisation et les explications à travers des émissions radios, des
brochures distribuées par des Ongs ougandaises et internationales des
conférences et des séminaires de formation (En 2003, l'Ouganda arrivait au 13e rang mondial et au premier rang en Afrique pour la superficie consacrée à l'agriculture biologique. Le pourcentage des terres où cette forme d'agriculture est pratiquée a augmenté de 60% entre 2002 et 2007, atteignant 296 103 ha NDLR). Cela a permis à l’agriculteur moyen
de comprendre ce que c’est que l’agriculture biologique et de savoir ce qui
faut faire pour ne pas polluer involontairement ses fruits.
Propos
recueillis par Christelle Kouétcha
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